Séance du mardi 18 janvier 2022
- Présidence de M. Richard Ferrand
- 1. Questions au Gouvernement
- Situation dans les écoles
- Droits d’inscription à l’université
- Attractivité économique de la France
- Menaces du président azerbaïdjanais
- Hausse des prix
- Redressement des comptes publics
- Hausse des prix
- Politique du Gouvernement en faveur de l’inclusion
- Protocole sanitaire dans les écoles et droits d’inscription à l’université
- Attractivité économique de la France
- Droits d’inscription à l’université
- Licornes françaises
- Prix des carburants
- Droits d’inscription à l’université
- Politique migratoire européenne
- Prix de la baguette
- Hausse des prix du carburant
- Anniversaire de la loi Veil
- Dotation globale de fonctionnement des communes
- Politique énergétique
- Avenir de la pêche française
- Train Intercités de nuit Le Pyrénéen
- Hôpital public
- Statut de l’entrepreneur individuel
- M. Jean-Paul Mattei
- M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé du tourisme, des Français de l’étranger et de la francophonie, et auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des petites et moyennes entreprises
- Accroissement des inégalités
- Revalorisation du SMIC
- 2. Réforme de l’adoption
- Discussion des articles (suite)
- Article 13 (suite)
- Amendements nos 38 et 212
- Mme Monique Limon, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République
- M. Adrien Taquet, secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles
- Amendements nos 213, 90, 40, 39, 214, 145, 254, 218, 50, 216, 217, 27 et 41
- Article 14
- Article 15
- Article 17
- Article 17 bis
- Amendement no 229
- Article 19
- Titre
- Article 13 (suite)
- Explications de vote
- Vote sur l’ensemble
- Discussion des articles (suite)
- 3. Contrôle parental de l’accès à internet
- 4. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de M. Richard Ferrand
M. le président
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
1. Questions au Gouvernement
M. le président
L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.
Situation dans les écoles
M. le président
La parole est à Mme Virginie Duby-Muller.
Mme Virginie Duby-Muller
Monsieur le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, votre gestion de la crise sanitaire à l’école vire au fiasco et nous interroge quant à la légèreté avec laquelle vous l’abordez.
M. Maxime Minot
On est mieux à Ibiza, hein !
Mme Virginie Duby-Muller
Depuis plus de quinze jours, les professeurs et les équipes éducatives sont déboussolés, les collectivités sont dépassées, les parents sont excédés, les élèves sont à bout. Que dire de votre protocole initial présenté la veille de la rentrée scolaire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) Votre faute politique n’est pas d’avoir pris des vacances, mais de ne pas avoir fait vos devoirs de vacances en présentant votre protocole plus tôt et de manière concertée. Que dire de vos consignes incompréhensibles et inapplicables qui ont mis les parents et leurs enfants dans des situations intenables les obligeant, par manque de tests, à faire des queues interminables devant les pharmacies ? Que dire enfin de vos injonctions contradictoires et de vos changements de pied permanents ?
M. Pierre Cordier
Eh oui, y en a marre !
Mme Virginie Duby-Muller
Les parents, dont je fais partie, s’arrachent les cheveux pour suivre tant bien que mal un protocole remplacé par un nouveau le lendemain, puis un troisième le surlendemain. Comment ne pas céder au découragement quand plus personne n’y comprend rien ?
Vous avez perdu la confiance des professeurs qui ont participé, jeudi dernier, à une grève aussi massive qu’inédite pour dénoncer, aux côtés des parents d’élèves, la complexité des règles en vigueur.
M. Pierre Cordier
Prends ta retraite, Blanquer !
Mme Virginie Duby-Muller
Le Premier ministre a même dû vous désavouer pour tenter de rétablir la situation. Malgré des avancées, la situation reste très précaire et je suis particulièrement inquiète pour les enfants qui n’en peuvent plus.
Personne ne dit que la situation est facile, personne.
M. Sylvain Maillard
Ben si !
Mme Virginie Duby-Muller
Cependant, pourquoi avoir abordé la situation de façon aussi désinvolte ? Pourquoi avoir mis tant de temps à distribuer des masques FFP2, à fournir des autotests gratuits, à simplifier les protocoles ? Pourquoi avoir tant tardé à suivre des recommandations que les députés Les Républicains vous faisaient depuis des mois ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.)
M. le président
La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports
Vous m’interrogez sur la crise sanitaire. En premier lieu, vous avez raison de souligner que nous sommes dans un moment difficile, ne l’oublions jamais. Le variant omicron nous a posé de nouveaux problèmes, comme aux autres pays d’Europe. J’ai eu l’occasion de faire la chronologie de ce qui s’est passé. Vous savez que, depuis la semaine dernière, avec le Premier ministre et le ministre de la solidarité et de la santé, nous avons reçu les organisations syndicales. Les choses, loin d’empirer, sont en train de s’organiser, toujours plus et mieux, dans la difficulté, bien sûr, en France comme ailleurs, mais avec une chose que nous réussissons en France et qui est moins réussie ailleurs : la politique de l’école ouverte (« Très bien ! » et applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.) Nous espérons tous évidemment sortir de cette crise bientôt.
Il ne m’a pas échappé qu’au-delà de l’attaque sur la politique, il y a eu aussi une attaque sur ma personne, notamment sur mes vacances.
Un député du groupe SOC
Ce n’est pas une attaque !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre
Premièrement, avais-je le droit de prendre quelques jours de congé après cette année ?
Un député du groupe LaREM
Oui !
M. Raphaël Schellenberger
Ce n’est pas la question !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre
Deuxièmement, y a-t-il des réunions ou des choses que je devais faire pendant cette période et que je n’ai pas faites à cause de cela ?
M. Raphaël Schellenberger
Oui !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre
Non, bien sûr !
Troisièmement, les décisions auraient-elles été différentes…
M. Raphaël Schellenberger
Oui !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre
…si j’avais été ailleurs ? Non plus.
Il y a, je le reconnais, une symbolique. Il se trouve que j’aurais dû sans doute choisir un autre lieu que celui que j’ai choisi. La symbolique, je la regrette, mais pour le reste, depuis deux ans, avec la majorité, avec mes équipes, avec tous les professeurs de France nous tenons la politique de l’école ouverte. C’est cela qui est essentiel. Ne nous perdons pas dans l’accessoire ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.)
Droits d’inscription à l’université
M. le président
La parole est à Mme Isabelle Santiago.
Mme Isabelle Santiago
Monsieur le Premier ministre, une université appelée à devenir payante : voilà ce que nous entendons dans les réflexions, dans les propos du Président de la République qui n’a rien d’autre à proposer à nos étudiants après deux années de crise sanitaire qui les ont particulièrement affectés académiquement, économiquement et psychiquement. Parler d’université sans aucun prix, vraiment ? Quatre cents euros ne représentent donc rien pour votre gouvernement, alors que beaucoup d’étudiants ont déjà du mal à payer leurs frais d’inscription ? Est-il nécessaire ici de vous rappeler le nombre d’étudiants qui font la queue pour se nourrir ?
Oui, l’université a besoin de financements supplémentaires pour la pleine réussite de ses étudiants car, nous le savons, l’enseignement supérieur est un rempart essentiel face au chômage. Mais ce n’est pas aux étudiants de payer les manquements du Gouvernement, même si le Conseil d’analyse économique, proche de votre gouvernement, vous appelait, dans son rapport de décembre dernier, à mieux financer les universités, jugeant la dépense publique d’enseignement supérieur régressive.
Depuis cinq ans, on assiste, certes, à une modernisation, mais à une modernisation libérale du système universitaire. Voici votre bilan : faire payer des frais d’inscription aux étudiants étrangers, créer une taxe pour les étudiants, détricoter le statut des enseignants-chercheurs et appliquer la sélection à l’entrée en licence et en master. Même la loi de programmation de la recherche de fin 2020 ne comportait pas une ligne sur l’enseignement supérieur.
Le Conseil d’analyse économique préconise pourtant ce que nous réclamons depuis cinq ans : améliorer l’accès à l’enseignement supérieur de tous les élèves les plus modestes, par la création de places supplémentaires et de places de logements. Voilà ce que les jeunes attendent.
Monsieur le Premier ministre, vous aviez cinq ans pour agir pour cette jeunesse. N’avez-vous pas un autre modèle à lui proposer dans cette crise sanitaire que nous traversons ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC.)
M. le président
La parole est à Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.
Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation
Le Président de la République a dit très clairement que nous ne pouvions pas rester dans un modèle où trois conditions coexistent : la quasi-gratuité des études (« Et alors ? » sur les bancs du groupe GDR), le fait qu’un tiers des étudiants soient boursiers et que pourtant nous assistions à une très grande précarité de ceux-ci (Protestations sur plusieurs bancs du groupe GDR), le fait que l’université soit presque intégralement financée par des fonds publics. Les propositions qu’il a demandé à la Conférence des présidents d’université – CPU – d’étudier et d’envisager sont les suivantes : comment lutter efficacement contre la précarité, y compris d’ailleurs en y associant les collectivités comme nous l’avons fait, comment être capable, par la formation continue, de mettre les universités au service de la formation des jeunes et des moins jeunes tout au long de leur vie.
Vous avez choisi de prendre un tiers de la phrase du Président. Cherchez dans son discours, que, j’en suis sûre, vous avez lu avec beaucoup d’intérêt, à quel moment il évoque l’augmentation des droits d’inscription ! Il faut cesser les fantasmes. Vous réclamez davantage de places ; vous auriez pu en créer entre 2012 et 2017. Nous l’avons fait en créant 89 000 places. Vous réclamez davantage de logements ; vous auriez pu le faire.
M. Boris Vallaud
On a fait mieux que vous !
Mme Frédérique Vidal, ministre
Nous l’avons fait et nous avons rénové 100 % des logements des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires – CROUS. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.) Je pense que nous avons fait mieux que vous.
Il y a ceux qui interprètent et qui, dans les faits, baissent de 9 à 6 millions d’euros les subventions du CROUS de Paris. En la matière, ce n’est pas le Gouvernement qui le décide, mais la mairie de Paris.
M. Pierre Cordier
Mensonges !
Mme Frédérique Vidal, ministre
Ce que le Gouvernement décide, c’est de doubler les aides d’urgence pour les CROUS. La hausse est de 54 millions d’euros.
Il y a, en effet, des gens qui interprètent et des gens qui font ce qu’ils disent et qui disent ce qu’ils font. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.)
Attractivité économique de la France
M. le président
La parole est à M. Olivier Becht.
M. Olivier Becht
Monsieur le Premier ministre, après deux années de crise sanitaire, il faut parfois des bonnes nouvelles, et c’est le cas notamment puisque notre pays est maintenant, depuis plus de trois ans, la première terre d’investissements étrangers. L’attractivité de la France est donc revenue. Le Président de la République a annoncé, hier, en Alsace, 4 milliards d’euros d’investissements étrangers, avec de nouvelles usines, ce qui représente 10 000 emplois et 16 000 CDI intérimaires qui viennent s’ajouter à d’autres investissements qui avaient déjà été annoncés, comme pour les batteries, du côté de Douai.
M. Fabien Di Filippo
Record d’inflation !
M. Olivier Becht
C’est une bonne nouvelle en matière de création de richesse, et nous en avons besoin pour financer notre modèle de protection sociale. C’est une bonne nouvelle aussi en matière d’emplois, donc de pouvoir d’achat. C’est une bonne nouvelle enfin en matière de souveraineté européenne puisque, lorsque l’on relocalise des usines en France pour produire, que ce soit de la chimie ou de la pharmacie avec du Doliprane, c’est notre indépendance qui est assurée.
J’ai la faiblesse de croire que ces bons résultats, le fait que nous ouvrions deux fois plus d’usines que l’on en ferme, sont aussi dus aux mesures qui ont été prises par les gouvernements d’Emmanuel Macron, que ce soit sur le travail, pour simplifier les procédures, connaître le coût des licenciements, que ce soit la baisse de l’impôt sur les sociétés ou la baisse des impôts de production. Nous avons également particulièrement défendu notre économie. Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il encore prendre (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR) pour défendre notre économie et faire en sorte, avec le ministre M. Riester, que nous améliorions encore notre attractivité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens et sur quelques bancs du groupe LaREM.)
M. le président
La parole est à M. le Premier ministre.
M. Jean Castex, Premier ministre
Merci d’avoir souligné par votre question les très bonnes performances de l’économie nationale…
Un député du groupe LR
C’est toi qui as rédigé la question !
M. Jean Castex, Premier ministre
…dont nous pouvons, je crois, sur tous les bancs, nous réjouir et être fiers. Si la cinquième édition du sommet « Choose France » n’a pas pu se tenir en présentiel compte tenu de la crise sanitaire, elle est venue confirmer la forte attractivité et la bonne santé de notre économie. Ce sont, en effet, une vingtaine de projets représentant un total d’investissements de 4 milliards d’euros et créant plus de 10 000 emplois qui ont été annoncés hier par les entreprises étrangères ayant fait le choix de notre pays pour des raisons de fond et pour de bonnes raisons. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
La France a accueilli, entre 2017 et 2020, plus de 5 300 projets qui ont permis de créer ou de maintenir plus de 140 000 emplois dans tout le territoire. C’est une nouvelle extrêmement intéressante, et je veux préciser devant la représentation nationale que tous les territoires sont concernés,…
M. Pierre Cordier
Il faudrait venir dans les Ardennes !
M. Jean Castex, Premier ministre
…et vous savez combien je suis attachée à cette question. Partout, de l’Alsace au sud-ouest, du nord au sud, les investissements sont répartis.
Ces investissements étrangers ne concernent pas, contrairement à ce que j’entends, que la high-tech, mais beaucoup l’industrie, vous l’avez dit. Là aussi parlons clair : depuis 1980 et jusqu’à récemment, en moyenne la France a perdu 50 000 emplois industriels par an. Depuis 2017, la France a recréé 30 000 emplois industriels. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.) Certes, nous sommes loin d’avoir récupéré ce qui a été perdu, mais c’est une tendance forte incarnée par le plan de relance qu’il nous faut absolument consolider, vous avez raison.
M. Fabien Di Filippo
Il faudra rembourser !
M. Jean Castex, Premier ministre
Ces résultats ne doivent rien au hasard. C’est la politique économique menée par le Gouvernement à l’instigation du Président de la République qui l’explique. Je précise qu’ils sont en parfaite cohérence avec nos résultats en matière de croissance. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens. – Protestations sur plusieurs bancs du groupe LR.) La France connaît la plus forte croissance de la zone euro. Quant aux résultats que nous avons sur le front du chômage, je rappelle que 575 000 emplois nets ont été créés au cours des trois premiers trimestres de 2021.
Sur l’inflation, puisque vous m’interrogez, le taux de la France était en décembre de 2,9 % contre 6 % en Allemagne, 5,1 % au Royaume-Uni, 5,5 % en Espagne et 3,9 % en Italie. Là encore, la France se distingue par ses meilleures performances ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.) Le plan de relance porte ses fruits et sera prolongé par le plan France 2030. Quant à ceux qui en douteraient – mais il n’y en a pas ici –, je les invite à prendre connaissance des déclarations du lauréat du prix Nobel d’économie, Paul Krugman, qui indiquait lundi dernier que la France figurait parmi les économies les plus performantes dans la gestion de la crise ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.)
Menaces du président azerbaïdjanais
M. le président
La parole est à M. Éric Ciotti.
M. Éric Ciotti
Il y a quelques jours, le président-dictateur de l’Azerbaïdjan, Ilham Aliyev, a proféré des menaces de mort et d’enlèvement à l’encontre de Valérie Pécresse.
Un député du groupe LaREM
Qui est-ce ?
M. Éric Ciotti
Elle venait de se rendre dans le Haut-Karabakh et en Arménie pour témoigner notre solidarité au peuple arménien, martyrisé par l’Azerbaïdjan. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) Nous devons dire à ce peuple, forts de nos racines communes, de l’histoire et de la civilisation que nous partageons, notre soutien dans l’épreuve qu’il subit.
Ces attaques violentes ont suscité une réprobation et une condamnation unanimes. Mais dans ces réprobations, nous n’avons jamais entendu votre voix, monsieur le Premier ministre, ni celle du Président de la République (« Ah là là ! » sur quelques bancs du groupe LaREM), ni même celle du ministre des affaires étrangères. Ce silence est extraordinairement assourdissant !
Je vous demande donc solennellement,…
M. Hervé Berville
Ça sonne faux !
M. Éric Ciotti
…pourquoi vous n’avez pas condamné ces paroles, comme l’ont déjà fait les trois présidents de nos groupes parlementaires, notamment Damien Abad et Bruno Retailleau ? Est-ce par complaisance à l’égard de l’Azerbaïdjan…
M. Hervé Berville
Oh !
M. Éric Ciotti
…ou est-ce plutôt parce qu’il s’agissait de Valérie Pécresse, la candidate de la droite républicaine qui va battre Emmanuel Macron ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
M. le président
La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères
Le Président de la République répondra aux trois présidents de vos groupes, mais le ministre des affaires étrangères que je suis peut d’ores et déjà vous dire ceci : les propos tenus par le président Aliyev concernant une élue de la République et, qui plus est, candidate à l’élection présidentielle, sont inacceptables sur la forme et sur le fond. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Agir ens, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LR et Dem.)
M. Hervé Berville
Et voilà : c’est ce qu’il a toujours dit.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre
Je l’ai fait savoir avec fermeté à l’ambassadeur d’Azerbaïdjan en France, et il en est conscient.
Permettez-moi néanmoins une remarque, monsieur Ciotti, puisque nous nous connaissons depuis longtemps. Je trouve regrettable que ce déplacement n’ait fait l’objet d’aucune information adressée aux autorités de la République. (« Aïe ! Aïe ! Aïe ! » sur les bancs du groupe Dem. – Protestations sur les bancs du groupe LR.) Ce n’est pas conforme aux habitudes, et ce n’aurait pas été superflu. D’autres le font – le président Retailleau, par exemple, le fait lorsqu’il se rend dans la région pour défendre les chrétiens d’Orient. Or Mme Pécresse ne le fait pas ; en République, ce n’est pas convenable, si vous me permettez l’expression.
Un député du groupe LR
On n’a pas besoin d’autorisation !
M. Maxime Minot
Et Blanquer, il a demandé une autorisation pour aller à Ibiza ?
M. Jean-Yves Le Drian, ministre
C’était d’autant moins superflu que lorsqu’on se rend à Stepanakert par le corridor de Latchine, il peut être préférable de prévenir les instances de la République, qui sont au service de tous les élus ! Encore une fois, je regrette que ce n’ait pas été fait. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.)
Au-delà de cet incident, il importe que la France soit solidaire de l’Arménie. Nous l’avons été. Jean-Baptiste Lemoyne, ici présent, a fait trois déplacements récents pour apporter son soutien, reconnu par l’Arménie. Et nous devons être au rendez-vous diplomatique et politique afin de parvenir à une solution pacifique.
M. le président
La parole est à M. Éric Ciotti.
M. Éric Ciotti
Pour la première fois, vous êtes sorti de votre silence ; nous en prenons acte. Mais nous vous disons clairement ceci : notre candidate ne demandera pas l’autorisation de se déplacer au candidat Macron ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
Hausse des prix
M. le président
La parole est à M. Hubert Wulfranc.
M. Hubert Wulfranc
La hausse des prix taraude une grande majorité de Français – à la différence, naturellement, des très riches qui ont accumulé 236 milliards d’euros supplémentaires en dix-neuf mois de crise. L’électricité, le gaz, les carburants sont scrutés comme l’huile sur le feu par tous les ménages aux revenus modestes ou moyens, et vous êtes contraints de prendre des mesures d’urgence dans le cadre du marché totalement dérégulé que vous avez organisé. Les produits alimentaires courants – le beurre, le pain, les fruits et légumes, en somme l’alimentation quotidienne des familles – sont pris dans la spirale de l’inflation, de même que les biens d’équipement ménagers.
Les primes et les chèques ne suffisent absolument pas à protéger le pouvoir d’achat d’une majorité de Français, ni à les rassurer sur le proche avenir. La maîtrise de la hausse des prix ne peut pas non plus passer par une augmentation des taux d’intérêt bancaires, qui se traduirait par un crash d’austérité pour les salariés.
C’est la question de la capacité financière qu’ont nos concitoyens d’accéder à ces biens qui est clairement posée, en lien avec celles des salaires et des retraites, en particulier. Dans ces conditions, les élus communistes vous demandent quelles orientations vous entendez prendre pour sécuriser l’accès de nos concitoyens aux services et produits de première nécessité et de la vie courante, et quel rôle vous entendez jouer auprès des banques afin qu’elles maintiennent une politique de crédit à bas taux, indispensable pour éviter un désastre social ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe SOC.)
M. le président
La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.
M. Olivier Dussopt, ministre délégué chargé des comptes publics
L’inflation est en effet une question d’actualité. Comme vient de le rappeler le Premier ministre, la courbe de l’inflation prend la forme d’une bosse puisque le taux atteignait 2,8 % en décembre par rapport à décembre 2020 – un niveau qui n’avait pas été atteint depuis longtemps. Soulignons malgré tout que ce taux est bien loin des taux d’inflation que connaissent beaucoup de nos voisins – le Premier ministre a cité l’Allemagne et l’Espagne mais cela vaut aussi pour les États-Unis ; tous ces pays enregistrent des taux supérieurs à 6 ou 7 %.
Que pouvons-nous faire face à cette situation ? Nous avons commencé par prendre ce que vous avez qualifié de mesures d’urgence, qui sont en fait des mesures fortes visant à protéger les ménages.
M. Hubert Wulfranc
Et les salaires ?
M. Olivier Dussopt, ministre délégué
Le Premier ministre avait annoncé le versement d’un chèque énergie exceptionnel de 100 euros aux 5,8 millions de ménages les plus défavorisés ; c’est chose faite.
M. Fabien Di Filippo
Ah, le carnet de chèques !
M. Olivier Dussopt, ministre délégué
Nous avons prévu une indemnité inflation : son versement est en cours et se passe bien. Les 38 millions de Français qui gagnent moins de 2 000 euros net par mois bénéficieront d’un accompagnement de 100 euros. Et le Parlement a adopté des dispositions permettant au Gouvernement de plafonner la hausse du prix du gaz au même niveau qu’en octobre, et de plafonner à 4 % celle du prix de l’électricité. Ces mesures sont coûteuses pour l’État et pour les finances publiques, mais elles sont nécessaires.
Vous nous demandez quelles sont les orientations plus fondamentales du Gouvernement ; elles sont celles que nous suivons depuis cinq ans pour améliorer les revenus du travail. C’est ce que nous avons fait en augmentant la prime d’activité, en exonérant certaines entreprises de cotisations, et aussi en revenant sur la fiscalisation des heures supplémentaires.
M. Jean-Paul Lecoq
Et les salaires ?
M. Olivier Dussopt, ministre délégué
De même, nous avons veillé à ce que les prestations versées aux personnes les plus éloignées de l’emploi – notamment les bénéficiaires de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) et du minimum vieillesse – soient revalorisées. C’est tout cet ensemble de mesures, conjugué avec la baisse des impôts, qui nous permet de répondre et qui montre qu’au cours de ce quinquennat, le pouvoir d’achat a progressé. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
M. le président
La parole est à M. Hubert Wulfranc.
M. Hubert Wulfranc
La moindre des choses, pour vous qui prétendez renouveler votre mandat, serait d’être plus clair sur le pouvoir d’achat des Français dans les deux années à venir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs des groupes SOC et FI.)
Redressement des comptes publics
M. le président
La parole est à M. Laurent Saint-Martin.
M. Laurent Saint-Martin
Dimanche dernier, le ministre délégué chargé des comptes publics a annoncé que le déficit public serait finalement proche de 7 % en 2021 – un niveau certes élevé, mais bien inférieur à ce que craignaient tous les économistes il y a encore quelques mois. C’est un résultat très encourageant. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.)
M. Michel Herbillon
C’est mieux que si c’était pire !
M. Laurent Saint-Martin
Avec humilité mais détermination, il nous faut regarder la réalité en face : cette amélioration n’est en rien le fruit du hasard. Elle s’explique principalement parce que l’économie repart plus fort et plus vite – plus vite qu’avant et qu’ailleurs. C’est le résultat de choix politiques audacieux et assumés, à commencer par la politique du « quoi qu’il en coûte » et le plan de relance.
Non, chers collègues, en aucun cas nous ne « cramons la caisse » ; c’est même tout le contraire. Nous sauvons et renforçons notre économie et nos emplois, tout en baissant les impôts et en maîtrisant les comptes publics. C’est ce même constat qu’a dressé Paul Krugman, lauréat du prix Nobel, et c’est une leçon à retenir sur tous les bancs en matière de gestion de crise – une situation que beaucoup d’entre vous ont connue dans le passé. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
Mme Frédérique Meunier
Et la Cour des comptes, qu’est-ce qu’elle a dit ?
M. Laurent Saint-Martin
Nous démontrons ainsi que la protection de nos concitoyens et l’investissement dans leur avenir n’est en rien incompatible avec la bonne et rigoureuse tenue de nos comptes publics. Ces résultats dessinent d’ailleurs une croissance potentielle renforcée, elle-même susceptible de réduire notre déficit public au cours des prochaines années.
Pouvez-vous, monsieur le ministre délégué, nous décrire les ressorts de ces bonnes nouvelles ? (Exclamations sur les bancs du groupe LR.)
Mme Mathilde Panot
Ça va être dur, pour le Gouvernement !
M. Laurent Saint-Martin
Pouvez-vous nous expliquer plus précisément quelle trajectoire de déficit et d’endettement se dessine jusqu’en 2027, par rapport à ce que nous avons présenté pour 2022 ? Comment conforter ces résultats pour que notre économie soit plus florissante, nos emplois plus nombreux et notre modèle social protégé ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.)
M. le président
La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.
M. Pierre Cordier
Et Bruno Le Maire, il n’est plus ministre ? On ne le voit plus ! Ah oui, il a un métier, lui !
M. Olivier Dussopt, ministre délégué chargé des comptes publics
Un mot d’abord pour confirmer votre constat : l’économie française repart vite, fort, et mieux que dans les pays voisins. La croissance est estimée à 6,7 % au lieu des 6,25 % inscrits dans le projet de loi de finances pour 2022. Avec Bruno Le Maire, nous avons pris l’engagement d’affecter l’intégralité des recettes supplémentaires générées par la croissance à la réduction des déficits. C’est chose faite, et le débat sur l’exécution budgétaire de 2021 permettra cette semaine de constater un déficit proche de 7 %, alors que nous avions prévu 8,2 % : en clair, si au cœur de la crise, en 2020, nous enregistrions un déficit lourd de 9 %, conséquence du « quoi qu’il en coûte », le déficit sera de 7 % en 2021 et de 5 % en 2022.
M. Pierre Cordier
Quand tu étais au PS, tu disais l’inverse !
M. Olivier Dussopt, ministre délégué
J’ai l’habitude, monsieur Cordier, que la politesse ne soit pas votre fort (« Et la loyauté n’est pas le vôtre ! » et autres exclamations sur les bancs du groupe LR),…
M. Pierre Cordier
Je ne suis peut-être pas poli, mais je suis fidèle !
M. Olivier Dussopt, ministre délégué
…mais je revendique devant vous l’efficacité de la politique économique que conduit le Gouvernement et la qualité des résultats que nous obtenons et, du même coup, votre condamnation à l’impuissance ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.)
Ces bons résultats budgétaires, mesdames et messieurs de la majorité, sont avant tout le fruit de vos votes et de votre soutien au Gouvernement. Grâce au plan de relance et au plan d’investissement, les déficits sont moins importants que prévu. La diminution du déficit public est liée pour deux tiers à l’augmentation des recettes, notamment l’impôt sur les sociétés et la TVA, et pour un tiers au pilotage des dépenses.
Conclusion : la politique budgétaire qui est la nôtre, et que vous soutenez, est au service de l’économie, permet à notre pays de se redresser et démontre que notre choix de faire face à la dette par la croissance est le bon, et que nous sommes capables de tenir les comptes tout en finançant nos priorités. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.)
Hausse des prix
M. le président
La parole est à M. Christophe Naegelen.
M. Christophe Naegelen
Monsieur le ministre de l’économie, les Français, qu’il s’agisse des particuliers ou des professionnels, n’en peuvent plus de l’augmentation continue des prix des matières premières, particulièrement ceux de l’énergie. Dans les Vosges, ce lundi matin, le prix du litre de gasoil atteint plus de 1,7 euro dans les stations du premier revendeur français, soit un niveau supérieur à celui auquel il s’établissait avant le mouvement des gilets jaunes. Et malheureusement ce n’est pas le chèque de 100 euros qui réglera ce problème. (M. Maxime Minot interrompt l’orateur.)
Monsieur Minot, j’avais voté contre, mais je vous remercie pour votre remarque.
Concernant l’électricité, l’augmentation est elle aussi dévastatrice. Je vais être concret : l’entreprise vosgienne Tissage Mouline Thillot (TMT), déjà lourdement affectée par les hausses des prix des matières premières, va devoir faire face à une hausse d’environ 60 % du poste dévolu à l’électricité, soit une augmentation de 500 000 euros.
Vous avez voulu proposer une solution mais elle se révèle incomplète et inefficace : outre qu’elle n’a qu’un faible impact sur les entreprises – pour TMT, par exemple, l’augmentation demeurera de plus de 350 000 euros –, elle n’est pas pérenne. En outre, comme EDF est dotée à 83 % de capitaux publics, elle appellera une compensation d’environ 8 milliards d’euros que l’État et les Français devront payer in fine, de manière directe ou indirecte.
Notre groupe a demandé à maintes reprises la réduction de la fiscalité sur l’énergie et le lancement d’un nouveau programme de construction de réacteurs nucléaires, sur la base des scénarios du Réseau de transport d’électricité (RTE) afin de maintenir notre mix électrique.
Qu’il s’agisse de l’électricité, de l’essence et même du gaz – je ne parle pas des autres matières premières – quelle solution efficace et concrète comptez-vous promouvoir pour redonner du pouvoir d’achat aux Françaises et aux Français et permettre à nos entreprises de continuer à travailler sereinement, sans sentir cette menace qui pèse sur les emplois ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I.)
M. le président
La parole est à Mme la ministre de la transition écologique.
Un député du groupe LR
Et du charbon !
Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique
Vous le savez, le pouvoir d’achat de nos concitoyens est une préoccupation constante du Gouvernement. Tous les pays européens sont confrontés à la hausse des prix de l’énergie (« Ah là là » sur plusieurs bancs du groupe LR) : elle est de 60 % en Espagne, de 50 % en Italie, de 20 % en Allemagne. Si nous n’avions pas agi, les Français auraient subi une augmentation de 35 % de leur facture au 1er février. Grâce aux mesures que nous avons prises, nous allons pouvoir la contenir à 4 % pour tous les Français, y compris pour les petites entreprises, les boulangers, les coiffeurs qui sont soumis aux tarifs réglementés.
Outre ces mesures, nous avons décidé, la semaine dernière, de demander à EDF d’augmenter la part des volumes d’électricité vendus moins cher que le marché, ce que l’on appelle les volumes d’ARENH – accès régulé à l’électricité nucléaire historique –, afin de faire baisser les tarifs pour les autres consommateurs, notamment les entreprises. Ces mesures, qui, on le sait, ont un coût pour le contribuable comme pour EDF, vont permettre d’atténuer la hausse de la facture d’électricité.
Bien évidemment, ce sont des mesures d’urgence que nous prenons pour faire face à l’augmentation très forte des prix de l’énergie – s’agissant des prix de l’électricité, l’évolution est comparable à celle qui avait été enregistrée lors du choc pétrolier. Elles doivent être accompagnées par des mesures structurelles. Nous travaillons sur les scénarios de RTE pour économiser notre énergie, ce qui est la première des choses, mais aussi pour développer massivement les énergies renouvelables et pour relancer le nucléaire, sachant que les nouvelles centrales ne pourront pas produire de l’électricité avant une quinzaine d’années, ce qui nécessite de travailler en amont.
Politique du Gouvernement en faveur de l’inclusion
M. le président
La parole est à Mme Souad Zitouni.
Mme Souad Zitouni
Ma question s’adresse à Sophie Cluzel, secrétaire d’État chargée du handicap.
Vendredi dernier, le candidat d’extrême droite, Éric Zemmour, a une nouvelle fois stigmatisé nombre de nos concitoyens, en l’occurrence les enfants en situation de handicap. Je souhaite d’abord partager l’indignation, la colère et l’écœurement de la majorité de la classe politique et de nombreux Français. (Applaudissements sur de nombreux bancs.) En évoquant une « obsession de l’inclusion », ce dernier a exposé une nouvelle phase abjecte de son projet politique. Après avoir fait un doigt d’honneur, après s’être lancé dans la provocation sur le dos des victimes du Bataclan, après avoir mis en joue de journalistes, après avoir proféré des propos sexistes, après avoir stigmatisé nombre de citoyens français du fait de leurs prénoms, le candidat Zemmour veut maintenant exclure les enfants en situation de handicap de l’école de la République !
Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, face aux divisions, nous préférons les additions ; face aux provocations, nous préférons les solutions ; face aux exclusions, nous préférons l’inclusion, épouvantail pour l’extrême droite.
C’est dans cet objectif commun que nous travaillons d’arrache-pied. Dire que des enfants n’ont pas le droit d’être inclus, de participer, d’exister dans notre société reviendrait à renoncer à scolariser les 400 000 élèves accueillis à la rentrée 2021, aux 55 000 solutions d’accompagnement par les services d’éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD), ainsi qu’à l’intégration des 105 000 enfants scolarisés en unités localisées pour l’inclusion scolaire (ULIS).
L’inclusion dont nous parlons, c’est un investissement constant pour adapter nos institutions et permettre à toutes celles et tous ceux qui aspirent à jouir de leurs droits de le faire dans les meilleures conditions possible.
Madame la secrétaire d’État, pourriez-vous nous en dire davantage sur ce que représente pour vous une société inclusive et nous indiquer de quelle manière vous travaillez pour faire de l’inclusion le fil rouge de l’action gouvernementale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur plusieurs bancs des groupes Dem et Agir ens.)
M. le président
La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées.
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État chargée des personnes handicapées
Oui, nous avons entendu ces discours nauséabonds qui agitent des peurs et jouent sur les sentiments de rejet de l’autre, sur l’exclusion et la stigmatisation et je souhaite saluer la réaction unanime et immédiate de l’ensemble de la classe politique. Sur l’ensemble des bancs (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM), qu’il s’agisse de la gauche comme de la droite,…
M. Pierre Cordier
La gauche et la droite existent encore ? Il faudra en parler à Macron !
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État
…vous avez fait front face à ces déclarations ségrégatives. Non, il n’existe pas de vies minuscules, non, il n’existe pas des incapables et des capables, des illégitimes et les légitimes face au savoir. Non, il n’y a que des enfants de la République ! (Les députés des groupes LaREM et Agir ens se lèvent et applaudissent. – Plusieurs députés des groupes SOC, LT et GDR applaudissent aussi, de même que M. Nicolas Forissier.)
L’école est un droit garanti par la loi du 11 février 2005, la grande loi de Jacques Chirac, qui prône l’égalité des chances, la participation et la citoyenneté des enfants et des personnes en situation de handicap, qui ne sont pas négociables. Avec le ministre de l’éducation nationale, nous clamons haut et fort que l’école est un droit auquel jamais nous ne renoncerons, un droit que nous n’abandonnerons jamais.
Nous disons notre attachement à la France qui voit chaque matin ces enfants prendre le chemin de l’école pour apprendre au milieu des autres et avec eux. C’est une école qui s’adapte aux besoins de chacun – et je salue ici l’engagement des enseignants et des accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) –,…
Mme Mathilde Panot
Vous avez supprimé des postes !
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État
…en prenant en compte les particularités, que nous ne nions pas, puisqu’interviennent désormais des professionnels médico-sociaux, rééducateurs, psychomotriciens et ergothérapeutes, dont je salue également le travail.
Nous voulons une unité de lieu, dans les murs de l’école, et nous y parviendrons car c’est ainsi que cela se passe dans toute l’Europe.
Cette vision va au-delà de l’école, elle concerne la formation, l’entreprise, l’habitat, la société tout entière qui doit s’adapter à chacun. Promouvoir une société inclusive, c’est mettre ensemble toute notre énergie pour accélérer la construction de ce vivre-ensemble, celui qui respecte l’autre dans sa différence, dans sa diversité, dans toutes ses altérités et ses singularités, et qui en fait une richesse et une force. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Agir ens et sur quelques bancs UDI-I.)
Protocole sanitaire dans les écoles et droits d’inscription à l’université
M. le président
La parole est à M. Alexis Corbière.
M. Alexis Corbière
Monsieur le Premier ministre, d’abord un constat : après la réussite de la grève du 13 janvier dans l’éducation nationale, il est urgent de donner des réponses concrètes aux revendications exprimées. En recevant vous-même les organisations syndicales, vous avez pris acte du fait que votre ministre de l’éducation était affaibli. Ses erreurs répétées, ses provocations, son style autoritaire, sa façon de se moquer des grévistes exacerbent la colère légitime du monde enseignant contre votre politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)
Les révélations faites hier par le site Mediapart ajoutent de l’indignation à la colère. Où est le problème ? Si nous avons bien compris, dès le vendredi 31 décembre, le ministère de la santé avait établi un protocole sanitaire, qui a été fixé le samedi 1er janvier à l’éducation nationale. Toutefois, le ministre a préféré prendre son temps : il a accepté que son interview faite le samedi ne soit publiée que le 2 janvier, quelques heures avant la rentrée. Que de temps perdu pour une simple opération de communication qui a mis dans l’embarras toute une profession et des parents ! (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)
Le pire, c’est que cette interview était accompagnée de photos flatteuses du ministre, tout à sa tâche dans son bureau au ministère alors qu’il était en réalité au même moment à Ibiza, lieu peu connu, avouons-le, pour favoriser le recueillement. (Protestations sur les bancs du groupe LaREM.) Oui, je le dis clairement : devant tant de temps perdu, devant l’obsession de la com’, devant tant d’erreurs de fond comme de forme, il est temps que le ministre démissionne ! (Applaudissements sur les bancs du groupe FI. – M. François Cormier-Bouligeon s’exclame.)
J’en viens à ma question : allez-vous augmenter les droits d’inscription à l’université, comme le Président de la République l’a dit ? Elle appelle une réponse claire car tous nos étudiants sont concernés, eux qui rencontrent déjà beaucoup de difficultés, qui ont déjà subi une augmentation des droits d’inscription et qui sont trop nombreux à être placés en situation de précarité. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)
M. le président
La parole est à Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.
Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation
La réponse, je l’ai donnée tout à l’heure : vous avez inventé le fait que le Président de la République a dit que les droits d’inscription allaient augmenter. Où avez-vous lu ou entendu cela, monsieur Corbière ? J’ai cité dans son intégralité la phrase du Président de la République et vous aurez beau dire, il n’a jamais déclaré une telle chose. (Protestations sur les bancs du groupe FI.)
En revanche, je peux vous dire ce que nous avons fait concrètement. Cela fait trois ans que nous gelons les droits d’inscription pour tous les étudiants, trois ans que nous gelons les loyers des CROUS – centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires –, trois ans que nous revalorisons les bourses sur critères sociaux.
M. Alexis Corbière
Vous mentez !
Mme Frédérique Vidal, ministre
Alors, monsieur Corbière, arrêtez d’essayer de faire peur aux étudiants. (Exclamations sur les bancs du groupe FI.) Vous dites que vous les aimez, cessez donc de les angoisser avec des choses que le Président de la République n’a jamais dites. Il n’y a pas d’agenda caché et, plutôt que d’essayer d’instrumentaliser les étudiants, écoutez-les quand ils disent de quoi ils ont besoin et ce qu’ils veulent pour l’avenir : recevoir des formations de qualité et être capables d’être insérés dans le monde professionnel. Il me semble d’ailleurs que c’est en ce sens que va votre leader en mettant l’accent sur la professionnalisation et la certification.
Alors, un petit peu de cohérence, monsieur Corbière. Je crois que les étudiants ne se laissent pas avoir par vos pudeurs de gazelle. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens. – Exclamations sur les bancs du groupe FI.)
Attractivité économique de la France
M. le président
La parole est à Mme Sophie Mette.
Mme Sophie Mette
Au cours des cinq dernières années, avec « Choose France », ce sont quasiment 20 milliards d’euros d’investissements qui ont été annoncés ainsi que la création de 20 000 emplois. En dépit de la situation sanitaire, l’édition 2022 est une grande réussite : plus de 4 milliards d’euros d’investissements directs étrangers vont venir financer une vingtaine de projets et 10 000 emplois supplémentaires.
Plus largement la France est, en 2021 pour la deuxième année consécutive, le pays d’Europe le plus attractif. De 2017 à 2020, 5 300 investisseurs étrangers y ont été recensés, soit 1,3 fois plus que sous la législature précédente. C’est le fruit des réformes ambitieuses de notre marché du travail, de notre fiscalité et de notre droit des entreprises.
Comme en 2019, ces investissements s’inscrivent sur l’ensemble du territoire, la moitié des projets annoncés hier verront le jour dans des villes de moins de 20 000 habitants. En Gironde, ce regain d’attractivité produit des résultats concrets : le géant américain de l’agroalimentaire Mondelez a investi à Cestas en déployant de nouvelles lignes de fabrication de biscuits, gâteaux et biscottes ; Merck, premier groupe de sciences et technologies allemand, accélère le développement de ses sites de bioproduction avec 175 millions d’euros répartis entre la Gironde et l’Alsace. Dans ma circonscription, dans la communauté de communes de Montesquieu, à Martillac, 100 créations de postes sont annoncées. Tout cela renforce le positionnement de notre pays en tant que plateforme de référence pour la production d’anticorps monoclonaux et de produits nécessaires à la fabrication de vaccins et de thérapies.
La France a retrouvé son attractivité dans l’ensemble de nos territoires urbains comme ruraux…
M. Pierre Cordier
Ah oui, vachement ! Il n’y a qu’à voir ce qui se passe dans les Ardennes !
Mme Sophie Mette
…que nous devons continuer à promouvoir.
Madame la ministre déléguée chargée de l’industrie, comment amplifier l’attractivité de nos territoires ruraux à l’international pour garantir une activité qui profitera à tous leurs habitants ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe LaREM.)
M. le président
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’industrie.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée chargée de l’industrie
Le Président de la République avait fixé en 2017 un objectif économique très clair : la reconquête industrielle. Quatre ans plus tard – le Premier ministre l’a suffisamment rappelé, comme vous-même, madame Mette, à l’instant –, les résultats sont au rendez-vous. L’attractivité de notre pays a été renforcée, des milliers d’emplois créés dans le cadre de projets d’investissement étrangers. Hier, la visite à Chalampé du Président de la République, que j’accompagnais, a été l’occasion d’annoncer 4 milliards d’investissements supplémentaires et la création de 10 000 emplois industriels.
Vous avez évoqué le site Merck de Martillac, extrêmement compétitif, où 100 emplois vont être créés afin de renforcer notre résilience en matière de santé : il s’agit là d’un exemple représentatif de notre politique, puisque plus de 800 millions seront alloués au seul secteur de la santé, marquant un tournant dans l’activité, comme annoncé hier. Je le répète, nous avons rendu les sites nationaux de nouveau attractifs ; la majorité peut s’enorgueillir d’avoir fait de la France, depuis trois ans, le pays le plus attractif d’Europe pour les investisseurs étrangers, grâce à la baisse de la fiscalité du capital, à celle de l’impôt sur les sociétés, à celle des impôts de production. La majorité peut être fière d’avoir fait du travail la pierre angulaire de notre action en vue de l’émancipation des Français : en faisant en sorte qu’il paie mieux, nous avons entraîné la création de 1 million d’emplois ! La majorité peut être fière d’avoir simplifié les procédures : ce progrès concret contribue au dynamisme des sites industriels. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
Droits d’inscription à l’université
M. le président
La parole est à Mme Frédérique Dumas.
Mme Frédérique Dumas
Ma question s’adresse à la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.
« On ne pourra pas rester durablement dans un système où l’enseignement supérieur n’a aucun prix pour la quasi-totalité des étudiants » : c’est par ces mots que le Président de la République a appelé à une « nouvelle politique d’investissement dans l’enseignement supérieur et la recherche pour les dix ans qui viennent ». (M. Ugo Bernalicis applaudit.) Pensez-vous vraiment, madame la ministre, qu’il convient de poser le problème en ces termes ? Deux ans de crise sanitaire éprouvante pour les étudiants, privés de cours, de stages, d’emplois ; deux ans durant lesquels nous avons vu ces jeunes, fragilisés financièrement, mais aussi psychologiquement, grossir les files des demandeurs d’aide alimentaire ; tout cela pour qu’en une phrase, sans empathie, sans bienveillance aucune, le Président de la République nous explique que « l’enseignement supérieur n’a aucun prix pour la quasi-totalité des étudiants » – alors que la moitié d’entre eux travaillent et que, pour beaucoup, le logement demeure plus qu’un souci.
Ces propos résonnent violemment (Même mouvement) auprès de ces jeunes qui ne discernent pas d’issue favorable à la crise, y compris ceux pour lesquels le problème n’est pas financier. Au sous-financement chronique des universités, à l’inadaptation du système, à la précarité des étudiants, au fait que 50 % d’entre eux ne se présentent pas aux examens de première année et que la plupart, en fin de cycle, sont confrontés à l’absence de débouchés, la seule réponse qu’esquisse le Président est la fin de la gratuité de l’enseignement supérieur.
M. Ugo Bernalicis
Eh oui !
Mme Frédérique Dumas
Cette annonce n’a évidemment été accompagnée d’aucune autre proposition concrète, d’aucune concertation, d’aucun débat. Présentée comme la solution qui résoudrait magiquement tous les maux de l’université, elle consiste en fait à détruire un modèle sans garantir que le suivant sera plus vertueux.
Face à un diagnostic établi en fin de mandat, à un effet d’annonce électoral, à la perspective de nouveaux clivages, souhaitez-vous sincèrement, madame la ministre, remettre en cause la gratuité de l’enseignement supérieur public ? Que comptez-vous faire pour remédier réellement aux maux dont souffrent l’université et les étudiants ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LT.)
M. le président
La parole est à Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.
Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation
Toute phrase se termine par un point ou autre signe de même valeur.
M. Sylvain Maillard
C’est vrai !
Mme Frédérique Vidal, ministre
Si vous aviez eu l’honnêteté de lire intégralement celle qu’a prononcée le Président de la République,…
M. Ugo Bernalicis
Elle était longue, sa phrase !
Mme Frédérique Vidal, ministre
…vous auriez constaté son véritable sens : nous ne pouvons continuer à combiner les caractéristiques que je rappelais tout à l’heure – un financement presque exclusivement public, la gratuité, l’attribution massive de bourses et cependant une forte précarité étudiante.
Je le répète, c’est ce que le Président a réellement dit,…
M. Ugo Bernalicis
Justement !
Mme Frédérique Vidal, ministre
…et je vous incite d’autant plus à lire son discours que vous déclarez qu’il ne propose rien. Or il ne propose certes pas d’augmenter les frais d’inscription, mais au contraire d’accompagner davantage les étudiants, de mieux prendre en compte leur santé, d’accroître les possibilités offertes dans le cadre de la vie étudiante, de généraliser celle d’un suivi psychologique, de développer la formation continue tout au long de la vie, d’œuvrer en vue de conduire vers l’emploi la majorité des jeunes.
En outre, vous ne pouvez ignorer ce qu’a déjà accompli cette majorité : depuis les bancs de votre groupe (Protestations sur plusieurs bancs des groupes LT et FI – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM), vous avez bien vu que nous supprimions la sécurité sociale étudiante, que nous instaurions la mutuelle à 1 euro, la gratuité des protections périodiques et de la contraception. Grâce à nous, 170 000 consultations également gratuites ont été données par des psychologues, 18 millions de repas à 1 euro servis. Madame la députée, si vous estimez que rien n’a été fait, si vous retenez des propos du Président de la République, qui n’a pas parlé un instant d’augmenter les droits d’inscription, qu’il veut précisément les augmenter, je vous laisse à vos conclusions ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.)
M. Sylvain Maillard
Très bien !
Licornes françaises
M. le président
La parole est à M. Bruno Bonnell.
M. Bruno Bonnell
Ma question s’adresse à M. Cédric O, secrétaire d’État chargé de la transition numérique et des communications électroniques.
Trois ans ! C’est l’avance avec laquelle nous atteignons l’objectif fixé au début de son mandat par le Président de la République : vingt-cinq licornes françaises d’ici à 2025. Ces sociétés consacrées à des technologies émergentes, présentes sur le marché depuis moins de dix ans et valorisées à plus de 1 milliard de dollars, sont extrêmement rares, d’où leur appellation ; nous pouvons être fiers d’en posséder autant. Depuis ce matin, le pays d’innovation et d’entreprises qu’est la France en compte vingt-six, et le phénomène s’accélère. Quel chemin parcouru lorsqu’on sait qu’elles n’étaient que trois au début de notre mandat, de surcroît traversé par une crise sanitaire et économique sans précédent !
Parmi elles, BlaBlaCar pour le covoiturage, Veepee pour le commerce électronique, Deezer pour la musique, Doctolib pour la santé, Mirakl pour les jeux, ont bouleversé notre quotidien ; Alan pour l’assurance santé, Ivalua pour la gestion, fournissent aux entreprises des solutions révolutionnaires, en Europe et dans le monde entier. L’une des plus récentes est plus spectaculaire encore : Exotec, notre première licorne industrielle, experte en logistique robotique, réinvente l’entrepôt et optimise les livraisons de produits manufacturés. Or qui dit industrie dit emplois industriels : la société prévoit 1 500 embauches à court terme, notamment dans les Hauts-de-France.
Après les logiciels et le commerce en ligne vient pour les jeunes pousses françaises le temps de l’industrie : des entreprises émergentes telles que Verkor pour les batteries, Aura Aero pour l’aviation, Ÿnsect pour la nutrition animale ou Metex Nøøvista pour la chimie verte, révolutionnent les modes de production dans des secteurs industriels complexes. En relevant le défi de la création d’usines et d’emplois partout dans nos territoires, grâce au travail concerté de vos services et de ceux de Mme Pannier-Runacher, elles participent à la visibilité de la qualité industrielle française, en plein essor à l’aube du plan France 2030.
M. le président
Merci, monsieur Bonnell.
M. Bruno Bonnell
Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous indiquer comment le Gouvernement entend soutenir le développement de licornes industrielles ?
Plusieurs députés du groupe LR
Allô, allô !
M. le président
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de la transition numérique et des communications électroniques.
M. Cédric O, secrétaire d’État chargé de la transition numérique et des communications électroniques
Je vous remercie de cette question (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe LR) qui porte sur un sujet absolument vital pour l’avenir et la prospérité de notre pays. Je veux avant tout associer aux succès que vous évoquez Bruno Le Maire, évidemment, mais aussi Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée chargée de l’industrie : demain, nous serons tous deux à Croix, dans les Hauts-de-France, sur le site d’Exotec, la licorne industrielle dont vous avez parlé, qui est en effet un excellent exemple de la réussite de la politique d’innovation menée depuis cinq ans.
M. Pierre Cordier
C’est évident…
M. Cédric O, secrétaire d’État
Cette réussite se traduit d’abord par la création ces dernières années de centaines de milliers d’emplois, partout en France ; d’ici à 2025, il s’y ajoutera encore 200 000 emplois supplémentaires. Partout, je le répète, des entreprises comme Exotec, comme Swile à Montpellier, Ledger à Vierzon, Agronutris à Toulouse, Aledia à Grenoble, renouvellent le tissu industriel français. Dans le contexte technologique que nous connaissons, elles représentent également une part de souveraineté française dans l’industrie, dans la santé, dans l’alimentation. Sans la politique d’attractivité du Gouvernement, il n’y aurait pas tant d’investissements étrangers en France, par exemple dans Doctolib, et donc pas de campagne de vaccination telle qu’elle a lieu !
Cette réussite ne sort pas de nulle part : encore une fois, c’est grâce à une politique systématique, déterminée, de réformes telles que celles de la fiscalité et du marché du travail que nous sommes en mesure de tenir tête à nos concurrents américains et chinois. Il y a quelque temps, en parlant de start-up nation, nous suscitions des railleries sur ces bancs. Compte tenu de ce que cette conception aura apporté à la France, en matière de création d’emplois, en matière de souveraineté, je peux pourtant vous dire que nous l’assumons intégralement ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.)
Prix des carburants
M. le président
La parole est à M. Marc Le Fur.
M. Marc Le Fur
« À ce prix-là, on ne va pas pouvoir tenir longtemps » : monsieur le Premier ministre, voilà ce que me disent tous ceux qui, dans ma circonscription, sont confrontés à la hausse des prix des carburants, en particulier du diesel – chez moi, le litre de diesel atteint en moyenne 1,62 euro. Les premières victimes, ce sont la Bretagne laborieuse, la France laborieuse ; ce sont ces gens qui prennent chaque jour leur voiture pour travailler, tout simplement, et pour qui le télétravail est impossible. Je pense à cette aide à domicile – son métier consiste à aller de maison en maison, au service des personnes fragiles ou dépendantes – qui m’expliquait ce matin, à ma permanence, que les indemnités kilométriques qu’on lui alloue ne couvrent plus ses frais réels. Elle en est de sa poche ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.)
« À ce prix-là, on ne va pas pouvoir tenir longtemps » : en un peu plus de quatre ans, votre gouvernement aura réussi à faire de la voiture un produit de luxe.
M. Pierre Cordier
Baisse les taxes, Castex !
M. Marc Le Fur
Rappelez-vous, chers collègues, qu’il y a peu, votre majorité votait une taxe supplémentaire de 8 centimes sur le diesel et de 4 centimes sur l’essence ! (Exclamations sur les bancs du groupe LR.) Ce n’est plus tolérable. Monsieur le Premier ministre, qu’entendez-vous faire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
M. Maxime Minot
Excellent !
M. le président
La parole est à Mme la ministre de la transition écologique.
M. Pierre Cordier
Elle va nous parler des taxes !
Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique
Vous savez que nous prenons des mesures en vue de soutenir le pouvoir d’achat de nos concitoyens. Essayez d’avoir la mémoire un peu moins courte ! Nous avons créé un bouclier tarifaire, notamment avec le chèque inflation, qui va bénéficier à 38 millions de personnes, des mesures visant à réduire le prix de l’électricité,…
Mme Isabelle Valentin
C’est du diesel qu’il est question !
Mme Barbara Pompili, ministre
…à quoi s’ajoutent les baisses d’impôts ou encore la suppression partielle de la taxe d’habitation. L’inflation reste bien moindre que dans d’autres pays. Entre décembre 2020 et décembre 2021, la hausse des prix a été de 2,8 % en France, contre 3,9 % en Italie, 5,3 % en Allemagne, 6,5 % en Espagne et même 7 % aux États-Unis : grâce à notre bouclier tarifaire sur les prix de l’énergie, nous maîtrisons mieux la situation, au point que les spécialistes prévoient d’ores et déjà un reflux de l’inflation au cours de cette année. La Banque de France compte ainsi qu’à l’automne, elle repassera sous le seuil de 2 %. Indéniablement, notre politique porte ses fruits !
Il est à peu près certain que l’augmentation des prix de l’énergie est de nature structurelle et se poursuivra donc. Bruno Le Maire et moi-même travaillons à l’échelle de l’Union européenne (Protestations sur quelques bancs du groupe LR)…
M. Pierre Cordier
Alors tout va bien !
Mme Barbara Pompili, ministre
…afin que ces prix soient mieux indexés, en particulier sur le taux de décarbonation de notre économie, mais également en vue de favoriser les contrats à long terme et d’éviter ainsi une volatilité trop importante. Voilà comment nous comptons permettre à nos concitoyens de continuer à se déplacer, sans compter les primes à la conversion et les bonus associés aux voitures électriques.
Mme Marie-Christine Dalloz
Vous rêvez !
M. Maxime Minot
Elle vit dans un autre monde !
M. le président
La parole est à M. Marc Le Fur.
M. Marc Le Fur
Je constate que les membres du Gouvernement ne se sont pas bousculés pour me répondre, comme si ma question les embarrassait. Madame la ministre, je me suis rendu sur le site de votre ministère, sur celui du ministère des finances : sur 1,62 euro que coûte le litre de diesel, il y a 90 centimes d’impôts.
Plusieurs députés du groupe LR
De taxes !
M. Marc Le Fur
Ce sont 90 centimes que vous prenez dans la poche de nos compatriotes ! (Protestations sur quelques bancs du groupe LaREM.)
Puisque vous nous parlez de la prime de 100 euros, je serai moi aussi très concret : quand le plein d’une Dacia, la voiture la plus vendue en France, coûte aujourd’hui 72 euros, 100 euros, ce n’est rien au regard des difficultés auxquelles nos compatriotes sont confrontés. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
M. Pierre Cordier
Rends l’argent, Castex !
Droits d’inscription à l’université
M. le président
La parole est à M. Jean-Paul Dufrègne.
M. Jean-Paul Dufrègne
Madame la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, jeudi dernier, sous le prétexte de rendre les universités « plus fortes » et de casser la concurrence avec les grandes écoles, le Président de la République a posé les jalons d’un projet de privatisation des universités. « On ne pourra pas rester durablement dans un système où l’enseignement supérieur n’a aucun prix pour la quasi-totalité des étudiants », a-t-il déclaré – ce n’est pas nous qui l’avons inventé, madame la ministre ! – après avoir reconnu, en creux, l’échec d’un quinquennat durant lequel il s’est contenté de colmater les brèches.
Alors que les étudiants font la queue pour obtenir de l’aide alimentaire, qu’un jeune sur trois renonce à des soins médicaux, que pour 56 % d’entre eux, l’accès aux produits de première nécessité est devenu difficile, le Président répond : université payante. C’est une honte, une insulte à tous ces jeunes que de faire croire que les études n’ont à leurs yeux aucun prix, alors qu’il leur faut payer les frais de scolarité, le loyer, la nourriture, le transport, avec un système de bourse qui ne fonctionne pas. Devons-nous vous rappeler que l’école française est l’une des plus inégalitaires, que les enfants d’ouvriers représentent seulement 12 % des étudiants à l’université et 3 % dans les grandes écoles, alors que les ouvriers représentent plus de 20 % de la population ?
À la société d’exclusion que vous nous préparez méthodiquement depuis cinq ans, nous, communistes, répondons « revenu étudiant », pour donner à chacun les moyens d’étudier. Nous refusons qu’ils hypothèquent leurs chances de réussite en cumulant études et travail. Vous rêvez d’une université à l’américaine, avec des jeunes endettés sur des dizaines d’années : nous voulons construire une société d’émancipation par le savoir pour toutes et tous.
Madame la ministre, pouvez-vous dire aux jeunes de notre pays combien ils devront débourser en plus pour avoir accès à une formation supérieure ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et quelques bancs du groupe FI.)
M. le président
La parole est à Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.
M. Pierre Cordier
Et des étudiants déprimés !
Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation
C’est vraiment intéressant, monsieur le député, de vous voir aller toujours plus loin dans l’interprétation. Une fois de plus, je vous invite à relire le discours du Président de la République.
Que souhaitent les jeunes aujourd’hui ? Vous êtes-vous récemment entretenu avec des étudiants sur ce sujet ? Nombre de ceux qui ont un baccalauréat technologique souhaitent accéder aux IUT – instituts universitaires de technologie. C’est possible, désormais que la moitié des places leur est réservée, et cette mesure, c’est cette majorité, et non pas vous, qui l’a votée. Aujourd’hui, 75 % des étudiants de BTS – brevet de technicien supérieur – sont des bacheliers professionnels. C’était leur souhait le plus cher et c’est encore cette majorité qui l’a exaucé, et non vous. Quand on vous propose de consacrer plus de 5 milliards à l’accompagnement des étudiants de premier cycle, là encore vous refusez de voter pour, bien sûr. Quand on vous propose 25 milliards pour enfin réarmer notre recherche, c’est toujours non, bien sûr, ça ne suffit pas,…
Mme Émilie Bonnivard
Ce n’est pas le sujet !
Mme Frédérique Vidal, ministre
…mais parfois le mieux est l’ennemi du bien.
Le Président de la République l’a dit, et c’était la moindre des choses, pour réparer notre enseignement supérieur et notre recherche. Nous devons aller encore plus loin. Nous devons encore plus accompagner les jeunes vers l’insertion professionnelle. Je ne vois pas qui pourrait être contre cette idée.
M. Jean-Paul Lecoq
À quel prix pour eux ?
M. Hubert Wulfranc
Oui, combien vont-ils payer en plus ? Affichez la couleur avant les élections !
Mme Frédérique Vidal, ministre
À quel prix pour eux, monsieur le député ? Mais il n’y a que vous qui vous posez cette question ! (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.) Je vous le demande une fois de plus : pourquoi agitez-vous des propos qui n’ont jamais été ni dits ni écrits – c’est la quatrième fois que je vous le dis ?
M. Jean-Paul Lecoq
Il l’a dit !
Mme Frédérique Vidal, ministre
Ayez l’honnêteté intellectuelle de lire la totalité de la phrase prononcée par le Président de la République et la totalité de son discours, où il exprime sa volonté de replacer l’université française à sa place, celle de l’excellence, ainsi que de replacer les étudiants au cœur des projets de société en luttant réellement contre la précarité, ce que personne sur ces bancs, avant cette majorité, n’a été capable de faire depuis plus de vingt ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
M. Maxime Minot
Historique !
Politique migratoire européenne
M. le président
La parole est à Mme Maud Gatel.
Mme Maud Gatel
Monsieur le ministre de l’intérieur, l’instrumentalisation de la question migratoire et la surenchère de propositions plus démagogiques les unes que les autres saturent le débat public. L’un s’oppose au droit d’asile en refusant l’accueil à des femmes afghanes menacées, l’autre propose d’ériger des grillages et des murs aux frontières de l’Europe. Considérer qu’il suffit de fermer les frontières n’a aucun sens eu égard aux enjeux économiques, politiques et climatiques qui sous-tendent les migrations.
Est-ce à dire que l’on ne peut pas encadrer et réguler ? Bien sûr que non, et la France et l’Union européenne agissent. Derniers exemples en date : les sanctions prises à l’égard des responsables biélorusses et une aide financière de 280 millions d’euros à la Pologne, la Lituanie et la Lettonie qui ont permis une désescalade à la frontière orientale de l’Union, ou encore le renforcement de Frontex, qui sera dotée à terme de 10 000 hommes, pour améliorer la surveillance de toutes nos frontières et la lutte contre les passeurs.
Oui, nous avons besoin d’une véritable politique d’asile et d’immigration européenne. Nous le devons aux personnes migrantes comme à nos concitoyens, et la présidence française donne l’impulsion pour renforcer la solidarité européenne et les contrôles aux frontières de l’Union, revoir le règlement de Dublin et harmoniser les procédures d’asile, pour mieux accueillir et traiter ces questions avec toute l’humanité qu’elles requièrent quand il s’agit de femmes, d’hommes et d’enfants. En effet, efficacité de l’action publique rime avec humanité, quand humanité rime en revanche rarement avec barbelés.
Monsieur le ministre, alors que la présidence française a mis au cœur de ses priorités la question de la souveraineté, pouvez-vous nous détailler, à la veille du discours du Président de la République devant le Parlement européen, l’état des avancées sur la réforme de l’espace Schengen ?
M. le président
La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur
Lors de sa conférence de presse comme, nous pouvons l’imaginer, devant le Parlement européen dans quelques heures, le Président de la République a fait et fera de la question migratoire, et singulièrement de la maîtrise de nos frontières, une des priorités de la présidence française du Conseil de l’Union européenne.
L’Europe connaît depuis sept ans des crises migratoires, venant notamment de la Méditerranée et de la route des Balkans et, depuis plusieurs mois, de l’est du continent européen. En outre le Brexit a créé une nouvelle frontière, celle de la Manche, avec nos amis et alliés britanniques. Il nous faut absolument revoir Schengen, qui est évidemment la quintessence de l’Union européenne, avec la libre circulation des personnes à l’intérieur des frontières de l’Europe. Mais Schengen a été inventé dans les années 1990, à un moment où l’Europe ne comptait pas vingt-sept États membres et où il n’y avait pas toutes ces crises qui poussent un certain nombre de personnes à quitter leur pays pour les raisons que vous avez évoquées. Maîtriser nos frontières extérieures, distinguer les personnes qui viennent irrégulièrement sur le territoire européen mais accueillir les vrais, ceux qui souhaitent demander l’asile et qu’on doit absolument accueillir, quel que soit leur nombre, parce que le droit d’asile est constitutionnel dans une démocratie, tel est l’enjeu de la présidence française.
Au début du mois de février, nous réunirons les ministres de l’intérieur et de l’immigration à Tourcoing pour un conseil européen où nous allons pouvoir appliquer la méthode française, qui consiste à faire adopter le pacte migratoire de la Commission européenne, dans un premier temps en imposant le screening, l’enregistrement, ainsi que les fichiers de police comme Eurodac, afin que toute personne qui arrive en Europe, dont l’identité est connue, soit désormais enregistrée. Il convient évidemment de regarder la sécurité de ces personnes par rapport au continent européen, sans oublier en même temps la solidarité, notamment avec nos amis grecs : nous n’avons pas renvoyé 13 000 personnes au titre du règlement de Dublin. Nous devons, de manière générale, une solidarité financière et humaine à tous les pays qui souffrent et à toutes les personnes qui trouvent asile en Europe. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Agir ens.)
Prix de la baguette
M. le président
La parole est à M. Jérôme Nury.
M. Jérôme Nury
Monsieur le Premier ministre, vous n’êtes pas sans savoir qu’une enseigne de la grande distribution vient d’annoncer le gel du prix de la baguette à 29 centimes d’euro. Bien sûr, derrière ce fracas médiatique, le chef d’entreprise « Pas très clair » s’offre une campagne de communication pas chère. Ce buzz lui permet également de se draper de vertu en se proclamant défenseur des consommateurs. Quand son homonyme libérait avec courage la France et l’Orne, lui libère avec cynisme la duplicité dans un business déjà peu transparent. Personne n’est vraiment dupe de cet évangile de l’imposture qui vise à donner très peu d’une main pour reprendre beaucoup de l’autre.
Cette affaire pose un vrai problème tout autant moral que juridique et politique, car de nombreux Français sont roulés dans la farine, à commencer par les agriculteurs. Alors que la loi baptisée EGALIM 2 – visant à protéger la rémunération des agriculteurs – est censée s’appliquer aux négociations commerciales en cours, afin que les hausses du prix des matières premières soient répercutées sur les prix d’achat à nos agriculteurs pour mieux les rémunérer, cet exemple montre qu’elle est aussi inefficace que l’était EGALIM 1 – pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous. Sur le dos de qui ce gel du prix de la baguette à 29 centimes va pouvoir se faire, alors que le prix des céréales flambe ?
Les autres victimes de cette annonce, ce sont nos artisans boulangers. Alors qu’ils sont le cœur battant de nos villages et de nos centres-villes, alors qu’ils sont la fierté de la France grâce à leur savoir-faire reconnu à travers le monde, ils se trouvent soumis à la concurrence déloyale d’un système qui dévalorise leur travail.
Monsieur le Premier ministre, nous avons la chance d’avoir encore en France près de 30 000 artisans boulangers qui se lèvent tôt, qui aiment leur travail, qui structurent notre tissu local, qui fabriquent des produits de qualité. Face à la concurrence sauvage et débridée de ce distributeur pas clair, comment comptez-vous les protéger ? Comment comptez-vous les aider à se moderniser ? Ne pourriez-vous pas réactiver le FISAC – Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce – que vous avez supprimé et dont les commerces de proximité bénéficiaient ? Comment faire respecter un minium de transparence des prix, comme la loi EGALIM est censée le faire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
M. Marc Le Fur
Des actes !
M. le président
La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation
Je partage votre incompréhension et même la colère que vous avez exprimée, monsieur le député, mais je le dis de manière très solennelle devant la représentation nationale : ne soyons pas dupes ! Nous sommes face à une opération de pure communication. Ne tombons pas dans le piège de la mettre en lumière.
Ensuite, il y a la question de la légalité. Le fait est que ce sont des productions en interne et, dès lors que le prix d’achat aux fournisseurs, notamment aux agriculteurs, est respecté, la légalité l’est aussi. Reste que cette campagne de communication envoie un message terrible, et d’abord à nos 33 000 boulangers que je sais que vous soutenez, comme nous tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ainsi que sur les bancs des groupes LR, Dem, UDI-I et Agir ens.) Ils font la fierté de notre patrimoine, à tel point que Roselyne Bachelot et moi-même avons déposé cette année la demande de la France d’inscrire la baguette au patrimoine des biens immatériels de l’UNESCO. Que veulent donc ces grands patrons qui jouent à la guerre des prix ? Quel est leur objectif ? Que nous importions nos baguettes, alors même que nous demandons à l’UNESCO de la reconnaître comme faisant partie du patrimoine mondial ?
Nous ne serons pas de leur côté. Il faut se battre avec beaucoup de force, sans aucune naïveté mais avec énormément de conviction pour faire appliquer la loi EGALIM 2 et faire cesser cette guerre des prix, mortelle pour nos agriculteurs et pour notre souveraineté alimentaire. Quelle que soit la légalité de cette décision, nous ne faisons preuve d’aucune naïveté : au contraire, notre détermination sera entière car elle touche à notre souveraineté. Bref, nous ne lâcherons rien en la matière. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem, UDI-I et Agir ens.)
M. Pierre Cordier
Rien de concret, quoi.
Hausse des prix du carburant
M. le président
La parole est à M. Hervé Saulignac.
M. Hervé Saulignac
Monsieur le Premier ministre, le prix du pétrole brut a atteint hier son plus haut niveau depuis trois ans. Pour certains de nos compatriotes, faire le plein du réservoir, c’est faire le vide du compte en banque. Ce week-end je suis allé faire mon plein d’essence. Sur six pompes, quatre affichaient des achats inférieurs à 30 euros. On ne compte plus ceux qui risquent le découvert bancaire s’ils ne raccrochent pas le pistolet à temps. Songez que la prime inflation disparaît dans un réservoir de 60 litres !
Certes, monsieur le Premier ministre, vous n’êtes pas responsable du prix du pétrole : vous l’êtes en revanche des recettes qu’il génère et de l’usage que vous en faites au service des Français. Au fond, le sujet n’est pas tant l’envolée des prix que la cagnotte qui se constitue sur le dos des automobilistes grâce aux rentrées fiscales. Dans un contexte inflationniste appelé à durer, la capacité à vivre des Français est notre obsession et elle doit être la vôtre aussi. Cette question de la hausse des prix du carburant, et des prix de l’énergie en général, est absolument centrale, quand 74 % des actifs utilisent leur voiture pour aller au travail – et même 95 % dans certains départements ruraux, comme chez moi en Ardèche.
Les mesures que vous avez prises à l’automne dernier sont loin de compenser l’envolée des prix, et vous le savez. En 1990, un de vos prédécesseurs, Michel Rocard, avait bloqué les prix à la pompe durant cinq semaines. Récemment, nous vous avons proposé d’étendre le périmètre du chèque énergie aux dépenses de carburant, d’en prévoir l’augmentation et le versement automatique.
Monsieur le Premier ministre, ce sont des mesures d’urgence qui s’imposent, parce que les Français ne supporteront pas indéfiniment le discours sur l’augmentation du baril. Quand allez-vous mettre la main au portefeuille que ces Français garnissent à chaque plein d’essence ?
M. le président
La parole est à Mme la ministre de la transition écologique.
Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique
Nous sommes aux côtés des Français quand les prix de l’énergie augmentent massivement. Puisque j’ai déjà détaillé les mesures que nous avons prises, je rappellerai simplement – cela me permettra de répondre à une question qui m’a été posée – que la France se situe dans la moyenne des pays européens en matière de fiscalité des carburants, à 64 %, contre 68 % aux Pays-Bas et 65 % en Allemagne.
Une députée du groupe SOC
Vous ne répondez pas à la question !
Mme Barbara Pompili, ministre
Quant aux mesures d’urgence, pas moins de 14 milliards d’euros d’argent public sont redonnés à nos concitoyens pour faire face à la hausse globale des prix de l’énergie.
M. Pierre Cordier
Ça fait longtemps que vous n’avez pas fait le plein d’essence !
Mme Barbara Pompili, ministre
Cette enveloppe s’additionne avec d’autres dispositifs, destinés à aider les Français qui ont vraiment besoin d’une voiture à en changer, au profit de modèles moins consommateurs en essence et de véhicules électriques. Citons les primes à la conversion et les bonus électriques : l’aide à l’achat d’une voiture électrique peut atteindre 11 000 euros, ou 6 000 euros si le véhicule est d’occasion. Notez que ces primes peuvent être abondées par les collectivités locales dans les zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m). Nous agissons également en faveur des transports en commun et du vélo. Au-delà de l’urgence, nous prenons ainsi des mesures de long terme pour aider nos concitoyens à affronter un contexte où les prix – du charbon et du pétrole notamment – risquent de demeurer élevés.
M. Pierre Cordier
La question ne porte pas sur les centrales nucléaires !
Mme Barbara Pompili, ministre
Enfin, si la facture d’énergie est importante, c’est aussi en raison des trop nombreuses passoires énergétiques. Nous avons justement pris des mesures pour aider nos concitoyens à isoler leur logement et à réduire leur facture. Vous le constatez donc : nous additionnons des mesures d’urgence à des mesures structurelles.
Anniversaire de la loi Veil
M. le président
La parole est à Mme Catherine Fabre.
Mme Catherine Fabre
Je veux rendre hommage, avec l’ensemble des députés ici présents, à toutes celles et tous ceux qui, autour de Simone Veil, ici même, il y a tout juste quarante-sept ans, ont franchi un pas fondamental pour la liberté et l’émancipation des femmes en votant la dépénalisation de l’avortement. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe Dem. – M. Stéphane Peu applaudit également). N’oublions jamais ce qu’était la situation des femmes avant la loi Veil : chaque année, elles étaient 300 000 à subir des mutilations, des humiliations et des traumatismes.
Si nous mesurons le chemin parcouru, il est de notre devoir à tous de rester mobilisés. Soyons des vigies, car rien n’est jamais acquis, et toute crise politique, économique ou religieuse peut être le prétexte à une remise en cause du droit des femmes à disposer d’elles-mêmes, de leur corps et de leur vie. De récents reculs nous le rappellent, que ce soit en Afghanistan, où les femmes sont effacées de toute vie publique, ou au Texas et en Pologne, où le droit à l’avortement se réduit comme peau de chagrin. Ce matin encore, l’élection au Parlement européen d’une présidente qui s’est prononcée contre l’avortement nous rappelle que ce combat reste d’actualité en Europe. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – M. Jean-Paul Dufrègne et Mme Bénédicte Taurine applaudissent également.)
M. André Chassaigne
Exactement !
Mme Catherine Fabre
C’est pourquoi je tiens à remercier tous ceux qui défendent la proposition de loi visant à renforcer le droit à l’avortement : je remercie particulièrement la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, sa présidente Marie-Pierre Rixain et ses rapporteures Albane Gaillot et Marie-Noëlle Battistel, ainsi que Cécile Muschotti et Christophe Castaner, dont la détermination à faire voter le texte est sans faille.
M. Sylvain Maillard
C’est vrai !
Mme Catherine Fabre
Cette loi apportera une solution aux 3 000 femmes qui, chaque année, sont contraintes d’aller avorter à l’étranger. Elle assurera un meilleur accès à l’interruption volontaire de grossesse (IVG), plus précoce, dans tous les territoires.
Le Gouvernement a fait de l’égalité entre les femmes et les hommes la grande cause du quinquennat. En ce jour anniversaire de la loi Veil, et parce qu’il est toujours utile de réaffirmer notre volontarisme en la matière, pouvez-vous nous rappeler, monsieur le secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles, quelle est la vision du Gouvernement et quelles actions il mène en faveur de la santé et de la liberté des femmes ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – Mme Sophie Mette applaudit également.)
M. le président
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles
Au lendemain de l’anniversaire de la loi Veil relative à l’interruption volontaire de grossesse, je veux redire l’engagement farouche et sans faille du Gouvernement à toujours défendre cette avancée fondamentale. Cette loi, c’est l’affirmation résolue du droit des femmes à disposer de leur corps ; c’est un élément structurant de l’égalité entre les femmes et les hommes. Il faut la défendre sans relâche, car rien n’est jamais acquis, que ce soit dans des contrées lointaines ou plus près de nous.
Pendant la crise sanitaire, le Gouvernement a pris des mesures dérogatoires pour que le contexte exceptionnel ne remette pas en cause le droit et l’accès à l’IVG. De façon plus pérenne, nous avons lancé des actions majeures visant à renforcer ce droit : les IVG instrumentales peuvent ainsi être réalisées dans les centres de santé, mais aussi, dans le cadre d’une expérimentation, par des sages-femmes en milieu hospitalier ; le tiers payant intégral obligatoire est appliqué aux frais liés à l’IVG ; enfin, l’allongement de cinq à sept semaines de grossesse du délai de réalisation des IVG médicamenteuses en ville sera prochainement pérennisé.
En complément de ces mesures, et parce que l’information et la prévention doivent être renforcées, nous avons pris des décisions ambitieuses avec vous, dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 : je pense non seulement à l’accès gratuit à la contraception pour les femmes jusqu’à 25 ans, mais aussi à l’extension de la consultation longue santé sexuelle à tous les jeunes jusqu’à 25 ans, pour que la contraception cesse d’être perçue comme une affaire exclusivement féminine.
Le Parlement s’est par ailleurs saisi du délai légal d’avortement, dans le cadre d’une proposition de loi prévoyant de l’étendre de douze à quatorze semaines de grossesse. Le sujet est important pour les femmes confrontées à une demande d’IVG tardive, même s’il ne résume pas à lui seul l’enjeu crucial de l’accès à l’IVG. Le ministre des solidarités et de la santé en a saisi le Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE), qui a rendu un rapport. Je le réaffirme : nous entendons garantir un droit à l’avortement effectif et inaliénable, partout sur le territoire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
M. Sylvain Maillard
Très bien !
Dotation globale de fonctionnement des communes
M. le président
La parole est à Mme Béatrice Descamps.
Mme Béatrice Descamps
Alors que la dotation globale de fonctionnement (DGF) des communes est de 165 euros par habitant en moyenne en France, elle ne s’élève qu’à 44 euros à Saint-Saulve, dans ma circonscription valenciennoise. Cette commune de 11 500 habitants reçoit une dotation six à seize fois inférieure à celle de ses voisines de taille équivalente. Cette situation, que je cite en exemple pour bien la connaître, est loin d’être un cas isolé. Je pourrais également parler de Valdoie, dans le Territoire de Belfort, ou d’Auneuil et d’Hermes dans l’Oise. Nombre d’entre nous ont été sollicités à ce sujet dans nos circonscriptions respectives.
Vous l’aurez compris, madame la ministre chargée de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, je souhaite appeler votre attention sur la situation des communes qui, malgré une gestion saine et rationnelle, rencontrent des difficultés financières dues à une DGF en baisse et très insuffisante. La situation n’est pas nouvelle, mais elle s’aggrave d’année en année – au point que les élus de Saint-Saulve, pour prendre cet exemple, s’interrogent quant au maintien de certains services publics à partir du 30 mars. Le calcul de la dotation date d’une époque où la réalité des communes n’était pas celle d’aujourd’hui – c’est le fameux poids du passé. Les Saint-Saulviens considèrent qu’ils vivent, je les cite, dans une ville « en danger », où les services sont « en sursis ». Ils ont d’ailleurs écrit au Président de la République.
Quelle réponse pouvez-vous apporter aux inquiétudes des élus, des communes et de leurs habitants ? Doit-on envisager une réforme du calcul de la DGF, pour la rendre plus équitable ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I. – Mme Valérie Petit applaudit également.)
M. le président
La parole est à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales
Je rejoins votre constat quant aux difficultés liées au calcul de la DGF, dont Saint-Saulve offre une illustration éclatante. Cette situation résulte de trois facteurs. Le premier – je suis obligée de le rappeler – réside dans la baisse massive de la DGF entre 2013 et 2017, qui a mis à contribution toutes les communes de France pour redresser les comptes publics.
M. Pierre Cordier
Y compris quand M. Macron était ministre de l’économie !
Mme Jacqueline Gourault, ministre
Il en a coûté 825 000 euros de DGF à la commune de Saint-Saulve.
Le deuxième facteur tient aux nombreux critères de calcul de la dotation – une quarantaine : y figurent non seulement le nombre d’habitants, mais aussi, par exemple, le potentiel financier de la commune, c’est-à-dire sa capacité à mobiliser le levier fiscal.
Enfin – et c’est sans doute le point le plus délicat –, le troisième facteur est le poids de l’histoire. Chacun sait à quel point la DGF, singulièrement la dotation forfaitaire des communes, est un objet ancien, résultant d’une stratification de réformes successives, qui peine à s’adapter aux besoins de chaque commune. Cela explique la situation de Saint-Saulve.
Oui, madame la députée, il faut réformer la DGF. Quelques tentatives ont été menées en ce sens – des députés y ont d’ailleurs participé –, mais une réforme comme celle-ci est d’autant plus difficile qu’elle fait toujours des gagnants et des perdants. Nous avons mené des réformes ponctuelles, notamment de la DGF des intercommunalités en 2019, et de la DGF de l’outre-mer en 2020, mais force est de constater qu’aucune proposition consensuelle de réforme d’ensemble n’a encore émergé. Le défi reste à relever, et il faut s’y employer rapidement. (Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens et sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – Mme Béatrice Descamps applaudit également.)
M. André Chassaigne
Tout à fait !
Politique énergétique
M. le président
La parole est à M. Emmanuel Maquet.
M. Emmanuel Maquet
L’impensable est arrivé : faute d’avoir investi suffisamment dans son parc nucléaire depuis dix ans, la France subit une forte tension de son réseau électrique.
M. Jean-Paul Lecoq
On a fermé des centrales, y compris la centrale thermique du Havre !
M. Emmanuel Maquet
RTE, le gestionnaire du réseau de transport d’électricité, a rehaussé son niveau de vigilance au maximum, et a averti que des « coupures ciblées de consommateurs » étaient possibles. Oui, l’impensable est arrivé : notre approvisionnement énergétique dépend désormais de la météo.
En octobre, nous avions pourtant alerté la ministre de la transition écologique, Barbara Pompili, d’un risque de coupure générale, de black-out. Elle n’a pas voulu nous entendre, au nom du dogme idéologique du 50 % d’énergies renouvelables d’ici à 2035. Aujourd’hui, en pleine urgence, c’est à vous que je m’adresse, monsieur le Premier ministre : il est temps que le chef du Gouvernement exprime sa position sur le nucléaire, et que cesse la politique du « en même temps » qui détruit progressivement notre souveraineté énergétique. Vous fermez la centrale de Fessenheim, et « en même temps », vous annoncez des EPR – réacteur pressurisé européen – de dernière génération. Vous développez l’éolien, prétendument pour réduire les émissions de CO2, mais « en même temps », vous êtes obligés de rouvrir les centrales à charbon, ô combien polluantes, pour compenser la production intermittente de cette énergie. Vous profitez du prix du kilowatt généré par le nucléaire, et « en même temps », vous rackettez EDF de 8 milliards d’euros, pour des raisons électoralistes, par votre blocage de prix.
M. Erwan Balanant
Quel blocage de prix ?
M. Emmanuel Maquet
Vous ne faites que repousser la hausse après les échéances du printemps, et vous privez ainsi EDF des moyens de son développement.
Quelle est donc cette logique désastreuse ? Monsieur le Premier ministre, quelle politique énergétique souhaitez-vous mener pour garantir la compétitivité et la souveraineté de la France, pour garantir aux Français une électricité abondante à un tarif raisonnable, en évitant les black-out et, enfin, pour garantir le développement stratégique du fleuron national qu’est EDF, sans le priver de ses moyens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
M. le président
La parole est à Mme la ministre de la transition écologique.
Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique
Le sujet est trop sérieux pour être traité aussi légèrement, monsieur le député. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.)
M. Pierre Cordier
Qui êtes-vous pour dire cela ?
Mme Barbara Pompili, ministre
Concernant le nucléaire, nous avons investi près de 13 milliards d’euros dans l’EPR de Flamanville : convenez que ce n’est pas rien. Par ailleurs, 470 millions d’euros sont prévus dans le plan de relance pour développer des compétences, approfondir les sujets de la sûreté et des déchets, ainsi que pour travailler sur de nouveaux réacteurs,…
M. Jean-Paul Lecoq
Ça ne démarrera jamais !
Mme Barbara Pompili, ministre
…car ce serait une erreur stratégique de continuer à mettre tous nos œufs dans le même panier. Dans le cadre du plan France 2030, le Président de la République a annoncé 1 milliard d’euros d’investissements dans la recherche et développement en faveur du nucléaire. Cessez donc de dire que nous n’investissons pas dans ce domaine.
Mon problème, en tant que ministre de l’énergie, monsieur le député, c’est que 70 % de notre parc électrique est nucléaire et qu’il n’a jamais aussi peu produit.
Mme Émilie Bonnivard
Et qu’avez-vous fait depuis que vous êtes là ?
M. Jean-Paul Lecoq
Vous jouez avec le feu ! Il ne fallait pas fermer les centrales thermiques, qui étaient notre sauvegarde. Vous avez une conception dogmatique de l’énergie. Les écolos sont dans le dogme, en permanence.
Mme Barbara Pompili, ministre
Aujourd’hui, 13 gigawatts sur 61 sont immobilisés. Il est absolument impossible de travailler dans ces conditions, et c’est pourquoi j’ai demandé à EDF de procéder à un audit, pour comprendre pourquoi nous avons aujourd’hui aussi peu de centrales nucléaires et de réacteurs ouverts alors que nous en avons besoin.
Quant au racket d’EDF, arrêtons d’exagérer ! EDF connaîtra en réalité un manque à gagner, car il comptait vendre beaucoup plus cher son électricité et pourra moins le faire. D’ailleurs, les marchés ne s’y sont pas trompés : ce n’est pas à cela qu’ils réagissent, mais à la disponibilité du parc nucléaire.
Si nous voulons avoir de l’électricité – et nous avons besoin de plus d’électricité pour décarboner notre économie –, nous n’avons pas le temps de construire, dans les dix ans qui viennent, des centrales nucléaires. Nous menons donc une politique de relance pour le plus long terme mais, pour le plus court terme, aidez-moi, monsieur le député : nous devons faire des économies d’énergie et développer massivement les énergies renouvelables. Je compte sur votre soutien pour éviter tous les black-out à l’avenir. Il n’y en aura pas cette année, je vous le confirme. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.)
Avenir de la pêche française
M. le président
La parole est à M. Stéphane Buchou.
M. Stéphane Buchou
Madame la ministre de la mer, ma question porte sur le désarroi des pêcheurs à l’issue des négociations annuelles sur les quotas 2022, élaborés en décembre dernier à Bruxelles. Je sais votre détermination personnelle dans la défense des intérêts des pêcheurs de notre territoire. J’en veux pour preuve la densité de nos échanges, au ministère d’abord, en amont de la négociation, puis sur place, à Bruxelles, durant ces deux jours d’intenses tractations. J’en veux pour preuve aussi le courage que vous avez manifesté en acceptant mon invitation à venir présenter dès votre retour aux pêcheurs vendéens, sur l’île de Noirmoutier, les conséquences qu’auront pour eux des décisions entérinées par le conseil des ministres des pêches à Bruxelles.
La baisse considérable de 37 % sur la sole affecte particulièrement les pêcheurs de la côte vendéenne, vous l’avez bien compris, a fortiori parce qu’ils ont le sentiment que l’histoire se répète de façon tragique. Le maire de l’île d’Yeu rappelait récemment les efforts d’adaptation notables déjà réalisés par les pêcheurs locaux depuis vingt ans. Peu à peu, la flottille locale, perdant ses droits de pêche, a perdu ses bateaux. L’année 2022 est vécue sur place comme celle du coup de grâce car, bien entendu, et je ne vous apprends rien, au-delà de la pêche, c’est un pan entier de l’économie qui est affaibli et risque de disparaître, de la construction et de l’équipement des bateaux à la commercialisation et la transformation du poisson, en passant par les pêcheurs et leurs familles.
Les acteurs du territoire ne se résignent pas à le voir réduit à un parc d’attractions pour touristes et une zone résidentielle pour retraités. Comme vous l’avez entendu, madame la ministre, les pêcheurs ne veulent pas se satisfaire des aides du plan d’accompagnement financé par le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP), que vous avez obtenues en compensation. Ils veulent pouvoir vivre de leur métier. Ils veulent voir l’horizon économique s’ouvrir et espèrent, à cet effet, que les quotas 2023 retrouveront un niveau compatible avec une activité viable pour les navires concernés et – pourquoi pas ? –, des autorisations provisoires à titre expérimental. Ils attendent surtout, considérant que la pêche n’est pas en elle-même la source principale de raréfaction de la ressource, que de véritables programmes scientifiques soient lancés pour évaluer la qualité des eaux.
Pouvons-nous imaginer, madame la ministre, un avenir pour la pêche professionnelle sur la côte atlantique ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
M. le président
La parole est à Mme la ministre de la mer.
Mme Annick Girardin, ministre de la mer
Monsieur le député, vous rappelez à juste titre que nous étions ensemble à Bruxelles le 13 décembre dernier pour quatre jours de négociations sur l’ensemble de nos quotas et l’ensemble de nos pêcheries.
Pour ce qui concerne le golfe de Gascogne, le sujet était, bien évidemment, le bar, le lieu jaune et la sole. Si, pour les deux premiers, les nouvelles étaient positives et ont permis de continuer les efforts, pour la sole, comme vous l’avez dit, le résultat était décevant, mais prévisible, car le plan de gestion européen qui avait été défini et signé en 2019 avec l’accord de l’ensemble de la filière prévoyait une baisse automatique de 36 % dès que le stock était jugé en mauvais état, ce qui était le cas.
L’effort demandé aux professionnels est énorme, même si je me suis battue pour qu’il soit échelonné sur deux ou trois années, ce qui était juridiquement impossible. La situation est très dure pour les pêcheurs, d’autant plus qu’on estime que la baisse est liée non pas à l’activité de la pêche, mais à la pollution marine – très certainement aux bassins versants et aux pollutions qui en proviennent et empêchent la ressource de se reproduire. C’est là le vrai problème que nous devons résoudre avec l’ensemble des élus du bassin.
Le travail en amont nous a permis, comme vous l’avez dit, de mettre immédiatement en place un plan d’accompagnement, et je sais que les pêcheurs en sont satisfaits sur le court terme, car il est assez solide, prévoit tous les cas de figure et s’étalera du 1er janvier au 31 décembre.
Les pêcheurs et vous-même avez cependant raison, et le Premier ministre et le Président de la République partagent ce souhait : il faut aller plus loin que les mesures d’urgence que nous avons prises pour le golfe de Gascogne, pour ceux qui vivent les conséquences du Brexit et de l’initiative Ouestmed, en lançant un travail important visant à définir un plan d’action pour une pêche durable, qui aura trois axes : améliorer la connaissance des ressources halieutiques – nous en avons besoin –, moderniser la filière et sa compétitivité et renforcer l’attractivité du métier de marin-pêcheur. (M. Stéphane Buchou et M. Bertrand Bouyx applaudissent.)
Train Intercités de nuit Le Pyrénéen
M. le président
La parole est à Mme Jeanine Dubié.
Mme Jeanine Dubié
Monsieur le ministre délégué chargé des transports, le 12 décembre dernier, vous inauguriez la nouvelle ligne Intercités de nuit reliant Paris à Tarbes-Lourdes, dénommée Le Pyrénéen. Élus locaux et nationaux, organisations syndicales et l’association Oui au train de nuit n’ont eu de cesse de se mobiliser, depuis sa fermeture en juillet 2017, pour le rétablissement de la Palombe Bleue, dans son tracé historique par Bordeaux et l’axe atlantique. Comme mes collègues des Landes et des Pyrénées-Atlantiques, que je salue, je regrette que cette option n’ait pas été retenue, l’itinéraire par Toulouse lui ayant été préféré. Malgré tout, la relance d’une ligne de train de nuit reste une bonne nouvelle.
Cependant, les conditions de mise en service du Pyrénéen, notamment durant les fêtes de fin d’année, laissent perplexe quant à la volonté de la SNCF d’assurer la pérennité de ce train. En effet, depuis son lancement, de nombreux voyageurs ont été lésés par des dysfonctionnements réguliers de cette ligne, notamment sur le tronçon Toulouse-Tarbes. À plusieurs reprises, le train s’est arrêté à Toulouse-Matabiau, laissant des voyageurs désemparés descendre à cinq heures du matin dans une gare fermée, sans informations. De même, des départs de Lourdes et Tarbes ont été annulés, obligeant les voyageurs souhaitant se rendre à Paris à prendre le train au départ de Toulouse. Ces défaillances, couplées au défaut d’information, altèrent grandement la confiance des usagers dans ce mode de transport, qui est pourtant une solution pratique et économique pour rejoindre le piémont pyrénéen, comme en attestent les taux de remplissage.
Selon les voyageurs qui m’ont saisie de cette question, des raisons diverses ont été évoquées pour expliquer ces dysfonctionnements réguliers : conditions météorologiques, grèves ou effectifs insuffisants du fait de la crise liée au covid-19.
Monsieur le ministre délégué, avez-vous des informations fiables et certaines à nous communiquer sur les problèmes de circulation de ces trains ces derniers mois ? Quelles mesures comptez-vous prendre pour obliger la SNCF à améliorer sa prestation en matière d’information et de prise en charge des voyageurs ?
Enfin, j’ai bien entendu que vous souhaitiez une dizaine de lignes nationales de train de nuit à l’horizon 2030. Comment pensez-vous les rendre effectives et pérennes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LT. – Mme Bénédicte Taurine applaudit également.)
M. le président
La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports.
M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué chargé des transports
Madame la députée, merci de rappeler que c’est ce gouvernement qui a rouvert certaines lignes de train de nuit : d’abord entre Paris et Nice en mai dernier et, plus récemment, voilà quelques semaines, comme vous le mentionniez, entre Paris et Briançon et Paris et Tarbes, puis, le 14 décembre, entre Vienne et Paris, ce qui augure d’une politique de redéploiement du train de nuit voulue par le Gouvernement.
Depuis sa réouverture, et vous les avez évoqués, il y a eu sur cette ligne des dysfonctionnements inacceptables. L’insatisfaction des usagers est légitime et j’ai demandé à la SNCF de mettre rapidement en place un plan d’action correctif pour mieux anticiper les conditions météorologiques adverses et pour prendre en compte des effets de sous-effectifs locaux dus, conjoncturellement, à la crise liée au covid-19.
Plus largement, madame la députée, ces dysfonctionnements traduisent le sous-investissement chronique qu’a subi le système ferroviaire au cours des décennies passées. Comme vous le savez, nous avons très largement réinvesti dans le réseau, avec plus de 3 milliards d’euros par an. Ces travaux se font la nuit, au moment où passent les trains de nuit et le fret ferroviaire, ce qui peut expliquer une partie des dysfonctionnements. Le système ferroviaire devrait retrouver de la performance à partir de l’année 2023.
Enfin, vous m’interrogez sur l’avenir, avec cette dizaine de lignes que nous souhaitons ouvrir d’ici à 2030. Le Premier ministre a rappelé voilà quelques jours sa volonté d’ouvrir la ligne entre Paris et Aurillac avant deux ans,…
M. Jean Castex, Premier ministre
Oui !
M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué
…et je sais que certains députés y sont très attachés.
Cela suppose de nous doter de nouveaux matériels roulants, qui devraient être disponibles entre 2026 et 2030, pour un montant d’environ 600 millions d’euros. Vous savez que mon ministère y est très attaché et veillera à faire avancer ce dossier très rapidement.
Hôpital public
M. le président
La parole est à Mme Nathalie Porte.
Mme Nathalie Porte
Monsieur le Premier ministre, depuis deux ans, la crise sanitaire a révélé l’appauvrissement de l’hôpital public : manque de personnel, manque de moyens matériels. Au printemps 2020, alors que les Français applaudissaient les soignants, votre prédécesseur prenait l’engagement de tout mettre en œuvre pour redresser la situation. Deux ans plus tard, le bilan s’est encore aggravé. Par les mesures qu’il a prises, le ministre de la santé a complètement désorganisé notre système hospitalier. Le Plan blanc, qui sert normalement lors de grandes catastrophes ponctuelles, devient le mode de fonctionnement structurel. Les conséquences qu’il impose aux soignants leur sont insupportables. L’exclusion de l’hôpital des soignants non vaccinés vient encore aggraver une situation déjà calamiteuse.
Sur le terrain, le démantèlement des hôpitaux de proximité se poursuit. Dans ma circonscription, l’hôpital de Lisieux a perdu vingt-cinq lits, soit 10 % de sa capacité, dans la fusion de deux services. Les urgences hospitalières ont été fermées la nuit durant trois semaines au cœur de l’été, ce qui était du jamais vu. Depuis la semaine dernière, ce sont les urgences pédiatriques qui sont fermées la nuit. L’hôpital de Falaise subit les mêmes situations dramatiques.
Vous allez me répondre que l’État est présent et que le Ségur de la santé apportera des millions d’euros pour reconstruire l’hôpital,…
M. Thibault Bazin
Et c’est faux !
Mme Nathalie Porte
…mais ce n’est même plus le sujet. Vous nous parlez d’une perspective d’hypothétiques travaux à dix ans, alors que le besoin de moyens humains s’impose dès aujourd’hui.
Nous sommes en colère de vous voir accompagner l’effondrement de nos hôpitaux de proximité. Allez-vous, d’ici au mois d’avril, reconnaître l’échec de votre gouvernement dans ce domaine fondamental ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
M. Erwan Balanant
Et dire que c’est une députée LR qui pose cette question !
M. le président
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’autonomie.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l’autonomie
Madame la députée, dois-je vous rappeler les années précédentes ?
M. Erwan Balanant
Merci de le rappeler !
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée
Dois-je vous rappeler l’ONDAM – objectif national de dépenses de l’assurance maladie –, et toutes les conditions dans lesquelles se trouve aujourd’hui l’hôpital public ? (Exclamations sur les bancs du groupe LR.) Nous sommes en train d’essayer de le sauver, alors que vous l’avez mis en difficulté. (Mêmes mouvements.) Puis-je vous répondre ?
Aux personnels de l’hôpital de Lisieux, dont vous parlez et qui font état de revendications, nous répondons, madame la députée, en investissant 36 millions d’euros dans leur hôpital, afin de remédier au manque d’attractivité et au malaise de l’hôpital public.
M. Jean-Marie Sermier
Voilà dix ans que vous êtes là ! Qu’avez-vous fait ?
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée
Nous y répondons aussi lorsque la région de Normandie s’apprête à recevoir 77 millions d’euros qui seront mobilisés dans le Calvados pour rénover les infrastructures de soins.
M. Jean-Paul Lecoq
Ce n’est rien ! C’est ridicule !
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée
Cet investissement s’opère, vous avez raison, dans un contexte d’augmentation de l’absentéisme, et vous savez aussi pourquoi : nous sommes victimes d’une pandémie et tous les hôpitaux connaissent une tension en matière de ressources humaines, entre, d’une part, l’impact de l’épidémie et les départs de soignants et, d’autre part, la transformation de pratiques.
M. Jean-Paul Lecoq
Le désert médical existait avant la pandémie, et même depuis dix ans en Normandie !
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée
Pour y répondre, nous avons demandé à des cellules territoriales de suivi et aux ARS – agences régionales de santé – de suivre notamment ces établissements en crise, publics ou privés, avec un apport de soignants libéraux et en donnant priorité aux réponses visant les services d’urgence, de pédiatrie et de maternité.
Je rappelle que, dans votre région, près de 100 000 soignants ont bénéficié de revalorisations salariales, pour plus de 300 millions d’euros au total. C’est une réponse structurelle pour rendre attractifs ces métiers. C’est essentiel dans un contexte où votre hôpital a été obligé de fermer temporairement trois lits. À Lisieux, cette réponse s’est déclinée pour faire face et assurer qu’aucune rupture n’ait lieu. Un transfert préventif a été opéré pour répondre aux cas difficiles et une orientation est opérée par le 15. Le centre hospitalier conserve ses lits de néonatologie et de maternité, qui fonctionnent normalement. Un plan plus durable de renforcement des équipes du centre hospitalier est en cours et une rencontre est prévue, comme vous le savez, d’ici à la fin du mois de janvier entre toutes les parties prenantes.
M. Jean-Paul Lecoq
N’importe quoi !
M. le président
La parole est à Mme Nathalie Porte.
Mme Nathalie Porte
Bien évidemment, je connaissais la réponse !
M. Erwan Balanant et M. Rémy Rebeyrotte
Pourquoi poser une question quand on connaît la réponse ?
Mme Nathalie Porte
Voilà dix ans maintenant qu’Emmanuel Macron et ses soutiens sont au Gouvernement, à brasser du vent comme des éoliennes ! Nous voulons davantage de soignants sur le terrain maintenant. Valérie Pécresse veut en augmenter le nombre. Elle, elle le fera. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
M. Jean-Paul Lecoq
Vous l’avez mal écoutée !
Statut de l’entrepreneur individuel
M. le président
La parole est à M. Jean-Paul Mattei.
M. Jean-Paul Mattei
Monsieur le ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises, près de 1 million d’entreprises ont été créées en 2021, malgré la crise financière, soit 150 000 de plus qu’en 2020. Notre pays crée de la valeur dans le secteur de l’industrie, de la proximité et des services. Trois quarts d’entre elles sont des entreprises individuelles ou des microentreprises.
Ce dynamisme, cette envie d’entreprendre, notre majorité les a valorisés depuis 2017. Nous avons levé les freins à la croissance avec la loi PACTE – relative à la croissance et à la transformation des entreprises –, qui a facilité l’entrepreneuriat. Nous avons soutenu tous les acteurs économiques face à la crise et continuons à le faire. Le rebond de croissance prouve que cette stratégie fonctionne. La semaine dernière, nous avons été plus loin, en créant un véritable statut de l’entrepreneur individuel.
Hier, en cas de défaillance de son entreprise, le patrimoine personnel de l’entrepreneur pouvait être saisi par ses créanciers : la ruine personnelle et familiale s’ajoutait à la perte de son moyen d’existence. Demain, l’indépendant sera automatiquement protégé, sans qu’aucune démarche soit nécessaire. C’est un véritable électrochoc juridique. L’entrepreneur pourra également bénéficier d’un statut fiscal adapté – qu’il faut toutefois encore sécuriser –, mais aussi transmettre son entreprise ou la transformer en société plus simplement. La participation des salariés sera alors possible, même dans les petites entreprises.
Ce projet de loi sera déterminant pour tous les entrepreneurs de notre pays. Il est indispensable que ces derniers soient informés de leurs futurs droits. Comment le Gouvernement entend-il promouvoir ce texte et ainsi, peut-être, permettre à la France de battre une nouvelle fois, en 2022, le record de créations d’entreprises atteint cette année ? (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes Dem et LaREM.)
M. le président
La parole est à M. le ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé du tourisme, des Français de l’étranger et de la francophonie, et auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des petites et moyennes entreprises.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé du tourisme, des Français de l’étranger et de la francophonie, et auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des petites et moyennes entreprises
Je tiens à saluer la contribution de l’Assemblée nationale – votre apport personnel, ainsi que celui des membres de la commission spéciale, sous l’égide de la présidente et de ses rapporteurs – à ce projet de loi qu’elle a adopté lundi dernier, à une très large majorité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Dem.) Lorsqu’elle sera promulguée, cette loi sera une belle loi, qui protégera les indépendants et libérera l’initiative.
Elle protège les entrepreneurs, car leur patrimoine personnel ne pourra plus être saisi en cas de faillite, ce qui représente un progrès fondamental. Elle libère aussi leur esprit, parce qu’ils sauront désormais que si le succès de leur entreprise n’est pas au rendez-vous, l’allocation des travailleurs indépendants jouera son rôle de filet de sécurité. Libérer, protéger : voilà, clairement, la philosophie au cœur de l’engagement du Président de la République et de l’action du Gouvernement, conduit par Jean Castex.
Désormais, vous avez raison de le souligner, il s’agit de faire que ces droits nouveaux deviennent effectifs et que les indépendants s’en saisissent. Avec les chambres consulaires, les chambres de commerce et d’industrie (CCI), les chambres de métiers et de l’artisanat (CMA) – dont je salue l’action à nos côtés tout au long de la crise – et vous-mêmes, élus dans vos circonscriptions, nous nous emploierons à faire connaître ces mesures, qui seront également présentées sur le site entreprendre.service-public.fr.
Vous l’aurez compris, nous passons un pacte simple avec les Français : « Vous osez, vous entreprenez, et l’État se tiendra à vos côtés en cas de besoin pour vous accompagner. » C’est ce qui encouragera nombre d’entre eux, jeunes ou moins jeunes, à continuer d’entreprendre. Je pense notamment aux lauréats couronnés dans le cadre des Rabelais des jeunes talents ou aux jeunes artisans qui veulent reprendre ou créer une entreprise. Nous serons là pour les accompagner, car l’esprit d’entreprise est une part de l’esprit français : à mesure qu’il progressera, notre pays grandira avec lui.
Nous pouvons être fiers du million d’entreprises créées en 2021 : n’en déplaise aux esprits grincheux ou aux déclinistes de tout poil, la France avance grâce à ses 3 millions d’indépendants ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe Dem et sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
Accroissement des inégalités
M. le président
La parole est à M. Adrien Quatennens.
M. Adrien Quatennens
Cette pandémie, qui est un enfer pour le grand nombre, est un paradis pour les très riches. C’est ce que confirme le dernier rapport d’Oxfam : la fortune des plus riches de la planète a davantage augmenté en dix-neuf mois de pandémie qu’en une décennie. Cette accumulation sans borne et toujours plus concentrée de la richesse entre quelques mains explique aussi l’accroissement de la pauvreté.
Pendant ces mêmes dix-neuf mois, en effet, 160 millions de personnes sont tombées dans la pauvreté. En France, de mars 2020 à octobre 2021, la fortune des milliardaires a augmenté de 86 %. Avec les 236 milliards d’euros supplémentaires ainsi engrangés, on pourrait quadrupler le budget de l’hôpital public ou distribuer un chèque de 3 500 euros à chaque Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.) Les cinq premières fortunes ont doublé durant la pandémie, augmentant de 173 milliards en dix-neuf mois. Désormais, elles possèdent autant que les 40 % des Français les plus précaires alors que 8 millions de Français ont besoin de l’aide alimentaire.
Vous êtes responsables !
M. Alexis Corbière
C’est vrai !
M. Adrien Quatennens
Votre politique consistant à inonder les marchés financiers et les gros détenteurs de capitaux sous prétexte que cela profiterait à l’ensemble de l’économie se heurte à la réalité subie par l’immense majorité des citoyens.
L’urgence sociale appelle une rupture nette avec la politique du « tout pour les riches ». Il faut rétablir l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et taxer les profiteurs de crise, comme nous l’avons proposé. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.) Il faut freiner la reproduction des inégalités en traitant enfin la question de l’héritage. Avec Jean-Luc Mélenchon, nous proposons d’en fixer le plafond à 12 millions d’euros et de donner le superflu aux jeunes en créant une allocation d’autonomie de 1 000 euros. Il faut faire l’impôt universel et instaurer le système à quatorze tranches.
Le président des riches acceptera-t-il de défendre son bilan en débattant avec les autres candidats ? Quoi qu’il en soit, dans moins de trois mois, les Français pourront tourner la page ! (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)
M. le président
La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.
M. Olivier Dussopt, ministre délégué chargé des comptes publics
Permettez-moi de vous répondre en trois points. D’abord, un point de méthode s’agissant du rapport Oxfam que vous avez cité : je regrette deux choses. La première, c’est que la présentation qui y est faite et que vous reprenez à votre compte confond la valorisation boursière d’un groupe et la fortune personnelle des dirigeants dudit groupe, alors que ces deux grandeurs ne sont pas comparables.
M. Hervé Berville
Eh oui ! Voilà cinq ans qu’on leur dit !
M. Olivier Dussopt, ministre délégué
Surtout, le rapport, tel qu’il est présenté, présente un second biais méthodologique, puisqu’il s’appuie sur l’évolution de la valorisation boursière des entreprises entre les mois de mars 2020 et d’octobre 2021, c’est-à-dire entre le moment où la bourse était au plus bas – au début de la pandémie de covid-19 – et celui où elle était revenue au plus haut.
Je tiens à pointer une deuxième difficulté : les rapports successifs d’Oxfam ont aussi montré que la France fait partie des pays dans lesquels les mécanismes de redistribution sont les plus solides et permettent de réduire le plus fortement les inégalités.
M. Éric Coquerel
Elles se sont aggravées !
M. Olivier Dussopt, ministre délégué
Je vous renvoie aux chiffres de l’INSEE, qui montrent que ni les inégalités de revenus ni les inégalités de patrimoine ne se sont aggravées depuis 2017. Ce sont, je le répète, les chiffres de l’INSEE qui le disent, ce n’est pas moi : je vous invite à vous y reporter plutôt qu’à vous appuyer sur des rapports qui vous conviennent.
Enfin, comme la fin de votre intervention l’a montré, nous avons une divergence de fond : Emmanuel Macron et le Gouvernement considèrent que ce n’est pas en augmentant les impôts que nous sortirons de la crise. Nous avons, au contraire, baissé massivement les impôts,…
Plusieurs députés du groupe FI
Pour les riches !
M. Olivier Dussopt, ministre délégué
…à hauteur de 50 milliards d’euros : 25 milliards pour les entreprises – ce qui explique les bons résultats économiques de la France – et 25 milliards pour les ménages, grâce à la baisse des taux des deux premières tranches d’impôt sur le revenu et à la suppression progressive de la taxe d’habitation. C’est aussi ce qui explique que le pouvoir d’achat des ménages ait augmenté deux fois plus vite pendant ce quinquennat que durant les dix années précédentes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe Dem. – Exclamations sur les bancs du groupe FI.)
Revalorisation du SMIC
M. le président
La parole est à M. Gérard Leseul.
M. Gérard Leseul
Le pouvoir d’achat est la première préoccupation des Français, loin, très loin devant les thèmes d’exclusion que veulent nous imposer les candidats de la droite extrême et de l’extrême droite. Nos concitoyens sont préoccupés, à juste titre, par le coût de la vie qui ne cesse d’augmenter. C’est notamment le cas des prix de l’énergie qui s’envolent chaque mois un peu plus pour atteindre des niveaux inquiétants, comme cela a été rappelé tout à l’heure.
Cette réalité balaye d’entrée de jeu l’idée selon laquelle la hausse mécanique du SMIC, qui a atteint 0,9 % en janvier, suivrait l’indice des prix et suffirait à maintenir le niveau de vie des Français. Le SMIC n’excède que de 200 euros le seuil de pauvreté : la rémunération du travail est en panne.
En présentant, mercredi dernier, devant la commission des affaires sociales, une proposition de loi visant à revaloriser le SMIC, j’ai été saisi par le décalage entre les belles déclarations d’intention de nos collègues de la majorité et la teneur de leur vote.
M. Boris Vallaud
C’est vrai !
M. Gérard Leseul
Tous rejoignent unanimement le constat que j’ai dressé : on ne vit pas bien avec un SMIC, on survit. Pourtant, jusqu’à présent votre gouvernement et votre majorité rejettent toute avancée sur cette question. Comptez-vous revaloriser le SMIC, refuserez-vous l’ouverture d’une conférence nationale sur les salaires ?
J’entends trop souvent dire, au sein de la majorité, qu’il n’y aurait pas de problème de pouvoir d’achat ni de salaires en France. À l’heure où les salariés ont besoin de la puissance publique pour mener à bien les négociations salariales, un tel aveuglement est grave et préoccupant. Vous le savez, en effet, certaines négociations par branche d’activité patinent et n’aboutissent à aucune revalorisation salariale. Alors qu’attendez-vous pour donner un vrai coup de pouce au SMIC et convoquer toutes les parties intéressées à votre table pour ouvrir enfin une conférence nationale sur les salaires ? Cela permettrait également d’aborder la question des écarts de revenus et de richesse, qui atteignent aujourd’hui des niveaux parfaitement indécents. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur de nombreux bancs du groupe GDR. – Mme Bénédicte Taurine applaudit également.)
M. le président
La parole est à Mme la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion.
Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion
D’abord, je tiens à rappeler que le SMIC a augmenté par deux fois en un an, du fait de son indexation sur l’inflation et sur le gain de pouvoir d’achat du salaire horaire moyen des ménages les plus modestes. Au total, il aura ainsi été revalorisé de 3,1 % en un an.
Au-delà, nous tenons à consolider en priorité les créations d’emploi, qui représentent autant d’opportunités pour les demandeurs d’emploi, et mobiliser tous les leviers permettant d’augmenter les ressources des travailleurs modestes. C’est ce que nous faisons depuis le début du quinquennat, comme en témoignent la suppression de la taxe d’habitation et des cotisations salariales d’assurance chômage et d’assurance maladie, la reconduction, en 2021, de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, la défiscalisation des heures supplémentaires et la baisse des charges salariales correspondantes, enfin la revalorisation de la prime d’activité. Grâce à ces différentes mesures, un salarié au SMIC touche désormais, selon sa situation familiale, un treizième ou un quatorzième mois de plus par an.
M. Stéphane Peu
Ce n’est pas du salaire !
Mme Élisabeth Borne, ministre
C’est cela, agir pour le pouvoir d’achat des travailleurs modestes !
Je vous rejoins sur un point : il n’est pas acceptable que les minima conventionnels soient durablement inférieurs au SMIC dans certaines branches. C’est tout le sens des discussions que j’ai engagées avec les branches concernées. Je tiens à saluer les avancées obtenues dans différents secteurs, comme l’esthétique, le bricolage, le travail temporaire, ou encore les hôtels, cafés et restaurants. Dans cette dernière branche, en particulier, les partenaires sociaux se sont accordés sur une hausse des rémunérations de 16 % en moyenne, ce qui constitue une excellente nouvelle pour les plus de 800 000 salariés du secteur ainsi que pour l’attractivité de ces métiers.
M. Gérard Leseul
Et les autres ?
Mme Élisabeth Borne, ministre
Vous l’aurez compris : défendre le pouvoir d’achat des travailleurs modestes, c’est ce que nous faisons depuis maintenant près de cinq ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
M. le président
Nous avons terminé les questions au Gouvernement.
Suspension et reprise de la séance
M. le président
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures dix, sous la présidence de M. David Habib.)
Présidence de M. David Habib
vice-président
M. le président
La séance est reprise.
2. Réforme de l’adoption
Nouvelle lecture (suite)
M. le président
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, en nouvelle lecture, de la proposition de loi relative à l’adoption (nos 4607, 4897).
Discussion des articles (suite)
Article 13 (suite)
M. le président
Hier soir, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles, s’arrêtant à l’amendement no 38 à l’article 13.
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 38 et 212.
L’amendement no 38 de Mme Emmanuelle Ménard est défendu.
La parole est à M. Julien Aubert, pour soutenir l’amendement no 212.
M. Julien Aubert
Par cet amendement de mon collègue Xavier Breton, nous proposons de supprimer l’alinéa 2 de l’article 13 afin de faire apparaître les notions de « père » et de « mère » dans la rédaction de l’article L. 224-5 du code de l’action sociale et des familles.
Je vous vois venir. Vous me répondrez peut-être qu’il s’agit d’un débat ancien et qu’il a déjà été tranché. Mais tel n’est pas l’objet de cet amendement. Je vous invite plutôt à lire avec attention la rédaction de l’article, telle que vous la proposez.
De façon étrange, vous souhaitez en effet remplacer les mots « père » et « mère » par « parents » au 4o de l’article L. 224-5. Or, dans l’article actuellement en vigueur, le deuxième alinéa est ainsi rédigé : « Il doit être mentionné au procès-verbal que les parents à l’égard de qui la filiation de l’enfant est établie, la mère ou le père de naissance de l’enfant ou la personne qui remet l’enfant ont été informés […] ». On emploie donc, d’un côté, le mot « parents » à propos des personnes qui adoptent – qui peuvent être de même sexe – et, de l’autre, les mots « père » et « mère » à propos des parents naturels de l’enfant, lequel a bien un père et une mère de naissance.
En employant le mot « parents » à la fois pour l’origine et pour la destination, cette distinction entre les uns et les autres risque de disparaître, ce qui pose un problème en matière de lisibilité de l’article d’autant plus que, malgré les modifications prévues par la nouvelle rédaction, les mots « père » et « mère » figureraient toujours dans l’alinéa 2.
Pour toutes ces raisons, l’article me semblerait plus clair si l’on conservait la rédaction actuelle, en désignant par le mot « parents » les personnes à l’égard desquelles la filiation est établie – la destination de l’adoption – et en conservant les mots « père » et « mère » pour désigner les parents de naissance, qui sont à l’origine du processus d’adoption. En effet, tout un chacun a bel et bien un père et une mère, au moins depuis Adam et Ève.
M. le président
La parole est à Mme Monique Limon, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission.
Mme Monique Limon, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République
Ayant répondu hier très longuement sur ce type d’amendement à propos de l’article 2, je me contenterai de donner un avis défavorable.
M. le président
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles, pour donner l’avis du Gouvernement.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles
Même avis.
M. le président
La parole est à M. Julien Aubert.
M. Julien Aubert
Certes, vous avez répondu hier à propos de l’article 2, mais pas sur ce point précis.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État
Si, mais vous n’étiez pas là !
M. Julien Aubert
Non car il s’agit, avec cet amendement, non pas de revenir sur des débats antérieurs mais de veiller à la lisibilité juridique de l’article.
En effet, vous supprimez les notions de « père » et « mère » au 4o de l’article, tout en les laissant dans le chapeau introductif de l’article. Soyez logiques avec vous-mêmes.
Si vous voulez supprimer « père » et « mère » partout, vous devez modifier l’ensemble de l’article 224-5, y compris l’alinéa 2 qui serait ainsi rédigé : « Il doit être mentionné au procès-verbal que les parents à l’égard de qui la filiation de l’enfant est établie, les parents de naissance de l’enfant ou la personne qui remet l’enfant ont été informés […] ». Mais on perdrait alors la distinction entre les parents d’origine et les parents qui adoptent. Or, si je peux admettre que, à propos de ces derniers, vous ne souhaitiez pas préciser le sexe, en revanche, les parents de naissance sont bien un père et une mère – c’est d’ailleurs ce que dit l’article en vigueur actuellement. Voilà pourquoi votre modification partielle n’a pas beaucoup de sens.
(Les amendements identiques nos 38 et 212 ne sont pas adoptés.)
M. le président
La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir l’amendement no 213.
M. Frédéric Reiss
Le présent amendement déposé par Xavier Breton vise à supprimer l’alinéa 4. En effet, selon le code civil, une renonciation ou cession portant sur l’autorité parentale ne peut avoir d’effet que si elle résulte d’un jugement ; surtout, le droit de consentir à l’adoption n’est jamais délégué. Le consentement à l’adoption est d’une autre nature, puisqu’il porte sur la filiation : ce n’est ni un transfert ni une renonciation à l’autorité parentale, c’est un consentement au changement de filiation de l’enfant, et ce, qu’elle soit simple ou plénière. Il n’est donc pas possible de priver les parents de ce droit, strictement personnel, sans porter une grave atteinte au respect de leur vie privée et familiale, garanti par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH).
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Monique Limon, rapporteure
Je profite de l’occasion pour rappeler les raisons pour lesquelles la commission a souhaité, à l’article 13, clarifier les règles relatives au consentement. Cette réponse globale vaudra pour tous les amendements à l’article.
Je veux lever, de façon claire et argumentée, un malentendu. Il est faux d’affirmer que nous supprimerions le consentement des parents à l’adoption. Bien au contraire, nous clarifions l’état du droit pour garantir que les parents soient éclairés au moment de l’expression de leur consentement, cette garantie n’étant pas explicite dans la rédaction actuelle des textes.
Pour éviter toute ambiguïté, je rappelle l’état de droit : un enfant peut obtenir le statut de pupille de l’État à la demande des parents. Lorsque l’enfant est remis au service de l’aide sociale à l’enfance (ASE), un procès-verbal est établi ; les parents sont simplement « invités à consentir à son adoption ». S’ils ne l’ont pas fait, le conseil de famille des pupilles de l’État peut le faire. Voilà ce que prévoient les textes, à savoir l’article L. 224-5 du code de l’action sociale et des familles, et l’article 349 du code civil.
Notre intention n’a jamais été de changer le fond du droit : elle est de renforcer le caractère éclairé du consentement des parents au stade de l’admission de leur enfant dans le statut de pupille de l’État. Voilà pourquoi nous écrivons à l’article 13 : « Le consentement doit être libre, obtenu sans aucune contrepartie et éclairé sur les conséquences de l’admission dans le statut de pupille de l’État, s’agissant notamment de la possibilité pour l’enfant de bénéficier d’un projet d’adoption […]. » Hier soir, avant la levée de la séance, nous avons adopté un amendement de M. Xavier Breton, l’amendement no 211, qui renforce encore le dispositif en prévoyant que les parents peuvent être accompagnés par une personne de leur choix au moment du recueil de leur consentement.
Par ailleurs, le secrétaire d’État a indiqué qu’il retenait l’idée de la remise aux parents d’un guide – un document se présentant sous la forme d’une brochure – de façon à garantir qu’ils aient bien toutes les informations indispensables pour éclairer leur consentement. Enfin, et je m’en réjouis, pour lever encore un peu plus le malentendu, le Gouvernement présentera tout à l’heure un amendement no 254, auquel je donnerai un avis favorable, qui rappelle que le consentement doit porter sur la possibilité de l’adoption de l’enfant.
Il n’y a vraiment aucune raison de faire dire au texte ce qu’il ne dit pas. L’information des parents et l’intégrité de leur consentement sortiront renforcées de l’adoption de cette proposition de loi. Je suis donc défavorable à tous les amendements déposés à l’article 13, à l’exception de l’amendement no 254 du Gouvernement. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État
Avis défavorable. Nous avons longuement débattu de cette question et Mme la rapporteure a été parfaitement claire dans l’exposé des arguments.
M. le président
Monsieur Bazin, vous demandez la parole ? Hier, nos travaux se sont très bien déroulés : il ne faudrait pas que la venue de M. Aubert nous fasse perdre cette sérénité ! (Sourires.)
M. Julien Aubert
Toujours moi… Vivement que je sois ministre !
M. Maxime Minot
M. Aubert était pourtant là hier !
M. le président
Monsieur Bazin, vous avez la parole ; montrez à l’ensemble de notre assemblée, y compris à vos collègues du groupe Les Républicains, notre volonté de débattre sans excès !
M. Thibault Bazin
Je vous rassure, le sujet est suffisamment délicat et sérieux pour décourager toute velléité d’esclandre ! Entre M. Aubert et moi, il n’y a pas l’épaisseur d’une feuille de papier à cigarette : s’agissant de ces sujets importants, nous sommes sur la même ligne.
Monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, vous jouez avec les mots. Soit l’article 13 ne change rien, et alors il est inutile ; soit il change la donne. En réalité, vous modifiez bien les règles du code civil relatives au consentement des parents qui remettent leur enfant à l’ASE. Si ce n’était pas le cas, pourquoi aurait-on besoin de légiférer sur ce point ?
La question est symbolique, car c’est parfois, pour les parents, le seul acte de protection. Je vous l’accorde : les parents consentiront à l’admission de l’enfant dans le statut de pupille de l’État ; mais ils ne consentiront plus à l’adoption de l’enfant ! Soyons précis. Ensuite, c’est le conseil de famille des pupilles de l’État qui décidera de l’adoption.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État
C’est déjà le cas !
M. Thibault Bazin
Il existe un procès-verbal de recueil de l’enfant et un formulaire de consentement, voilà ce qui nous inquiète fortement. Nous ne sommes d’ailleurs pas les seuls à nous inquiéter : les sénateurs partagent notre sentiment. Chaque fois que nous vous faisons des remarques, vous nous promettez des amendements à venir, mais, monsieur le président, cette manière d’organiser nos débats est délicate : on nous invite à faire confiance au Gouvernement, mais étant donné le sujet, nous avons du mal à nous y résoudre.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État
Oh là là !
M. le président
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État
En effet, c’est en abordant cette question que nous nous sommes arrêtés hier soir.
M. Thibault Bazin
Et nous voulions continuer !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État
Ce que vous décrivez ne correspond ni à l’état du droit ni à la réalité des pratiques. Vous mentionnez à nouveau, comme hier, l’existence de deux documents, mais je vous invite à consulter le guide relatif aux enfants pupilles de l’État : le procès-verbal, présenté page 68, constitue un seul et même document, remis par les parents au moment de l’entrée de l’enfant dans le statut de pupille.
Mme Monique Limon, rapporteure
Voilà !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État
Page 70 du guide, le procès-verbal mentionne noir sur blanc que M. ou Mme Untel « ont expressément consenti à l’adoption de leur enfant ». Ce consentement, qui intervient au moment de la remise de l’enfant à l’ASE en vue de son entrée dans le statut de pupille, figure dans le procès-verbal. Cessez donc d’affirmer que nous supprimons le consentement des parents. C’est faux. Nous clarifions le droit. Comme Mme la rapporteure l’a bien expliqué, nous avons amélioré l’information des parents et donc les conditions de délivrance de leur consentement. C’est tout le sens de l’article 13, de l’amendement de votre collègue Xavier Breton que nous avons adopté hier, et de l’amendement no 254 du Gouvernement, qui permettra aux parents d’être encore plus pleinement conscients des conséquences de l’entrée dans le statut de pupille, dont je rappelle que c’est un statut protecteur pour l’enfant. (M. Hervé Berville applaudit.)
Je tiens ce document à votre disposition !
(L’amendement no 213 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 90.
M. Thibault Bazin
Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie pour votre proposition de me donner ce guide…
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État
De vous le prêter !
M. Thibault Bazin
Ah, me le prêter seulement…
M. Julien Aubert
Pourtant, le secrétaire d’État n’est pas prêteur ! (Sourires.)
M. Thibault Bazin
C’est vrai que, chez En marche, vous n’aimez pas trop la propriété, vous préférez le prêt.
S’agissant des alinéas 4 à 6, pour nous rassurer, je propose d’ajouter : « Dans ce cas, le ou les parents sont également invités à consentir eux-mêmes à l’adoption de l’enfant dans les conditions de l’article 348-3 du code civil, après avoir été informés que la décision de faire bénéficier l’enfant d’un projet d’adoption, la définition du projet d’adoption, simple ou plénière suivant les circonstances particulières à la situation de l’enfant, ainsi que le choix des adoptants éventuels sont assurés par le tuteur, avec l’accord du conseil de famille en application de l’article L. 225-1. Ces consentements sont portés sur le procès-verbal. » Une telle disposition serait de nature à rassurer tout le monde. L’amendement va dans le bon sens et semble même satisfaire le prochain amendement gouvernemental, que je vous invite à retirer.
M. Hervé Berville
Vous vous y croyez déjà !
M. Julien Aubert
Excusez-nous de faire votre boulot !
(L’amendement no 90, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 40.
Mme Emmanuelle Ménard
J’avoue que je ne suis pas non plus complètement convaincue. L’alinéa 4 me semble vraiment poser problème.
Le consentement à l’admission en qualité de pupille de l’État est bien d’une autre nature que le consentement à l’adoption : nous sommes d’accord sur ce point. Par le premier, les parents abandonnent à l’État la tutelle, c’est-à-dire l’autorité parentale jusqu’aux 18 ans de l’enfant, mais ils restent ses parents. Ils renoncent non à la filiation, seulement à l’autorité parentale. En la matière, l’article 376 du code civil prévoit qu’aucune renonciation ou cession portant sur l’autorité parentale ne peut avoir d’effet, à moins qu’elle résulte d’un jugement. Le consentement à l’adoption, lui, ne peut jamais être délégué, aux termes de l’article 377-3 du code civil. Ce n’est ni un transfert ni une renonciation à l’autorité parentale, c’est un consentement au changement de filiation de l’enfant, que l’adoption soit simple ou plénière. Il est impossible de priver les parents de ce droit strictement personnel sans porter une grave atteinte au respect de leur vie privée et familiale, garanti par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.
Avec votre réforme, avec la rédaction de l’article 13 que vous proposez, les parents, une fois qu’ils auront confié leur enfant à l’ASE, se verront dénier le droit d’exprimer leur consentement à l’adoption. C’est important car ces parents, qui se trouvent souvent dans des situations difficiles, comme vous pouvez l’imaginer, effectuent un acte très délicat. Or, d’une certaine manière, vous leur demandez d’abandonner leur enfant à l’État et non de consentir à l’adoption. Vous déniez à ces familles, qui n’agissent pas de gaîté de cœur, le droit de dire ce qu’elles veulent pour l’enfant. Vous leur laissez le côté négatif, si je puis dire, de la démarche, sans leur en octroyer la dimension positive, qui consiste à donner leur accord pour que l’enfant soit adopté.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Monique Limon, rapporteure
Défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État
Même avis. Tous les arguments ont déjà été exposés.
(L’amendement no 40 n’est pas adopté.)
M. le président
Les amendements identiques nos 39 de Mme Emmanuelle Ménard et 214 de M. Xavier Breton sont défendus.
(Les amendements identiques nos 39 et 214, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)
M. le président
L’amendement no 145 de Mme la rapporteure est rédactionnel.
(L’amendement no 145, accepté par le Gouvernement, est adopté ; en conséquence, l’amendement no 215 tombe.)
M. le président
Sur l’article 13, je suis saisi par le groupe Les Républicains d’une demande de scrutin public.
M. Julien Aubert
Parfaitement !
M. le président
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement no 254.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État
Pour clarifier toujours plus l’étendue du consentement des parents lorsqu’ils remettent leur enfant à l’ASE, afin qu’il soit admis dans le statut de pupille de l’État, et pour faire suite aux échanges que nous avons eus avec le député Hervé Berville, le Gouvernement propose le présent amendement. Il nous paraissait, en effet, important d’indiquer plus expressément encore que, lorsque les parents consentent à l’admission de leur enfant dans le statut de pupille de l’État, ce consentement emporte la possibilité, pour leur enfant, d’être adopté. De même, il me semblait indispensable de préciser, dans le procès-verbal signé par les parents, que l’admission de leur enfant dans le statut de pupille de l’État ouvre à l’enfant le droit d’être adopté si tel est son intérêt – c’est réaffirmé.
Une telle précision nous semble essentielle, d’abord pour les parents – le consentement, vous l’avez dit et nous vous rejoignons, est un acte fort d’un point de vue symbolique –, ensuite pour l’enfant. On en a assez peu parlé depuis le début de nos débats mais, dans le cadre d’une recherche future de ses origines, l’enfant pourra accéder à ce procès-verbal et, grâce au présent amendement, comprendre mieux encore que ses parents souhaitaient qu’il bénéficie d’une adoption.
C’est pourquoi l’amendement substitue, à l’alinéa 5, aux mots « s’agissant notamment de », les mots « ouvrant notamment », et qu’il en tire les conséquences à l’alinéa 6.
(L’amendement no 254, accepté par la commission, est adopté.)
M. le président
La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir l’amendement no 218.
M. Frédéric Reiss
Nous proposons de compléter l’alinéa 5 avec une phrase identique à celle introduite par la commission des lois du Sénat et adoptée en première lecture par la Haute Assemblée. Cette dernière avait estimé nécessaire de lever une ambiguïté en se fondant sur les jurisprudences de la Cour de cassation et de la CEDH, et en écoutant les avis concordant du Conseil national de la protection de l’enfance (CNPE), et du monde associatif dans sa diversité – les représentants des familles adoptantes rejoignant les analyses de ceux qui, à l’image d’ATD Quart Monde, accompagnent les familles vivant dans une extrême pauvreté.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Monique Limon, rapporteure
Défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État
Défavorable également.
M. le président
La parole est à M. Hervé Berville.
M. Hervé Berville
Je souhaite revenir à l’amendement du Gouvernement que nous venons d’adopter, car il traite d’un sujet essentiel. Tout le monde est guidé par des bonnes intentions, mais il était essentiel de lever toute ambiguïté et de clarifier les choses en distinguant le consentement à l’admission en qualité de pupille de l’État du consentement à l’adoption. Comme l’ont rappelé M. le secrétaire d’État et Mme la rapporteure, il n’y avait évidemment pas de volonté de supprimer le consentement à l’adoption des parents biologiques – ne faisons pas de faux procès. Même si le texte prévoyait déjà de nombreuses améliorations, il s’agissait de bien préciser les choses en la matière, parce que l’adoption n’est pas un acte anodin.
L’article 13 a pour objectif de clarifier les conditions d’admission dans le statut de pupille de l’État. Il faut en effet être clair : consentir à l’admission dans ce statut, ce n’est pas la même chose que de consentir formellement à l’adoption, quand bien même le consentement est éclairé. Je tenais à saluer les évolutions défendues par la rapporteure qui, comme M. le secrétaire d’État et ses services, a été à l’écoute pour faire en sorte qu’il soit désormais expressément indiqué que le consentement des parents ouvre la possibilité d’un projet d’adoption pour les enfants.
Je suis un enfant adopté. Cela ne me donne aucune légitimité ou crédibilité particulière, mais je mesure bien que, pour la recherche des origines, pour la construction de l’enfant et la compréhension de son histoire, être en mesure de savoir que les parents biologiques ont consenti en toute connaissance de cause à l’adoption et qu’ils ont exprimé ce choix est très important. Ce que nous venons de voter n’est pas seulement symbolique : cela permettra aux enfants qui souhaitent rechercher leurs origines d’avoir une meilleure connaissance de leur histoire.
(L’amendement no 218 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à Mme Marietta Karamanli, pour soutenir l’amendement no 50.
Mme Marietta Karamanli
L’article 13 est important, et nous proposons de compléter son dispositif par un amendement, suggéré par l’association ATD Quart Monde, qui vise à préserver un droit essentiel consacré par la Convention internationale des droits de l’enfant et par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales – ou Convention européenne des droits de l’homme.
L’adoption ne peut intervenir sans rechercher le consentement des parents. Ce principe est inscrit dans notre tradition juridique, puisque l’article 377-3 du code civil prévoit que « le droit de consentir à l’adoption n’est jamais délégué ». Il y va non seulement des droits fondamentaux reconnus aux parents, mais aussi de l’intérêt supérieur de l’enfant auquel nous nous référons depuis le début de l’examen du texte. Si toutefois ce consentement n’existait pas, une procédure judiciaire devrait être engagée afin de déterminer l’intérêt de l’enfant.
Je tenais également à rappeler que les textes internationaux et la jurisprudence, tant de la Cour européenne des droits de l’homme que de la Cour de cassation, rappellent constamment que le consentement à l’adoption du ou des parents ou encore du représentant légal de l’enfant, doit être recueilli régulièrement de manière éclairée, y compris après la naissance de l’enfant, pour que l’adoption puisse être prononcée. J’insiste sur cet amendement qui permettrait de compléter un dispositif dans lequel il manque un rappel très clair concernant le consentement des parents.
(L’amendement no 50, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir l’amendement no 216.
M. Frédéric Reiss
Pour assurer un consentement des parents à l’admission comme pupille de l’État en toute connaissance de cause, nous proposons de subordonner la validité du consentement donné à un entretien au cours duquel les parents seraient informés des mesures qui pourraient les aider à élever leurs enfants, des dispositifs d’accueil temporaire, alternatifs à la remise en vue de l’admission comme pupille de l’État, qu’ils peuvent solliciter, et de toutes les conséquences juridiques qui peuvent découler du statut de pupille de l’État. Pour garantir la sincérité du consentement, il est proposé de prévoir un véritable délai de réflexion d’au moins un mois, associé à la remise d’un dossier guide.
M. Maxime Minot
Bravo !
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Monique Limon, rapporteure
Nous avions donné un avis favorable à l’amendement n° 211 de M. Breton que nous préférons très nettement et qui a été adopté. C’est donc un avis défavorable.
(L’amendement no 216, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Julien Aubert, pour soutenir l’amendement no 217.
M. Julien Aubert
Vous avez choisi de remplacer le mot « abandonnés » par le mot « délaissés ». Cet amendement propose de revenir sur ce changement, parce que le mot « délaissement » renvoie juridiquement à la section 1 du chapitre VII du titre II du livre II du code pénal relative au délaissement de mineur : il s’agit d’une infraction pénale spécifique caractérisée par le fait de laisser l’enfant seul, sans s’assurer qu’il soit pris en charge par un tiers, avec l’élément intentionnel qu’il n’y ait pas d’esprit de retour. Il nous semble donc que le mot « abandonnés » serait beaucoup moins marquant, parce qu’il ne renvoie pas à cette infraction.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Monique Limon, rapporteure
Nous avons déjà évoqué ce sujet dans un article précédent. Depuis la loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant, on ne parle plus d’enfants « abandonnés » mais d’enfants « délaissés » judiciairement. L’avis sera donc défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État
Monsieur Aubert, vous qui faites toujours montre de rigueur juridique et légistique, vous confondez ici le code civil et le code pénal. Il s’agit effectivement de tirer toutes les conséquences du délaissement judiciaire qui a été instauré par la loi du 14 mars 2016. Avis défavorable.
M. le président
La parole est à M. Julien Aubert.
M. Julien Aubert
Votre argument, qui consiste à dire qu’il y a un mot dans le code civil et un autre dans le code pénal,…
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État
Ce n’est pas la même chose !
M. Julien Aubert
…que ce n’est pas grave et qu’on peut parler de « délaissement », me laisse un peu perplexe. Il y a certes plusieurs codes, mais il n’y a qu’un seul droit. Quand vous parlez de délaissement de mineur, vous faites référence à une infraction. Vous reprenez donc un terme qui est tiré d’une infraction pénale,…
Mme Monique Limon, rapporteure
Non, non !
M. Julien Aubert
…que vous utilisez désormais en matière civile. Je ne suis pas certain que cette confusion vous permettra d’atteindre votre objectif.
M. le président
La parole est à Mme Coralie Dubost.
Mme Coralie Dubost
Je voudrais simplement rassurer notre collègue. La procédure de délaissement existe déjà dans le code civil, indépendamment de la présente proposition de loi, et sans référence au code pénal. Il y a de cela plusieurs années, il a été décidé de ne plus utiliser le mot « abandon » précisément parce que c’était préférable pour les familles : non seulement pour les parents qui doivent faire ce choix, mais aussi pour l’enfant qui doit se construire. Il ne me semble pas opportun de revenir au mot « abandon » qui, d’une part, ne correspond plus à d’autres réalités de notre code civil et qui, d’autre part, abîme symboliquement beaucoup plus fortement les familles. Nous voterons donc contre l’amendement.
(L’amendement no 217 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Guillaume Chiche, pour soutenir l’amendement no 27.
M. Guillaume Chiche
Le présent amendement vise à rétablir le 3° de l’alinéa 11 afin que les parents consentent expressément à la remise de leur enfant auprès des services de l’ASE, mais qu’ils n’aient plus à consentir expressément à l’adoption de l’enfant devenu pupille de l’État. Nous connaissons tous des situations dans lesquelles des parents font obstacle à une procédure d’adoption. Ce choix doit revenir au conseil de famille. Il existe en France un outil absolument formidable qui s’appelle l’adoption simple, laquelle n’annihile pas la filiation biologique tout en permettant l’adoption.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Monique Limon, rapporteure
Pour toutes les raisons évoquées hier et rappelées au début de cette séance, l’avis est défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État
Nous en débattons depuis hier : c’est précisément tout le sens de l’article 13 que de satisfaire votre amendement. Je vous propose donc de le retirer.
(L’amendement no 27 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 41.
Mme Emmanuelle Ménard
Je suis étonnée de ce que j’entends. Le droit de consentir à l’adoption est un droit fondamental des parents,…
Mme Monique Limon, rapporteure
Oh là là !
Mme Emmanuelle Ménard
…qui ne peut absolument pas être transféré au conseil de famille, même si le choix de l’adoptant lui revient en dernier lieu. En supprimant le consentement à l’adoption, nous privons les parents d’un droit, ce qui ne me semble pas du tout souhaitable.
Votre rédaction modifie les articles 348-4 et 348-5 du code civil, pour tenir compte de la nouvelle procédure selon laquelle les parents qui consentiront à l’admission de leur enfant dans le statut de pupille de l’État en le remettant au service de l’ASE n’auraient plus à consentir à l’adoption par la suite. Ce consentement serait en effet donné par le conseil de famille des pupilles de l’État.
Par conséquent, la possibilité pour les parents de consentir expressément à l’adoption de l’enfant en le remettant à un organisme autorisé pour l’adoption disparaît. Or il ne paraît absolument pas pertinent de faire disparaître ces organismes pour de multiples raisons que nous avons déjà détaillées hier. Ces organismes peu nombreux jouent un rôle essentiel pour permettre notamment l’adoption d’enfants handicapés – nous en avons longuement parlé –, ou pour accompagner les femmes enceintes dans leur démarche. Ils ont parfois pour effet de les faire changer d’avis et certaines d’entre elles choisissent alors de garder leur enfant. Encore une fois, la rédaction de l’article 13 restreint le choix des familles et les contraint à consentir à l’admission de l’enfant dans le statut de pupille de l’État comme à la possibilité d’une adoption. J’insiste bien : elles n’ont pas alors la certitude d’une adoption, contrairement à ce que prévoit la procédure des organismes autorisés pour l’adoption qui, d’un point de vue juridique, permet de confier l’enfant pour l’adoption, avec un taux d’adoption de quasiment 100 %.
Il s’agit malheureusement de l’un des points du texte qui crispe le plus, parce qu’il prive les familles de la liberté de choisir entre l’ASE et les organismes autorisés pour l’adoption. La solution que vous avez retenue me semble plus pénalisante pour les familles.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Monique Limon, rapporteure
Nous avons déjà eu le débat : l’avis est défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État
Même avis.
M. le président
La parole est à Mme Coralie Dubost.
Mme Coralie Dubost
Avant d’en venir au vote de l’article 13, j’aimerais rappeler deux choses. Cet article est important parce qu’il clarifie une situation malheureusement quelque peu douteuse dans notre droit. Jusqu’à présent, les parents ayant décidé de remettre leur enfant en tant que pupille de l’État sont invités à consentir à la possibilité d’une adoption, et non à l’adoption elle-même ou à un projet d’adoption déterminé. De plus, depuis 1966, l’article 349 du code civil dispose expressément que, lorsque des parents qui ont laissé un enfant comme pupille de l’État ne consentent pas à une adoption, le conseil de famille peut tout de même décider à leur place de l’adoption. C’est une hypocrisie juridique à laquelle nous mettons fin.
Dans la proposition de loi, il y a au contraire quelque chose de très clair et de beaucoup plus respectueux pour les familles qui font ce choix, mais aussi pour les enfants qui entrent dans le statut de pupille de l’État et qui, un jour, seront peut-être enfin adoptés, auront un foyer, et rechercheront leurs origines. Ils auront alors besoin d’un récit et ils pourront savoir qu’il n’y a pas eu d’ambiguïté. C’est infiniment plus respectueux de la part de l’État. C’est la raison pour laquelle les contre-vérités de l’amendement de Mme Ménard ne seront bien évidemment pas votées par le groupe La République en marche, lequel votera en revanche l’article 13 avec fierté. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
Mme Monique Limon, rapporteure
Bravo !
(L’amendement no 41 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix l’article 13.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 80
Nombre de suffrages exprimés 79
Majorité absolue 40
Pour l’adoption 62
Contre 17
(L’article 13, amendé, est adopté.)
Article 14
M. le président
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 91 et 126.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 91.
M. Thibault Bazin
Il vise à revenir à la version adoptée au Sénat. Nous arrivons à la fin de ce texte. Le Sénat, dans sa grande sagesse, avait apporté des améliorations et, à l’exception d’une seule, vous les avez toutes balayées d’un revers de main, ce qui est profondément regrettable.
La version du Sénat, sur cet article 14, vise à supprimer les nouvelles règles de composition du conseil de famille pour s’en tenir au droit existant, en y apportant toutefois une coordination pour remplacer les mots « assistants maternels » par les mots « assistants familiaux », qui correspondent à la terminologie actuelle. Il vise également à intégrer l’obligation de formation avant la prise de fonction des membres des conseils de famille à l’actuel article L. 224-2 du code de l’action sociale et des familles, ce qui s’inscrit d’ailleurs dans la suite des amendements que nous avons adoptés hier, sous-amendés par la rapporteure.
Enfin, il tend à conserver la création d’une procédure spécifique de recours contre les décisions du conseil de famille qui a le mérite de la clarté, tout en la réservant au tuteur et aux membres du conseil de famille des pupilles de l’État : serait ainsi adoptée une nouvelle rédaction de l’article L. 224-3, qui se contente actuellement d’un renvoi au régime de la tutelle de droit commun et manque d’intelligibilité.
M. le président
L’amendement no 126 de M. Xavier Breton a été défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Monique Limon, rapporteure
Vous souhaitez rétablir l’article 14 dans la version adoptée par le Sénat. Cela conduirait à revenir sur deux amendements que j’ai présentés en commission et qui ont été adoptés : le premier sur la composition du conseil de famille et le second sur l’ouverture d’une voie de recours à l’encontre des décisions du conseil de famille en faveur des personnes à qui le service de l’aide sociale à l’enfance a confié un pupille de l’État pour en assurer la garde et qui souhaitent l’adopter. Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État
Défavorable.
M. le président
La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault Bazin
Monsieur le secrétaire d’État, je vous ai parlé hier des réserves émises par le Conseil national pour la protection de l’enfance,…
Mme Monique Limon, rapporteure
Cela faisait longtemps !
M. Thibault Bazin
…placé auprès du Premier ministre : c’est inquiétant car il analyse les évolutions que vous proposez comme un affaiblissement du rôle du préfet, représentant légal du pupille et garant de la loi. Les associations familiales estiment, par ailleurs, que ces dispositions ajoutent de la confusion dans le rôle de représentant légal de l’enfant exercé par le tuteur et priveraient les conseils de famille de personnes qualifiées, susceptibles d’aider à la définition du projet de vie des pupilles, au profit de personnes sensibilisées telles que vous les avez imaginées. Le Défenseur des droits, pour sa part, relève le caractère secondaire de cette modification.
Il faut prendre en considération les avis des parties prenantes, surtout des experts. Je sais qu’il y a une autre loi sur la protection de l’enfance mais il faut conjuguer le tout dans une vision globale et c’est le sens de ces amendements qui demandent d’en revenir à la version adoptée au Sénat.
M. le président
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État
Quels sont les grands objectifs de cet article sur les conseils de famille ? Tout d’abord, nous souhaitons renforcer les règles déontologiques ayant cours au sein de ces conseils.
M. Thibault Bazin
C’est bien !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État
La très grande majorité des conseils de famille ne posent pas de problèmes mais vous vous souvenez d’une affaire, il y a trois ans, en Seine-Maritime, qui m’avait conduit à saisir l’IGAS – Inspection générale des affaires sociales –, dont le rapport avait estimé qu’il n’y avait pas de discrimination d’ordre systémique dans le fonctionnement des conseils de famille à l’égard, en l’occurrence, des couples homosexuels, mais qu’il était nécessaire de renforcer la déontologie au sein de ces conseils. C’est ce qui m’a conduit à saisir le CNPE, que vous citez souvent, ainsi que le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) sur ces sujets.
L’un comme l’autre m’ont remis un avis, dont j’ai appliqué les mesures, notamment par l’édiction d’une charte d’éthique signée par l’ensemble des préfets avec l’ensemble des conseils de famille pour rappeler les grands principes fondamentaux de notre droit. L’objectif de l’article 14 est d’inscrire dans la loi ces principes, notamment la recommandation du CCNE.
De même, cet article instaure une formation renforcée des membres du conseil de famille sur ces questions, afin de s’assurer qu’il n’y ait pas de pratiques discriminatoires au sein des conseils.
En outre, demain sera désignée au sein de ces conseils une personnalité qualifiée ayant des compétences en matière de déontologie, d’éthique, de non-discrimination pour, non pas réduire, non pas opposer, mais bien enrichir ce regard déjà pluriel au sein des conseils de famille quand il y a examen de projets d’adoption et de projets pour l’enfant.
Enfin, par l’amendement de la rapporteure, il s’agit d’ouvrir un recours aux personnes à qui le service de l’ASE a confié un pupille de l’État pour en assurer la garde et qui souhaite l’adopter. Voilà le sens de cet article, qui modernise le fonctionnement des conseils de famille. C’est la raison de l’avis défavorable du Gouvernement.
(Les amendements identiques nos 91 et 126 ne sont pas adoptés.)
M. le président
La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir les amendements nos 219 et 220, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
M. Frédéric Reiss
Partout, monsieur le secrétaire d’État, la diversité française doit jaillir, resplendir, scintiller et, sur nos écrans, on parle de la pluralité de la France et de ses habitants, mais faut-il, dans le cadre de l’adoption, mentionner que les décisions doivent concourir à la représentation de la diversité des familles ? Pour nous, ce qui compte, c’est l’intérêt supérieur de l’enfant. D’où ces amendements.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Monique Limon, rapporteure
Vous proposez de supprimer le critère de la représentation de la diversité des familles dans le choix des représentants des associations au sein des conseils de famille. Je pense au contraire qu’il est important de prendre en considération la diversité des familles pour garantir une bonne représentation dans les conseils de famille. Avis défavorable aux deux amendements.
(Les amendements nos 219 et 220, repoussés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
M. le président
La parole est à M. Guillaume Chiche, pour soutenir l’amendement no 19.
M. Guillaume Chiche
Le présent amendement prévoit d’intégrer au sein des conseils de famille un représentant du Défenseur des droits et un suppléant désigné par le Défenseur des droits, conformément au texte adopté en première lecture par le Sénat.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Monique Limon, rapporteure
L’article tel qu’il est rédigé répond tout à fait à vos préoccupations. Ce sera donc une demande de retrait, sinon avis défavorable.
(L’amendement no 19, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir les amendements nos 223, 221, 222 et 224, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
M. Frédéric Reiss
Ces amendements précisent la formation préalable des conseils de famille.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Monique Limon, rapporteure
Le texte que la commission a adopté prévoit qu’à chaque renouvellement d’un conseil de famille des pupilles de l’État, les membres nouvellement nommés bénéficient d’une formation préalable à leur prise de fonction et ces conditions seront définies par décret. Il n’est donc pas utile de préciser dans la loi le contenu de la formation puisqu’un décret sera pris. Le champ possible de la formation est large, comme le démontre le grand nombre d’amendements que vous avez déposés sur le sujet. Il est donc plus adéquat que le contenu soit fixé par décret. Avis défavorable.
(Les amendements nos 223, 221, 222 et 224, repoussés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
M. le président
L’amendement no 147 de la rapporteure est rédactionnel.
(L’amendement no 147, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
M. le président
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 153.
Mme Emmanuelle Ménard
Il vise à intégrer le fait que les conseils de famille reçoivent également les dossiers des enfants adoptables mais pour lesquels une famille n’a pu être trouvée dans le département d’origine et qui pourraient être adoptés dans le département d’examen.
Dans votre discours de présentation de la stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance du 14 octobre 2019, monsieur le secrétaire d’État, vous avez rappelé que 49 % des enfants pupilles pour lesquels le projet de vie est un projet d’adoption n’ont pas été adoptés, le conseil de famille n’ayant pas réussi à leur trouver une famille. Ces enfants sont plus de 1 000 en France. Vous avez également rappelé que 14 000 familles disposaient en même temps d’un agrément en vue d’une adoption. On voit donc qu’il y a un plus grand nombre de familles qui cherchent à adopter que d’enfants à adopter.
Le caractère départemental du processus d’adoption peut, en partie, expliquer l’échec de l’adoption pour ces enfants qui restent, pardonnez-moi l’expression, sur le carreau. Vous avez donc préconisé la mise en place d’un outil de pilotage national de manière que les départements puissent se coordonner et il me semble que cette mesure, qui est bonne, manque dans la proposition de loi, en particulier pour ces enfants qui n’ont pu être adoptés. Je vous propose par conséquent la création d’une commission nationale qui regrouperait les dossiers des enfants qui n’ont pas pu trouver de famille afin de pouvoir effectuer des recherches sur l’intégralité du territoire national.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Monique Limon, rapporteure
Cet amendement relève plutôt du projet de loi sur la protection des enfants. Je laisse le Gouvernement s’exprimer mais je donne dès à présent un avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État
Comme je m’évertue à dire ce que je fais et à faire ce que je dis, je peux vous affirmer que l’annonce que j’avais faite est prévue dans le cadre du projet de loi sur la protection des enfants, et ce à deux titres au moins. D’une part, nous avons donné mission à l’Agence française de l’adoption (AFA), compétente pour l’adoption nationale, d’apporter son soutien aux départements. L’expérimentation qui a eu cours dans vingt-cinq départements est élargie, dès à présent, à l’ensemble du territoire : c’est dans le projet de loi. D’autre part, figure également dans ce dernier texte une base nationale des agréments, dont nous confions la gestion à l’agence et qui permettra de faire se rencontrer des projets d’adoption.
Cela ne suffira pas, notamment pour les enfants à besoins spécifiques, qu’ils soient en situation de handicap ou plus âgés. Cela passe par la pratique professionnelle. J’ai eu l’occasion, en première lecture, d’évoquer un déplacement avec Monique Limon et la sénatrice Corinne Imbert dans le Pas-de-Calais, un de ces déplacements qui marquent dans un mandat. Il y a une quinzaine d’années, le psychologue de l’ASE avait décidé que le département investirait dans les besoins spécifiques. Il a développé une méthode pour accompagner les parents souhaitant adopter dans un cheminement qui pourrait les conduire à adopter des enfants à besoins spécifiques. Nous avions discuté avec des parents, deux couples. Les uns avaient adopté un enfant autiste sévère, avec de la déficience mentale, les autres un enfant paraplégique, des handicaps assez lourds, comme on dit. C’étaient les plus heureux des parents. Ce n’était pas facile mais ce n’est jamais facile d’être parent pour quiconque, je crois. Ces cas nécessitent un accompagnement après l’adoption, mais il en est de même quand on adopte un enfant sans besoins spécifiques.
Il sera nécessaire de prendre en considération ce type de démarche : il faut un partage d’expériences entre les différents services de l’ASE. Le fait d’avoir créé ce nouveau groupement d’intérêt public (GIP), où se trouve l’Agence française de l’adoption, et de lui avoir donné une compétence nationale et d’appui en matière d’adoption auprès des départements, favorisera les échanges de bonnes pratiques et permettra que la démarche que nous avons observée dans le Pas-de-Calais se diffuse le plus largement possible. Cela concourra à l’adoption plus large d’enfants aux besoins spécifiques, notamment des enfants en situation de handicap.
(L’amendement no 153 n’est pas adopté.)
M. le président
L’amendement no 26 de M. Guillaume Chiche est défendu.
(L’amendement no 26, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir l’amendement no 225.
M. Frédéric Reiss
Mon collègue Xavier Breton propose de supprimer l’alinéa 23 de l’article 14, relatif à la composition du conseil de famille. En effet, cet alinéa ne précise pas le point de départ du délai de recours, contrairement à l’article 1241 du code de la procédure civile. L’alinéa prévoit, en outre, un recours devant le tribunal judiciaire alors que l’appel contre les délibérations du conseil de famille doit être porté devant la cour d’appel depuis l’entrée en vigueur du décret du 23 décembre 2009. Pour ces deux raisons, il convient de supprimer l’alinéa 23.
(L’amendement no 225, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président
L’amendement no 146 de Mme la rapporteure est un amendement de coordination.
(L’amendement no 146, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
M. le président
L’amendement no 226 de M. Xavier Breton est défendu.
(L’amendement no 226, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
(L’article 14, amendé, est adopté.)
Article 15
(L’article 15 est adopté.)
Article 17
M. le président
La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir l’amendement no 227.
M. Frédéric Reiss
Il propose de rédiger ainsi la première phrase du deuxième alinéa de l’article 17 : « La tutelle est déclarée vacante à la demande de l’aide sociale à l’enfance, d’un établissement de soins ou de particuliers, lorsque nul n’est en mesure d’assumer la charge de la tutelle ».
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Monique Limon, rapporteure
La proposition de loi prévoit que « la tutelle est déclarée vacante s’il est impossible de mettre en place une tutelle avec un conseil de famille ou d’admettre l’enfant en qualité de pupille de l’État ». Ces critères sont objectifs et aisés à constater, notamment lorsqu’il n’y a pas suffisamment de proches de l’enfant pour désigner les organes de la tutelle ou lorsque les critères d’admission en qualité de pupille de l’État ne sont pas réunis.
L’amendement propose de préciser que la tutelle est déclarée vacante à la demande de l’aide sociale à l’enfance, d’un établissement de soins ou de particuliers lorsque nul n’est en mesure d’assumer la charge de la tutelle. Les critères de la proposition de loi sont plus objectifs et donc plus opérationnels. J’ajoute que le critère que vous proposez ne pourrait jamais totalement être vérifié en pratique. Il n’est pas possible, en effet, de constater que nul n’est en mesure d’assumer la charge de la tutelle, ce qui est d’ailleurs contradictoire avec le fait que celle-ci soit alors exercée par le département. Je vous invite à retirer l’amendement. À défaut, mon avis sera défavorable.
(L’amendement no 227, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à Mme Josiane Corneloup, pour soutenir l’amendement no 228.
Mme Josiane Corneloup
Cet amendement, déposé à l’initiative de notre collègue Xavier Breton, vise à supprimer le troisième alinéa de l’article 17. Dès lors que l’enfant relève d’un autre statut, la tutelle départementale cesse obligatoirement.
(L’amendement no 228, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
(L’article 17 est adopté.)
Article 17 bis
M. le président
La parole est à Mme Josiane Corneloup, pour soutenir l’amendement no 229.
Mme Josiane Corneloup
Le deuxième alinéa de l’article 17 bis supprime l’obligation, pour le deuxième membre du couple, de prendre un minimum de vingt-cinq jours de congé d’adoption. Dans la mesure où un retour précipité au travail de l’un ou des deux parents après l’arrivée de l’enfant est préjudiciable à la création du lien avec celui-ci – lien que les spécialistes considèrent comme essentiel pour son développement futur –, cette mesure ne va pas dans le sens de l’intérêt de l’enfant. Il faut donc la supprimer.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Monique Limon, rapporteure
Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État
Je rappelle que la majorité a allongé la durée du congé d’adoption dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021. Cette durée est désormais passée à seize semaines.
Le deuxième alinéa de l’article 17 bis propose de supprimer la durée minimale d’arrêt de vingt-cinq jours alors que cet amendement vise, au contraire, à la conserver. En réalité, cette durée n’est pas cohérente : elle est plus longue que celle applicable au congé de paternité et d’accueil de l’enfant, qui est de sept jours. Elle pose aussi une difficulté de principe puisqu’elle ne peut pas se justifier par la protection de la santé de la mère comme pour le congé maternité et, indirectement, pour le congé de paternité et d’accueil de l’enfant.
Il me semble donc préférable de supprimer cette durée et de laisser davantage de souplesse aux parents pour prendre le congé d’adoption, dont la durée est, je le rappelle, de seize semaines désormais.
(L’amendement no 229 n’est pas adopté.)
(L’article 17 bis est adopté.)
M. le président
Sur l’ensemble de la proposition de loi, je suis saisi par le groupe La République en marche d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Article 19
(L’article 19 est adopté.)
Titre
M. le président
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 93 et 230.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 93.
M. Thibault Bazin
Comme le Sénat, je propose de mettre en cohérence l’intitulé de la proposition de loi avec son contenu. Le texte ne contient pas une réforme de l’adoption à proprement parler, mais un ensemble de modifications ponctuelles et de mesures disparates, dont certaines vont dans le bon sens et d’autres non. J’espère que la proposition de loi pourra encore évoluer. En tout état de cause, je vous propose de rectifier…
M. Hervé Berville
Le tir !
M. Thibault Bazin
…le titre du texte pour qu’il corresponde à la réalité de son contenu.
M. le président
L’amendement no 230 de M. Xavier Breton est défendu.
Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements identiques ?
Mme Monique Limon, rapporteure
La proposition de loi issue de nos travaux permettra une réelle réforme de l’adoption avec l’ouverture de l’adoption à tous les couples, l’élargissement des cas d’adoption plénière ou le renforcement des garanties en matière d’adoption internationale. Je suis donc défavorable au rétablissement du titre choisi par le Sénat.
(Les amendements identiques nos 93 et 230, repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)
Explications de vote
M. le président
Dans les explications de vote, la parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault Bazin (LR)
Je serai bref, monsieur le président, car je sens bien que vous voulez aller vite (Sourires), mais l’adoption est un sujet important !
Alors que nous achevons la deuxième lecture de ce texte, nous ne pouvons que regretter une nouvelle fois, monsieur le secrétaire d’État, qu’il ne s’agisse pas d’un projet de loi, mais d’une proposition de loi.
M. Hervé Berville
Quel respect pour nos amendements ! Belle tartufferie !
M. Thibault Bazin
En effet, ce texte concerne les personnes les plus vulnérables de notre société : les enfants, en particulier les enfants séparés de leurs parents biologiques pour une raison ou pour une autre.
Nous regrettons également l’absence d’un avis du Conseil d’État sur cette proposition de loi traitant du droit de la filiation, ce qui nous empêche de mesurer pleinement les conséquences de certains articles.
Nous regrettons, enfin, le soin que vous avez pris à détricoter quasiment toutes les améliorations apportées par le Sénat, qui partageait pourtant notre souhait de sécuriser la situation de l’enfant. Si nous approuvons les objectifs affichés par la proposition de loi, nous considérons que les mesures qu’elle contient ne sont pas toutes en adéquation avec ces objectifs.
Vous ne semblez pas non plus avoir pris en considération les réserves émises par le Conseil national de la protection de l’enfance dans son avis de septembre dernier. Vous refusez ainsi de faire valoir l’intérêt supérieur de l’enfant.
Par ailleurs, vous restreignez considérablement l’intervention des organismes autorisés pour l’adoption, dont l’efficacité est pourtant reconnue de tous.
Le temps qui m’est imparti ne me permet pas d’énumérer toutes nos inquiétudes,…
M. Hervé Berville
Ce n’est pas vrai !
M. Thibault Bazin
…mais les arguments que je viens d’exposer expliquent que nous ne pourrons pas soutenir ce texte, qui n’apporte pas la sécurité souhaitée aux enfants adoptés et aucune des garanties juridiques nécessaires à la protection de l’enfant.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État
Vous n’avez rien écouté !
M. Hervé Berville
C’est décevant !
M. Thibault Bazin
Comme nos collègues sénateurs, nous jugeons ce texte décevant et nous déplorons l’absence d’une vision globale. Soyons lucides : toutes les difficultés de l’adoption ne seront pas résolues avec la proposition de loi, car elles exigent une évolution des pratiques. Or, dans ce domaine, il reste beaucoup à faire.
Permettez-moi, pour conclure, de citer Muriel Jourda, rapporteure de la commission des lois du Sénat :…
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État
Ah !
M. Thibault Bazin
…« Il me semble […] qu’il faut travailler sur ce que j’appellerai l’impensé de ce texte, c’est-à-dire les échecs de l’adoption – ils existent. Tant que nous ne travaillerons pas sur ces échecs, nous ne travaillerons pas dans l’intérêt de l’enfant. »
M. le président
La parole est à M. Benoit Simian.
M. Benoit Simian (LT)
Le groupe Libertés et territoires est fier de soutenir ce texte qui réforme l’adoption.
M. Hervé Berville
Très bien !
M. Benoit Simian
Nous vous remercions, madame la rapporteure, pour cette proposition de loi courageuse,…
M. Hervé Berville
Excellente !
M. Benoit Simian
…qui démontre que les rapports parlementaires ne finissent pas toujours sur les étagères.
M. Hervé Berville
Voilà !
M. Benoit Simian
Le rapport que vous avez rédigé en 2019 avec la sénatrice Corinne Imbert, intitulé « Vers une éthique de l’adoption, donner une famille à un enfant », a permis d’avancer dans le bon sens. Le texte sur lequel nous allons nous prononcer dans quelques instants protège l’intérêt de l’enfant et, pour reprendre le titre de votre rapport, permettra de donner une famille à de nombreux enfants.
Reste que le travail doit se poursuivre afin de renforcer la protection des jeunes pris en charge par l’ASE. Vous le savez bien, monsieur le secrétaire d’État, car vous vous êtes rendu au centre départemental de l’enfance et de la famille d’Eysines, en Gironde. Nous savons que nous pouvons compter sur votre soutien !
M. Hervé Berville
Très bien !
M. le président
La parole est à Mme Coralie Dubost.
Mme Coralie Dubost (LaREM)
Contrairement aux députés Les Républicains, les députés de la majorité présidentielle sont très fiers des textes proposés par les parlementaires et enrichis par le Gouvernement ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
M. Hervé Berville
Eh oui !
M. Fabien Di Filippo
Vous êtes fiers d’être des amateurs !
Mme Coralie Dubost
Nous félicitons chaleureusement notre rapporteure, Monique Limon, pour son travail, ainsi, évidemment, que la sénatrice Corinne Imbert. (Mêmes mouvements.) Grâce à notre travail collectif et grâce à ce texte, les enfants privés de famille pourront demain trouver un foyer plus facilement, car nous avons levé le verrou idéologique. Désormais, c’est la qualité du projet parental, la qualité du cadre offert à l’enfant tout au long de sa vie, qui permettra l’adoption, indépendamment de tout prérequis idéologique. Cette avancée sociale était indispensable pour tous les enfants en attente d’une adoption, auxquels nous pensons ce soir. Merci, madame la rapporteure, merci, monsieur le secrétaire d’État, pour ce grand texte, que nous soutiendrons avec fierté ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
M. Fabien Di Filippo
C’est de l’autosatisfaction !
M. le président
La parole est à Mme Yolaine de Courson.
Mme Yolaine de Courson (Dem)
Le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés salue la qualité du travail de longue haleine fourni par la rapporteure Monique Limon. En dépit de la loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant, l’institution de l’adoption est aujourd’hui dans un état préoccupant et a besoin d’être réformée. Cette proposition de loi fait donc naître bien des espoirs et permettra de faciliter et de sécuriser l’adoption dans l’intérêt exclusif de l’enfant. Un trop grand nombre de mineurs protégés restent aujourd’hui placés en établissement ou en famille d’accueil sans pouvoir bénéficier de la stabilité nécessaire à leur développement.
Nos discussions ont conduit à de nombreuses modifications du texte et permis des apports intéressants, tant sur la forme que le fond. Si nous regrettons évidemment l’échec de la commission mixte paritaire (CMP) sur cette proposition de loi vivement attendue par les associations, les familles et les enfants un an après sa première adoption par l’Assemblée nationale, le mérite de la démocratie est précisément de permettre un débat apaisé et constructif sur un sujet qui engage notre conception de la famille et, au fond, notre conception de la société.
Comme le rappelait hier notre collègue Élodie Jacquier-Laforge, votre texte, madame Limon, s’inscrit pleinement dans le projet sociétal défendu par notre majorité depuis près de cinq ans. Il prend en considération l’évolution de la société en adaptant le droit aux mœurs, plutôt que l’inverse. Ainsi, la sécurisation de l’ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes constitue une indéniable avancée, qui ne peut être que saluée.
Nos débats ont aussi permis de rassurer et d’éclairer ceux qui, au sein même du groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés, avaient des doutes au sujet de l’évolution du rôle des organismes autorisés pour l’adoption.
Pour conclure, notre groupe votera en faveur de la proposition de loi avec enthousiasme. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem et sur les bancs du groupe LaREM.)
M. le président
La parole est à Mme Marietta Karamanli.
Mme Marietta Karamanli (SOC)
Parce que nous voulons nous aussi protéger l’intérêt de l’enfant dans l’adoption et aider les enfants qui en sont privés à trouver une famille, parce que nous croyons qu’il faut valoriser davantage l’adoption simple et la déconnecter du statut patrimonial de l’adoptant pour l’autoriser en cas de pacs ou de concubinage, parce que le texte revient sur la différence de traitement qui existait jusque-là entre les couples hétérosexuels et les couples homosexuels, mariés ou non mariés, ce qui représente une véritable avancée, nous soutiendrons la proposition de loi.
Même si nous regrettons le caractère automatique de la disposition introduite à l’article 13, qui fait que le consentement initial des parents à l’admission de leur enfant dans le statut de pupille de l’État, lorsqu’ils le remettent au service de l’aide sociale à l’enfance, équivaut à consentir à une potentielle adoption ultérieure – nous souhaitons encore pouvoir faire évoluer ce point –, le groupe Socialistes et apparentés soutient le texte et votera pour. (M. Hervé Berville applaudit.) Nous espérons qu’à l’avenir, il sera de nouveau possible de travailler comme nous venons de le faire, c’est-à-dire sur le fond,…
M. Fabien Di Filippo
Bien sûr !
Mme Marietta Karamanli
…même si, monsieur le secrétaire d’État, nous n’affectionnons guère les procédures accélérées. Malgré cela, le texte a été examiné en première lecture il y a déjà près d’un an : nous aurions pu aller plus vite ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes SOC et LaREM.)
M. le président
La parole est à Mme Agnès Thill.
Mme Agnès Thill (UDI-I)
Le groupe UDI et indépendants regrette évidemment que les avancées réalisées au Sénat n’aient pas été prises en compte. L’objectif du texte est louable et sa raison d’être l’est tout autant, mais, au fil de son examen, il est devenu plus politique qu’il ne l’était à l’origine. Par conséquent, l’intérêt de l’enfant y est parfois un peu moins visible que celui des adultes, et la majorité des membres de notre groupe s’abstiendra.
Vote sur l’ensemble
M. le président
Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 107
Nombre de suffrages exprimés 100
Majorité absolue 51
Pour l’adoption 87
Contre 13
(La proposition de loi est adoptée.)
(Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
3. Contrôle parental de l’accès à internet
Discussion, après engagement de la procédure accélérée, d’une proposition de loi
M. le président
L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à encourager l’usage du contrôle parental sur certains équipements et services vendus en France et permettant d’accéder à internet (nos 4646, 4893).
Présentation
M. le président
La parole est à M. Bruno Studer, président et rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.
M. Bruno Studer, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation
Nous voici réunis presque deux ans après la première expérience de la loi « enfants youtubeurs », qui vise à encadrer l’exploitation commerciale de l’image d’enfants de moins de 16 ans sur les plateformes en ligne. Le présent texte s’inscrit dans un travail de longue haleine, mené par notre commission ainsi que celle des lois, notamment, mais aussi sur l’ensemble des bancs de l’Assemblée, s’agissant des rapports du jeune public aux nouveaux usages permis par le développement du numérique.
La proposition de loi poursuit les objectifs de protection des enfants et de responsabilisation des parents qui avaient déjà prévalu lors de l’examen de la loi sur les enfants youtubeurs. Le constat est simple : les enfants sont de plus en plus nombreux à aller sur internet et ils y vont de plus en plus, de plus en plus tôt et partout.
M. Maxime Minot
Eh oui !
M. Bruno Studer, rapporteur
Ils y vont partout, en effet, mais la loi, elle – pardonnez-moi ce jeu de mots – ne permet pas tout : le texte que nous nous apprêtons à examiner a une visée préventive et il ne peut pas tout. Par exemple – je l’ai dit en commission –, il ne peut pas dire aux parents qu’il ne faut pas laisser un enfant dans sa chambre toute la nuit avec un téléphone connecté à internet. Non, la loi ne peut pas dire cela ; en revanche, elle peut apporter des outils nécessaires pour faciliter aux parents l’exercice de leur responsabilité.
Je l’ai dit : les enfants vont de plus en plus sur internet, de plus en plus jeunes, tout le temps et partout. Ils peuvent donc avoir une vie numérique. Mais leurs parents doivent être là pour les protéger des éventuels dangers que les services numériques peuvent représenter : accès à des contenus pornographiques, ultraviolence, cyberharcèlement, jeux d’argent, consommation de stupéfiants, haine en ligne et contacts avec des inconnus potentiellement malveillants, entre autres.
Vous le savez, car je l’ai dit à maintes et maintes reprises : il n’est ici pas question de diaboliser les usages numériques, dont on sait qu’ils sont désormais consubstantiels au vécu des jeunes générations et qu’ils sont constitutifs, par ailleurs, d’une rupture technologique qui profite à la société dans son ensemble. Ce que nous voulons, c’est nous assurer que les risques auxquels les mineurs sont exposés soient raisonnablement couverts.
Il ne faut pas diaboliser le numérique, certes, mais chacun, mesdames et messieurs, doit tout de même prendre conscience de la situation : de même qu’on ne pose pas, je crois, un magazine pornographique sur la table basse de son salon, on ne donne pas un équipement dépourvu de contrôle parental à un enfant de 6 ans. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.) Sur internet, on trouve le pire et le meilleur, et il faut toujours se donner les moyens d’utiliser le meilleur et d’éviter le pire.
J’ai donc entamé, dans la continuité de l’impulsion donnée par le Président de la République il y a bientôt deux ans, un travail de longue haleine sur le contrôle parental et les moyens d’en développer l’usage. Initialement, j’en envisageais l’activation par défaut ; mais au fur et à mesure des auditions que nous avons menées et des échanges que nous avons eus avec MM. les secrétaires d’État, nous en sommes arrivés à proposer les solutions présentes dans ce texte.
La proposition de loi prévoit donc d’interdire à tout fabricant d’un objet permettant de se connecter à internet et d’accéder à des contenus ou à des services susceptibles de porter préjudice à nos enfants de commercialiser de tels objets sans avoir préinstallé sur l’appareil un outil de contrôle parental, dont l’activation doit être systématiquement proposée lors de la mise en service dudit appareil.
Nul parent ne pourra échapper à un message lui demandant s’il souhaite activer le contrôle parental. Tous devront donc nécessairement se poser la question et, pour ceux qui souhaiteront recourir à ce type de dispositif, la démarche sera largement simplifiée ; en effet, si ceux qui veulent l’utiliser sont aujourd’hui minoritaires, c’est largement du fait d’une démarche trop complexe, que ce soit en matière d’accessibilité ou de manipulation des outils. Pour le dire autrement, au cours du parcours utilisateur, on ne pourra plus échapper à la question : « Êtes-vous certain de ne pas vouloir équiper cet appareil, que vous allez confier à votre enfant, d’un contrôle parental ? »
La proposition de loi ne répond pas à un défi technologique, mais à un défi humain ; elle n’est pas un pari technologique, mais un pari humain. Elle a vocation à faire œuvre de prévention en généralisant les messages aux parents. Il ne s’agit pas d’empiéter sur le droit à la vie privée des enfants ni de basculer dans un contrôle absolu ou une surveillance permanente, mais bien d’inciter les parents à utiliser les dispositifs de contrôle parental et, à mesure que l’enfant grandit, de passer du contrôle – qu’il faut assumer s’agissant des plus jeunes – à un dialogue familial. En effet, l’enfant qui grandit va immanquablement demander à ses parents de désactiver le contrôle parental.
C’est bien là l’esprit de la loi, mes chers collègues : elle vise à accompagner le passage du contrôle parental au dialogue familial. Ce faisant, nous devons prendre acte du fait que notre société est numérique, dans toutes ses dimensions, et que la sexualité des enfants à l’ère du numérique sera fondamentalement différente de celle des personnes qui ont grandi dans une société qui n’était pas numérique. Nous devons donc aider les parents.
Il ne faut pas non plus que nous soyons naïfs au sujet des compétences technologiques de nos enfants ni de la précocité de leur exposition à certaines images. Il reste qu’il nous revient de les protéger : nous devons nous donner les moyens de rendre la rencontre accidentelle avec de telles images toujours plus accidentelle, et nous devons assumer le fait qu’un outil de contrôle parental se transforme au fil du temps en outil de dialogue familial – je le répète, car c’est l’esprit de la loi.
Assortir l’acquisition et la mise en route d’appareils numériques – smartphones, tablettes, ordinateurs ou téléviseurs connectés – d’une mise en garde incitant l’utilisateur à faire attention à ce qu’il va faire et à le faire de manière responsable, c’est en soi un acte de prévention. La proposition de loi est donc un texte de prévention ; en cela, elle répond aux préoccupations des associations de protection de l’enfance, avec lesquelles vous avez entamé, MM. les secrétaires d’État, un travail de longue haleine que je veux également saluer, en particulier par la création de la plateforme « Je protège mon enfant », que chacun devrait connaître – elle doit entrer dans la vie quotidienne des familles.
Ces mesures, prévues par l’article 1er, sont complétées par celles de l’article 3, relatif aux fournisseurs d’accès à internet (FAI). La loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique les oblige d’ores et déjà à informer leurs abonnés de l’existence de dispositifs de contrôle parental et à leur proposer l’un de ces dispositifs. Le présent texte précise utilement que cette obligation n’entraîne aucun surcoût, conformément à la pratique des FAI depuis quinze ans.
Les deux articles prévoient que le pouvoir réglementaire fixera, par le biais de décrets, les fonctionnalités minimales de ce que l’on appelle communément le contrôle parental, afin d’offrir à tous les parents un standard minimum, en fonction de la catégorie de l’équipement, pour les aider à protéger au mieux leur enfant. En commission, j’ai souhaité que le décret simple devienne un décret en Conseil d’État, compte tenu des libertés en jeu et du nécessaire équilibre à trouver entre la protection de l’enfant – mais aussi de sa vie privée – et la liberté du commerce et de l’industrie. Mme Ressiguier a déposé un amendement prévoyant en outre un avis de la CNIL – Commission nationale de l’informatique et des libertés : il me semble qu’il va dans le bon sens et j’y serai favorable.
Chers collègues, l’avancée que je vous propose d’accomplir est tout à fait concrète ; elle devrait favoriser le recours à ces outils par le plus grand nombre, en France, bien sûr, mais aussi dans le monde. En effet, les systèmes d’exploitation des équipements numériques étant généralement conçus pour le marché mondial, il y a fort à parier que les avancées que nous voterons dans les semaines qui viennent bénéficieront également à d’autres pays. Je crois que la protection des enfants en matière numérique n’est pas une préoccupation franco-française : c’est bien une exigence partagée par tous les parents, sur l’ensemble de notre planète.
La confiance n’excluant pas le contrôle (Mme Muriel Ressiguier applaudit), j’ai souhaité que cette nouvelle obligation, qui contraint à installer un dispositif de contrôle parental et à proposer son activation, et qui pèse sur l’ensemble de la chaîne de valeur – du constructeur au vendeur –, soit contrôlée, et que le non-respect soit sanctionné. L’Agence nationale des fréquences (ANFR) sera donc chargée de contrôler que l’obligation est bien respectée, comme elle le fait aujourd’hui s’agissant d’une série de normes techniques auxquelles les appareils radioélectriques doivent répondre ; c’est l’objet de l’article 2 de la proposition de loi.
Le texte est court et resserré. Il complète, comme une brique supplémentaire, les différents dispositifs adoptés par le Parlement et ceux dont le Gouvernement est à l’initiative. Citons notamment la loi du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales : sur son fondement, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) peut mettre en demeure les sites pornographiques de se mettre en conformité avec la loi, en soumettant l’accès à leurs contenus à davantage qu’un simple avertissement. Parmi les mesures adoptées par le Gouvernement, je voudrais de nouveau mentionner la création et la mise en ligne du site « jeprotegemonenfant.gouv.fr » et, plus largement, l’ensemble de la coopération qui a émergé autour des deux secrétariats d’État d’Adrien Taquet et de Cédric O, que je remercie encore une fois pour le travail mené sur ce sujet.
J’en profite pour remercier également mes collègues de la commission, qui ont apporté des précisions importantes au texte, ainsi – évidemment – que les administrateurs qui m’ont accompagné depuis plusieurs mois, et notamment Chloé Marchand. Après la loi contre la manipulation de l’information et celle relative aux enfants youtubeurs, la loi sur le contrôle parental n’est certes pas la fin du chemin – nous n’en sommes qu’en début –, mais il est bien entamé ! Je vous remercie, chers collègues ; j’ai eu plaisir à travailler avec vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs des groupes LR, Dem et SOC.)
M. le président
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles
Je tiens tout d’abord à saluer le travail du rapporteur, auteur de cette proposition de loi, et celui de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Je connais de longue date votre investissement sur les questions liées au numérique et notamment en ce qui concerne les enjeux de l’exposition des enfants aux contenus numériques.
Comme l’a rappelé le rapporteur, la présente proposition de loi est une étape de plus, une étape structurante d’un processus qui a commencé il y a deux ans, à l’occasion du trentième anniversaire de la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE). Devant l’UNESCO, alors qu’il intervenait pour rappeler l’engagement de la France et de son gouvernement en matière de protection des droits des enfants, le Président de la République avait particulièrement insisté sur la question de la protection des mineurs dans l’univers numérique, annonçant sa volonté d’instaurer à terme un contrôle parental : « S’il faut protéger les enfants dans leur vie réelle, disait-il, il faut également désormais les protéger dans l’espace numérique. […] Chaque jour, ils sont confrontés à des images et des mots qu’ils ne devraient pas voir. »
On parle souvent des jeunes générations comme des digital natives. Pour avoir souvent échangé avec elles à ce sujet, au fil de mes déplacements, je pense que nous avons plutôt affaire à des digital naives.
Un député du groupe Dem
Oh, joli !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État
Nos enfants, nés avec le numérique, savent-ils spontanément tirer profit, en toute sécurité, de cette révolution, toujours en cours d’ailleurs, ou au contraire doivent-ils être mieux protégés face aux menaces que peut représenter un mauvais usage du numérique ?
Et qu’en est-il des parents ? Sans surprise, j’ai pu voir à quel point toutes ces questions – place des outils numériques au sein de la famille, éducation aux contenus numériques, sensibilisation aux risques – étaient devenues centrales dans le quotidien des parents, plus encore peut-être depuis la crise sanitaire.
En effet, les parents ont une perception ambivalente des usages numériques de leurs enfants : 43 % d’entre eux perçoivent l’utilisation du numérique par leurs enfants comme une opportunité et 42 % comme un risque ; 44 % des parents ne se sentent pas ou insuffisamment accompagnés dans l’encadrement de la pratique numérique de leurs enfants.
Ces interrogations s’enracinent dans une augmentation constante des temps d’utilisation des écrans, et ce, dès le plus jeune âge. Il faut le reconnaître : le temps où l’on se déplaçait pour aller jouer sur les bornes Pac-Man, Space Invaders ou Pong dans les arcades, ou encore à Counter-Strike dans les cybercafés, nous semble bien loin. (Mme Elsa Faucillon sourit.)
Ces interrogations des familles sont également liées à la diversité des contenus et des usages numériques : accès de plus en plus facile aux contenus vidéos, ludiques, éducatifs, culturels, encyclopédiques, mais aussi pornographiques, haineux, violents. De nombreux parents m’ont dit se sentir dépassés, voire impuissants, face à cette facilité d’accès. Ils ont le sentiment de perdre le contrôle, et l’impression de voir leur enfant le perdre également.
L’appréhension des parents face aux contenus parfois violents que peuvent visionner leurs enfants n’est pas surprenante. À 12 ans, près d’un enfant sur trois a été exposé à la pornographie ; un jeune sur deux a été choqué par les images pornographiques qu’il a vues la première fois ; 44 % des jeunes ayant des rapports sexuels disent reproduire ce qu’ils ont vu dans des vidéos pornographiques ; près d’un quart des jeunes déclarent que la pornographie a eu un impact négatif sur leur sexualité en leur donnant des complexes.
Face à ces dangers, nous avons tous, pouvoirs publics comme acteurs privés du numérique ou associations, une responsabilité à exercer afin que nos enfants, digital natives, ne soient plus les digital naives que je décrivais plus tôt.
Pour ce faire, nous devons nous doter d’outils efficaces. Encadrer l’accès des enfants aux écrans ne se résume plus à une surveillance de la télécommande, mais doit passer par un véritable accompagnement des parents. Il faut ainsi mettre en avant des dispositifs d’aide en cas de besoin, proposer un accompagnement facilement accessible, faire de la pédagogie.
Comme l’a rappelé le rapporteur, ces outils et ces repères sont désormais disponibles sur la plateforme jeprotegemonenfant.gouv.fr, dont l’objectif est que la révolution des pratiques soit accompagnée d’un soutien et d’un accompagnement des parents.
Ainsi, ce portail unique d’information coconstruit avec tous les acteurs – groupes de télécommunication, moteurs de recherche, constructeurs, réseaux sociaux et associations – met à la disposition des parents des outils pratiques pour mieux encadrer l’utilisation d’internet par les enfants, et toute une série d’informations pour échanger avec leurs enfants ou leurs adolescents.
En tant que parents, nous pouvons également utiliser un outil simple pour agir et protéger nos enfants : la mise en place d’un contrôle parental. Or, si l’on en juge par les enquêtes réalisées, l’installation d’un tel dispositif ne va pas de soi pour nombre de parents : près d’un sur trois n’a pas connaissance de ces outils ; 57 % affirment ne pas utiliser actuellement un outil de contrôle parental ; 25 % trouvent le dispositif de contrôle parental trop complexe.
Pourtant, près des trois quarts des parents adhèrent à l’idée qu’un outil de protection soit installé sur les appareils dédiés aux enfants, et plus de la moitié d’entre eux seraient favorables à le faire sur tout type de matériel – dédié ou non aux enfants. C’est notamment pour cela que le Gouvernement soutient pleinement la proposition de loi du président Studer, qui concrétise la promesse présidentielle.
La protection des mineurs dans l’espace numérique ne doit pas se limiter à des mesures nationales, mais bien s’ancrer dans une action conduite à l’échelle internationale. C’est pour cela que le 11 novembre dernier, lors du Forum de Paris sur la paix, conjointement avec l’UNICEF, le Président de la République a souhaité lancer un appel à l’action pour défendre les droits de l’enfant dans l’environnement numérique. Rappelons qu’en 1989, quand la Convention internationale des droits de l’enfant voyait le jour, internet n’existait pas.
Reconnaissant à la fois les opportunités du numérique pour les enfants et les menaces auxquelles ils sont exposés en ligne, les signataires de cet appel – pays, associations, organisations non gouvernementales (ONG), acteurs privés du numérique – se sont engagés à faciliter l’accès des enfants aux technologies ainsi qu’à l’alphabétisation numérique, tout en garantissant leur protection dans cet environnement.
En tant que parents, professionnels ou responsables politiques, nous devons préparer l’avenir en relevant un double défi : prémunir nos enfants contre les dangers des écrans afin d’éviter qu’ils ne s’y perdent ; leur apprendre à développer des usages qui leur permettent de devenir les citoyens d’une société connectée, éclairée et responsable. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.)
M. le président
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de la transition numérique et des communications électroniques.
M. Cédric O, secrétaire d’État chargé de la transition numérique et des communications électroniques
Tout d’abord, je tiens à saluer le travail de la commission des affaires culturelles et de l’éducation et de son président, Bruno Studer, qui est particulièrement investi – et de longue date – dans la protection de l’enfance en ligne, comme en témoigne sa précédente proposition de loi sur les enfants youtubeurs, sorte de fil rouge de son engagement.
Au-delà d’Adrien Taquet et moi-même, c’est tout le Gouvernement qui s’est fortement engagé en faveur de la protection de l’enfance en ligne et en a fait l’une de ses priorités depuis plusieurs années. Cet engagement s’est traduit dans des textes discutés ici, mais aussi dans des initiatives prises au niveau international, comme l’a rappelé Adrien Taquet, ces sujets étant par essence internationaux. La protection de l’enfance en ligne a ainsi été l’un des dossiers abordés récemment par le Président de la République et Kamala Harris, la vice-présidente américaine.
La présente proposition de loi s’inscrit dans une politique plus large des pouvoirs publics de protection de l’enfance dans l’environnement numérique.
Citons la lutte contre le cyberharcèlement qui touche notamment les enfants et les adolescents, à une période charnière de leur vie où ils peuvent être particulièrement vulnérables.
Citons le protocole d’engagements visant à limiter l’exposition des mineurs à la pornographie en ligne, qui a notamment mené à la création du site jeprotegemonenfant.gouv.fr.
Citons la possibilité pour le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) de demander à la justice de faire fermer les sites pornographiques qui ne vérifieraient pas l’âge des mineurs avec un niveau d’assurance élevé – je pense notamment à ceux qui se contenteraient de leur demander de cliquer sur la mention « J’ai plus de 18 ans ». Il me semble que nous sommes tous ici au courant de la procédure en cours.
Citons la prise en compte des spécificités des utilisateurs mineurs dans les projets de régulations des plateformes au niveau européen. Nous sommes actuellement en pleine discussion à propos du règlement pour les services numériques ou Digital Services Act. Il s’agit d’augmenter significativement la transparence et l’obligation de modération des très grandes plateformes. Pendant la présidence française du Conseil de l’Union européenne, nous allons défendre le renforcement des règles applicables à la protection des mineurs par les grands réseaux sociaux.
Citons enfin l’initiative lancée il y a deux ans, lors du trentième anniversaire de la CIDE.
Pour résumer, le Gouvernement s’est engagé et s’engage avec constance et détermination pour protéger les enfants et les adolescents alors qu’ils découvrent leur vie numérique.
Aujourd’hui, dans la continuité de cet engagement, nous parlerons d’une idée simple, voire évidente une fois qu’elle est formulée, soutenant un texte court mais dont l’impact sera, à n’en pas douter, très grand.
Comme l’a rappelé le secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles, près d’un parent sur trois n’a pas connaissance des outils de contrôle parental, alors qu’ils sont trois sur quatre à adhérer à l’idée de l’usage d’un tel outil. C’est pourquoi je suis convaincu que la responsabilisation des acteurs de la chaîne de commercialisation des terminaux, fabricants et distributeurs, constitue une mesure utile et très efficace pour donner aux parents ces outils dont ils sont demandeurs.
Ces outils de contrôle parental permettront de protéger les mineurs des contenus qui leur sont les plus préjudiciables, tels que la pornographie ou les contenus violents. Les activer à l’installation, comme le prévoit cette proposition de loi, permettra aux parents d’engager une discussion utile et vertueuse avec leurs enfants sur leurs usages numériques.
Les outils de contrôle parental ne sont évidemment pas la seule solution pour lutter contre l’accès à ces contenus problématiques. Une partie de la réponse relève de la capacité à créer ce dialogue hors ligne sur la grammaire du numérique et les usages de nos enfants et adolescents.
C’est pourquoi il est crucial de mettre à la disposition des parents des outils et des ressources pour répondre aux questions de leurs enfants, accompagner les usages et trouver le bon équilibre pour permettre à leur enfant de faire un usage positif et raisonné des outils numériques.
Nous nous attaquons à un débat compliqué, non binaire. Interdire toute forme d’écran n’est ni souhaitable ni même possible dans la plupart des cas. Cependant, ouvrir la fenêtre sur le monde qu’est un ordinateur ou un smartphone sans accompagnement familial peut constituer un risque.
Pour trouver le juste milieu entre ces deux extrêmes, des solutions techniques existent, en complément de l’éducation et de la sensibilisation. Ces solutions techniques restent largement sous-utilisées, d’où l’objet de cette proposition de loi : promouvoir l’accès au contrôle parental ; assurer un socle minimal de fonctionnalités accessibles sans surcoût, présentes sur tous les terminaux et qui permettront de protéger les utilisateurs mineurs.
Je crois sincèrement que cette approche est particulièrement vertueuse. Sans être prescriptrice, la puissance publique crée les conditions de la confiance et de l’information des parents, pour que ceux-ci puissent jouer pleinement leur rôle d’éducateurs éclairés et se voient proposer des outils pertinents et bienvenus au moment clef qu’est l’accès par leur enfant à son premier smartphone ou à sa première tablette. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.)
Discussion générale
M. le président
Dans la discussion générale, la parole est à Mme Stéphanie Kerbarh.
Mme Stéphanie Kerbarh
Nos enfants sont nés avec internet. Ils apprennent vite et s’adaptent aisément à ses évolutions rapides – très certainement plus vite que nous, et indubitablement plus vite que la législation.
Internet constitue sans aucun doute une source impressionnante d’opportunités, que ce soit sur les plans éducatif, culturel ou même celui des relations sociales. Il comporte aussi des risques et des dangers dont il faut nous prémunir.
Parce que les mineurs sont des usagers de plus en plus nombreux, leur exposition à des contenus dangereux, violents ou inappropriés doit nous préoccuper. Ils sont en effet de plus en plus jeunes à utiliser des équipements numériques de plus en plus sophistiqués : 9 ans pour l’utilisation du premier smartphone, 6 ans pour la première tablette.
Dès lors, ils tombent inévitablement de plus en plus jeunes sur des contenus violents ou pornographiques. Or ils y accèdent seuls, sans aucun recul sur ce que ces contenus peuvent bien signifier. À un âge où ils se construisent émotionnellement, où ils développent leur rapport à leur corps et à la sexualité, ils se retrouvent confrontés de manière brutale et violente à des images qui risquent de les choquer, de marquer et façonner pour longtemps leur esprit, leurs relations, leurs représentations mentales de la sexualité ou des femmes.
Malheureusement, dans la lutte contre l’exposition précoce aux contenus pornographiques, reconnaissons que nous sommes actuellement dans une impasse. Depuis 2020, la loi prévoit que si les sites pornographiques ne mettent pas en place de dispositifs de vérification d’âge efficaces, ils s’exposent à un blocage par les fournisseurs d’accès à internet. Il ne suffit donc pas que le visiteur se contente de cocher une case pour attester de sa majorité, mais la loi n’explique pas comment faire autrement pour vérifier l’âge des utilisateurs.
La présente proposition de loi préconise l’outil du contrôle parental. Nous ne pouvons que souscrire à l’objectif de faciliter son utilisation, car l’expérience nous prouve qu’il est utile pour compléter la vigilance des parents. Cependant, l’expérience nous prouve aussi que les parents sont souvent dépassés par l’utilisation du contrôle parental. Reconnaissons que la prise en main ne va pas toujours de soi. Il faut donc qu’une information claire soit systématiquement proposée à chaque achat d’équipement.
Nous approuvons les amendements adoptés en commission, visant à étendre les nouvelles obligations aux produits reconditionnés qui rencontrent de plus en plus les faveurs des consommateurs – en tant que rapporteure de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, je ne peux que m’en réjouir. De même, nous approuvons les amendements qui visent à assurer la gratuité des outils de contrôle parental.
Nous sommes tous d’accord pour reconnaître que l’utilisation du contrôle parental ne peut être qu’une mesure parmi d’autres.
En effet, certains enfants savent comment contourner ou lever les filtres, et certains usages sur les réseaux sociaux peuvent échapper à ces derniers. Le contrôle parental ne doit pas se substituer à la vigilance des parents. En revanche, il doit être utilisé comme un outil de dialogue. L’objectif est bien de sécuriser une navigation autonome des enfants sur internet, basée sur une relation de confiance avec leurs parents, non d’en faire un outil invasif de surveillance.
Cela implique, en tout premier lieu, d’appréhender différemment les usages des mineurs selon leur âge. Les enjeux et les risques ne sont pas les mêmes à 6 ans qu’à 16 ans. Ainsi, la sensibilisation des parents et l’éducation des enfants doivent demeurer une priorité, la priorité, d’autant qu’il existe d’autres risques que l’exposition aux contenus violents ou pornographiques. C’est le cas de la collecte massive de données personnelles, très importante sur les réseaux sociaux ou les plateformes de jeux en ligne. C’est le cas aussi de la surexposition aux écrans avec tout ce que cela implique en matière de concentration, d’apprentissage, de mémorisation et de relations sociales. Je suis persuadée que la protection des enfants sur internet est, avant toute chose, une question de prise de conscience. Il nous faut d’abord connaître les dangers, apprendre à en discuter pour comprendre comment s’en prémunir.
Parce qu’il nous faut trouver un équilibre entre l’autonomie et la protection des mineurs et que ce texte est un outil supplémentaire pour y parvenir, notre groupe Libertés et territoires le votera. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.)
M. Bruno Studer, rapporteur
Merci, madame la députée !
M. le président
La parole est à Mme Muriel Ressiguier.
Mme Muriel Ressiguier
L’apparition du numérique dans notre quotidien est un phénomène qui touche particulièrement la génération dite milléniale, qui a grandi entourée des nouvelles technologies. Si les outils numériques et l’accès à internet ouvrent des horizons, nous le savons aujourd’hui, ils peuvent aussi être dangereux en exposant les jeunes enfants en plein développement à l’addiction, au cyberharcèlement ou à l’exclusion sociale. Le rôle du législateur est d’interroger nos usages et notre cadre juridique et d’instaurer des outils pour prévenir les risques liés aux nouvelles technologies. Tel est l’objet de votre proposition de loi qui rend obligatoire l’installation d’outils de contrôle parental sur les équipements, permettant de limiter l’accès des enfants à certains contenus ou de visualiser l’historique de connexion de son enfant.
Les technologies se développent à une vitesse fulgurante, entraînant à la fois une course à la consommation et la multiplication des supports ; les enfants y sont confrontés dès leur plus jeune âge. Aujourd’hui, avant l’âge de 10 ans en moyenne, ils sont déjà équipés de tablettes, de consoles de jeux et de téléphones portables. Il y a souvent un décalage avec les parents qui n’ont pas toujours vécu avec ces nouvelles technologies et en ont moins la maîtrise que leurs enfants. Selon une étude de l’Union nationale des associations familiales – UNAF –, 44 % des parents ne se sentent pas assez accompagnés dans l’encadrement de la pratique numérique de leurs enfants. Globalement, selon l’INSEE, l’illettrisme numérique concerne 17 % de la population, une personne sur quatre ne sait pas s’informer et une sur cinq est incapable de communiquer au moyen d’internet.
Il est donc essentiel de répondre à ce besoin d’accompagnement. C’est pourquoi nous proposons des amendements visant à rendre obligatoire, pour les fabricants des équipements, la délivrance d’une information à l’utilisateur sur les risques liés aux usages numériques ainsi que sur les moyens de prévention.
Par ailleurs, les parents n’ont pas toujours conscience du temps passé par leurs enfants sur internet, ni du contenu qu’ils visionnent. Ainsi, 82 % des 10-14 ans vont régulièrement sur internet sans leurs parents. Plusieurs études démontrent que la durée d’exposition aux écrans a une incidence sur le sommeil, sur la concentration et la capacité à mémoriser des informations. D’après le rapport de 2017 de la santé publique, les enfants passent en moyenne quatre heures et onze minutes par jour devant les écrans, bien plus que le temps recommandé par les spécialistes du sujet, et la tendance n’est pas à la baisse, loin de là. C’est la raison pour laquelle il nous semble indispensable que les outils de contrôle parentaux puissent contrôler aussi la durée d’utilisation. Aussi, bien qu’ils n’aient pas été adoptés en commission, nous proposerons à nouveau des amendements visant à prévoir la possibilité de le faire au moyen des outils de contrôle parentaux.
Si votre proposition de loi comble une lacune technique et juridique, elle comporte encore des manques et pourrait aller plus loin. En effet, elle ne détaille pas en l’état les caractéristiques techniques des outils de contrôle parental, elle ne prévoit pas non plus de pouvoir limiter les publications sur les réseaux sociaux ou encore la géolocalisation. Lors des débats à venir, nous continuerons à faire des propositions sur des thématiques auxquelles nous devons réfléchir ensemble.
Je salue cependant la qualité des échanges en commission qui a permis d’avancer sur certains points avec vous, monsieur le rapporteur (Mme Maud Petit applaudit), notamment avec l’amendement issu de nos discussions qui prévoit que le décret fixant les modalités d’application du dispositif de contrôle parental soit soumis à l’avis de la CNIL avant d’être publié. Ceci permettra, si l’amendement est adopté, que les recommandations de la CNIL concernant la reconnaissance faciale, le ciblage publicitaire ou la protection des données personnelles des mineurs soient abordées à ce moment-là. Je sais que votre intérêt sur ces sujets est sincère. C’est d’ailleurs la deuxième proposition de loi que vous présentez sur les problématiques liées à internet et à la protection des enfants.
Nous sommes tous conscients, je pense, que la protection des mineurs sur internet peut se heurter aux intérêts, notamment financiers, des fabricants d’équipements, des fournisseurs d’accès à internet ou encore des plateformes. J’espère que la discussion des amendements permettra d’avancer encore davantage sur ces sujets importants qui nous concernent tous, car là où il y a une volonté il y a un chemin, monsieur le rapporteur. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem. – Mme Michèle Victory applaudit également.)
M. le président
La parole est à Mme Elsa Faucillon.
Mme Elsa Faucillon
La crise du covid n’a fait que mettre en lumière – mais elle les a affichés en grand – les dégâts liés à l’abus de l’usage d’écrans constatés chez les enfants. Ce phénomène n’est pas nouveau : en 2017, une enquête Ipsos notait que les 13-19 ans passaient en moyenne quinze heures et onze minutes par semaine sur internet. Pour les 7-12 ans, ce temps d’écran hebdomadaire était en moyenne de six heures et dix minutes, et pour les 1-6 ans de quatre heures et trente-sept minutes, en augmentation aussi depuis 2015. À 12 ans, d’autres l’ont dit, un tiers d’entre eux auraient déjà été exposés à un contenu pornographique.
Les dommages chez les enfants sont maintenant connus : développement des troubles primaires du langage, frein au développement cérébral de l’enfant, impact sur la qualité du sommeil. Pire encore, l’augmentation du temps d’écran électronique a été associée à des problèmes de santé mentale plus graves chez les enfants par rapport à ceux ayant des niveaux de temps d’écran inférieurs pendant la pandémie de covid-19. Un lien a donc été fait entre temps d’exposition aux écrans et santé mentale des enfants. Ces maux peuvent être atténués grâce à un contrôle parental proportionnel et mesuré des contenus consultés par l’enfant. Mais ce n’est évidemment pas la seule voie. Je crois véritablement qu’il nous faut non seulement aider les parents à l’éducation aux médias, mais aussi, de manière plus large, devenir une société offrant une éducation aux médias.
Je suis donc favorable à l’article 1er, qui vise à mettre en œuvre une obligation pour les fabricants d’installer un système de contrôle parental et d’en proposer l’activation dès la première mise en service de l’appareil. Je réaffirme que nous partageons l’idée de ne pas rendre le contrôle parental automatique : cela aurait constitué pour nous une ligne rouge qui nous aurait certainement fait basculer. Cela porterait atteinte à la neutralité du Net. Le contrôle parental, comme tout autre logiciel de filtrage, ne déroge pas à la règle d’un contrôle complet de l’utilisateur qui doit garder la liberté de pouvoir l’activer ou le désactiver. C’est ce que vous faites dans cet article.
J’évoquerai maintenant les manques de ce texte, non pour les pointer car je sais que vous êtes engagé sur ce sujet, monsieur le rapporteur, mais plutôt pour énoncer ce que nous aurons encore collectivement à produire par la suite, puisque nous n’avons pas encore abordé l’utilisation de certaines fonctionnalités du contrôle parental qui peuvent être intrusives. La recommandation de la CNIL du 9 juin 2021 rappelle que certaines fonctionnalités assez intrusives tendent à transformer le contrôle parental en une forme de surveillance qui comporte le risque d’altérer la relation de confiance entre les parents et le mineur. C’est crucial si nous voulons véritablement basculer dans une société d’éducation aux médias et à internet.
Cette forme de surveillance risque aussi d’entraver le processus d’autonomisation du mineur ou, pire encore, de l’habituer à être sous surveillance constante, l’invitant par là même à reproduire certaines pratiques dignes d’un monde orwellien. Ce rapport invite de ce fait à prioriser l’usage de dispositifs de contrôle respectant un principe de proportionnalité, un principe de transparence à l’égard de l’enfant, et un principe de sécurité des données du mineur afin de s’assurer que des tiers n’aient pas accès à des informations sur le mineur.
Il nous faudrait également avancer sur la protection des données des enfants. Selon de nombreux chercheurs, une majorité des dispositifs de contrôle parental partagent des informations personnelles à des tiers, en plus d’être vulnérables aux attaques informatiques. Certaines de ces applications transmettent volontairement des données à des tiers inconnus de l’utilisateur à des fins de marketing et de monétisation. Cela nourrit le ciblage publicitaire des enfants. Au cours des dix dernières années, à l’échelle mondiale les dépenses de publicité digitale visant les enfants ont été multipliées par dix. Ce matraquage aggrave les dégâts liés à une exposition trop importante aux écrans, ainsi que l’hyperconsommation. Face à cette question, notre pays louvoie encore trop ; aucune mesure efficace n’est adoptée pour lutter contre ce phénomène, contrairement à ce qui se fait dans des pays voisins.
Le groupe GDR considère ces manques que sont les données personnelles des enfants, le matraquage publicitaire, l’éducation collective aux médias et à internet, comme des pistes de travail. Et cela ne nous empêchera pas évidemment de voter ce texte. (Mmes Muriel Ressiguier, Michèle Victory, Géraldine Bannier et M. le rapporteur applaudissent.)
M. le président
La parole est à Mme Cathy Racon-Bouzon.
Mme Cathy Racon-Bouzon
« Je pense que cela a vraiment détruit mon cerveau » : ce sont les mots forts de la chanteuse Billie Eilish qui révélait, il y a quelques semaines, être tombée malgré elle sur des images pornographiques à l’âge de 11 ans, premier pas vers une addiction destructrice. Des contenus violents et abusifs parfois, et l’impression à l’époque que tout cela était normal. Aujourd’hui, l’artiste est, selon ses mots, dévastée d’avoir été exposée si jeune à ce type de contenu. Et elle n’est pas la seule : à 12 ans, près d’un enfant sur trois a déjà été exposé à des contenus pornographiques. Certains psychologues n’hésitent pas à qualifier cette exposition précoce non consentie de viol psychologique.
La pornographie, la violence, la haine, ce n’est pas moins grave quand c’est en ligne. Face à ces dangers, rendre l’espace numérique plus sûr pour les enfants et les adolescents est une priorité depuis 2017.
Si nous étudions ce texte sur le contrôle parental, c’est pour continuer à agir, pour garantir au moyen d’un outil technique l’information, la pédagogie et la responsabilisation des adultes, pour éviter qu’une recherche anodine sur internet ne mène à la consultation volontaire ou involontaire de contenus inappropriés, pour garantir aussi que chaque jeune sache ce qui le met en danger. En cela, comme l’a rappelé le rapporteur, le contrôle parental est un outil de dialogue. Il vient renforcer un dispositif global qui se construit pas à pas pour encadrer les premiers pas des jeunes sur internet et développer un véritable accompagnement des parents et des encadrants des enfants.
Dans ce volet de la protection de l’enfance, beaucoup a été fait. Encadrer et éduquer, c’est l’équilibre que nous avons choisi dès le départ avec la proposition de loi interdisant l’usage du téléphone portable dans les établissements scolaires, qui prévoyait également l’apprentissage à la citoyenneté numérique. Par la suite, pour protéger les mineurs sur internet, la majorité numérique a été fixée à 15 ans dans la loi du 20 juin 2018 relative à la protection des données personnelles, tandis que la loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes a durci les sanctions à l’encontre des auteurs de cyberharcèlement visant des mineurs de moins de 15 ans et a élargi la définition du harcèlement en ligne qui réprime les phénomènes de meute.
Protéger les enfants dans l’espace numérique, c’est aussi assurer que leur image ne soit pas utilisée à des fins malveillantes. C’est l’objet de la loi visant à encadrer l’exploitation commerciale de l’image d’enfants de moins de 16 ans sur les plateformes en ligne, qui réprime l’extorsion de contenus à caractère sexuel. Un délit de sextorsion a même été créé au printemps dernier.
Cette lutte pour une navigation plus sereine des enfants et des adolescents sur internet comporte donc plusieurs étapes et engage tous les acteurs de l’éducation. Le Gouvernement a, par exemple, généralisé depuis septembre à l’ensemble des établissements scolaires son programme de lutte contre le harcèlement à l’école qui prévoit une série de dispositifs pour prévenir plus spécifiquement le harcèlement en ligne. Elle concerne aussi tous les acteurs du numérique. Un protocole d’engagement pour la prévention de l’exposition des mineurs aux contenus pornographiques, mis en place par Adrien Taquet et Cédric O, a été signé en 2020 par trente-deux acteurs, favorisant ainsi l’émergence de la plateforme jeprotegemonenfant.gouv.fr.
La proposition de loi de Bruno Studer, soutenue par le groupe La République en marche, s’inscrit dans cette continuité et, une fois adoptée, exigera que les parents se l’approprient pleinement. Seuls 46 % des parents utilisent le contrôle parental. Or, si ce texte prévoit l’obligation pour les fabricants d’installer un système de contrôle parental, c’est bien l’utilisateur qui doit l’activer lors de la première mise en service de l’appareil.
Soyons à l’écoute à la fois des dangers et des possibles d’internet, des tentations et des agressions, de ce qu’il faut accompagner et de ce qu’il faut réguler. Un contrôle parental par défaut aurait pu démobiliser au lieu de faciliter ; rendre les adultes acteurs du dispositif est un élément clef de ce texte. Il donne la possibilité aux adultes éloignés de cette problématique de s’en saisir et d’en comprendre les ressorts.
Les auditions menées il y a quelques semaines, notamment avec les professionnels du secteur, ont fait émerger un véritable consensus autour du développement de l’usage du contrôle parental et des obligations que le texte impose. En commission des affaires culturelles et de l’éducation, c’est aussi le consensus qui a primé : le texte a été adopté à l’unanimité.
M. Maxime Minot
Tout à fait !
Mme Cathy Racon-Bouzon
Afin de le compléter, la commission a adopté un amendement pour que les appareils reconditionnés, souvent mis entre les mains des plus jeunes, soient inclus dans le dispositif. Il était important de conjuguer la dimension écologique avec celle de la protection des enfants.
Le groupe LaREM défendra deux nouveaux amendements, visant notamment à ce que les fabricants fournissent une information aux utilisateurs concernant les risques liés aux usages numériques et les moyens de prévention. Le contrôle parental est un outil très efficace, mais il ne se substitue pas à la vigilance, à l’écoute et au dialogue avec les enfants. De même, il nous semble nécessaire d’inclure, dans le décret d’application mentionné à l’article 1er, une mesure destinée à informer les familles des dangers d’internet tout au long du parcours de l’utilisateur, pour les accompagner dans le cadre d’une démarche de prévention.
Ce texte ne restreint ni la curiosité de l’enfant, ni sa réflexion, ni son accès au monde par internet. Il le protège, tout en érigeant sa liberté en valeur cardinale. Jean-Paul Sartre écrivait que « l’enfant pose les vraies questions ». Avec ce texte, ce sont bien les enfants et leur droit à un espace numérique serein qui nous obligent, sur une question de société fondamentale pour nous tous. Et c’est pour eux que nous agirons, en soutenant cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.)
M. le président
La parole est à Mme Virginie Duby-Muller.
Mme Virginie Duby-Muller
L’utilisation que font les enfants des écrans est un sujet de société majeur. Alors que nous vivons dans un monde hyperconnecté où nos enfants sont des digital natives, chaque parent se trouve confronté à la question du bon usage des écrans. Étant moi-même mère d’une fille de 10 ans, je sais combien il est difficile de trouver un bon équilibre en la matière.
Le constat dressé par la CNIL dans son étude de janvier 2021 sur les pratiques numériques des jeunes est édifiant : elle révèle notamment que l’utilisation autonome d’internet se généralise et qu’elle survient de plus en plus tôt – conséquence directe de la multiplication des nouveaux équipements permettant l’accès à internet.
En découle un phénomène de surexposition aux écrans. Rappelons qu’un enfant de 1 à 6 ans passe en moyenne quatre heures trente par semaine devant internet, à un âge où il doit acquérir de nombreuses compétences – marche, motricité, concentration. Or tous ces apprentissages peuvent être freinés par une surexposition aux écrans.
L’autre danger majeur est bien sûr l’accès des jeunes à un contenu inapproprié : en moyenne, les enfants s’inscrivent sur leur premier réseau social à 8 ans et demi ; à 12 ans, un tiers d’entre eux ont déjà été exposés à du contenu pornographique. En faisant de simples recherches sur les moteurs de recherche, ils peuvent facilement avoir accès à des contenus haineux et violents, à des actions de réseaux criminels ou terroristes, et être victimes de réseaux pédophiles.
Au reste, parce qu’internet fait de nos enfants des proies faciles pour les pédophiles, j’ai déposé des propositions de loi allant dans le sens d’une plus grande protection des mineurs en ligne : la première, en 2019, pour renforcer la lutte contre l’exploitation sexuelle des enfants à l’étranger, et la deuxième, en 2020, pour renforcer la lutte contre la pédocriminalité en consolidant le fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (FIJAISV).
Le développement des smartphones, tablettes et autres équipements nomades rend désormais le contrôle parental beaucoup plus difficile. Alors que la majorité des parents se déclarent favorables aux dispositifs de contrôle parental, seuls 46 % d’entre eux ont mis en place des solutions de suivi de l’activité de leur enfant. Ce faible taux s’explique par deux raisons : la méconnaissance croissante par les parents des pratiques numériques de leurs enfants, et des outils de contrôle parental qui nécessitent parfois une manipulation informatique qui peut s’avérer difficile, voire décourageante.
Il est donc essentiel de mieux armer les plus jeunes…
M. Maxime Minot
Tout à fait !
Mme Virginie Duby-Muller
…par l’éducation aux médias, à laquelle je sais le président de la commission très sensible, mais aussi d’aider les parents à protéger leurs enfants…
M. Maxime Minot
C’est avant tout aux parents de le faire !
Mme Virginie Duby-Muller
…contre les dangers d’internet – ce dispositif de contrôle parental préinstallé les y aidera.
Cependant, il faut aussi multiplier les outils pour sensibiliser les parents, souvent démunis et tiraillés par leurs contradictions, comme les plateformes d’information telles que jeprotegemonenfant.gouv.fr, initiative que je salue.
Le texte que nous examinons constitue une avancée notable en matière de protection numérique des enfants, notamment grâce à l’article 1er qui crée une obligation pour tous les fabricants d’équipements terminaux permettant l’accès à des services de communication en ligne d’intégrer un système de contrôle parental « aisément accessible » et de le proposer à l’utilisateur dès la première mise en service de l’appareil. Le distributeur doit quant à lui vérifier l’existence dudit système lors de la commercialisation du produit.
La commission a apporté plusieurs clarifications utiles à l’article 1er : elle a rappelé la gratuité du dispositif de contrôle, a étendu l’obligation de vérification aux importateurs, aux distributeurs et aux prestataires de services d’exécution des commandes, et a prévu que les revendeurs de produits d’occasion seront soumis aux mêmes obligations moyennant une période de transition ; enfin, un décret déterminera les fonctionnalités et caractéristiques minimales du dispositif, et permettra au Gouvernement d’interdire la mise sur le marché d’un équipement qui ne respecte pas ces dispositions.
L’article 2 précise que le contrôle du respect par le fabricant et le distributeur de ces nouvelles obligations sera assuré par l’Agence nationale des fréquences.
Quant à l’article 3, il impose des fonctionnalités et des caractéristiques techniques minimales aux outils de contrôle parental proposés par les fournisseurs. Il précise également la gratuité de ces services afin de garantir un même standard de qualité pour tous les foyers.
Pour plus de clarté, j’ai déposé un amendement, que le rapporteur proposera de sous-amender, qui prévoit que le décret devra tenir compte de la nature de l’activité des fournisseurs d’accès à internet s’agissant des fonctionnalités et caractéristiques techniques minimales. J’en profite pour me féliciter de la qualité et du caractère constructif des travaux que nous avons menés en commission la semaine dernière.
Si ce texte reste encore en deçà des annonces faites par le Président de la République en 2019, lors du trentième anniversaire de la Convention internationale des droits de l’enfant, il constitue tout de même une avancée significative en matière de protection numérique des enfants. C’est pourquoi le groupe Les Républicains soutiendra cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – M. le rapporteur et M. Bertrand Bouyx applaudissent également.)
M. le président
La parole est à Mme Maud Petit.
Mme Maud Petit
Une nouvelle fois, soulignons-le, le Parlement français sera pionnier en franchissant une nouvelle étape en faveur de la protection de nos enfants dans le monde numérique. La semaine dernière en commission, nous avons adopté ce texte à l’unanimité afin de rappeler l’absolue nécessité de protéger les mineurs des contenus sensibles d’internet.
Le principal objectif de ce texte consiste à renforcer et à faciliter l’usage du contrôle parental, à l’heure où l’évolution des pratiques numériques et l’apparition de nouveaux outils connectés donnent à nos enfants un accès itinérant – et donc permanent – à internet. Le monde numérique se transforme à une vitesse phénoménale et ses pratiques évoluent constamment. Qui aurait pu imaginer l’apparition du métavers, ce monde parallèle virtuel qui semble déjà appelé à bouleverser notre quotidien ?
Alors oui, il nous faut repenser et adapter le cadre juridique régissant ces pratiques ; oui, il nous faut accompagner les parents ; oui, il nous faut solliciter tous les acteurs du champ numérique pour œuvrer à la protection de nos enfants, car le numérique ne nous attendra pas et les dangers d’internet sont bien réels, particulièrement pour les plus jeunes, qui sont plus vulnérables. Il y a vingt ans, Snapchat et TikTok n’existaient pas ; aujourd’hui, ces plateformes et tant d’autres affectent le quotidien de nos jeunes, parfois de manière dramatique : troubles de la dysmorphie corporelle, certains jeunes étant obsédés par ce qu’ils considèrent comme des défauts dans leur apparence ; cyberharcèlement ; accès à des contenus pornographiques… Le virtuel provoque des maux bien réels, que notre société n’ignore plus. Les digital natives grandissent avec tous ces objets connectés qui, reconnaissons-le, nous dépassent parfois nous aussi. L’étude publiée par Médiamétrie en 2019 révèle que l’âge moyen d’utilisation du premier smartphone correspond aujourd’hui à la fin de l’école élémentaire, soit 9 ans et 9 mois.
Si les facteurs expliquant cette tendance sont multiples, notre rôle est d’en limiter les conséquences néfastes et de mettre en œuvre les politiques publiques nécessaires pour garantir la santé psychique et physique de nos enfants.
Une récente étude de la CNIL révèle que la pratique numérique des jeunes est de moins en moins encadrée par les parents : plus de 80 % des 10-14 ans se rendent régulièrement sur internet sans leurs parents, tandis que 46 % des parents affirment avoir mis en place des outils pour suivre l’activité de leur enfant. Force est de constater que la responsabilité ne peut pas être uniquement reportée sur les parents, car ils font face à la multiplication rapide des objets connectés ainsi qu’à des interfaces de contrôle parental dont les fonctionnalités et les caractéristiques diffèrent. En outre, ces outils nécessitent parfois une manipulation informatique face à laquelle nombre de parents peuvent vite se sentir dépassés.
La présente proposition de loi vise donc à imposer des obligations renforcées aux équipements et services permettant un accès à internet afin de faciliter le recours des parents à ces dispositifs de contrôle.
L’article 1er, qui prévoit que la mise en place du dispositif de contrôle est proposée dès la première utilisation de l’appareil, permettra de s’assurer que les parents sont avertis de l’existence de tels outils et d’éviter que cette démarche ne repose que sur leur propre initiative. En commission, cet article a été enrichi de plusieurs dispositions que nous saluons, telles que la garantie de la gratuité des dispositifs de contrôle parental, et l’inclusion de tous les acteurs de la chaîne de distribution des équipements dans le champ de l’obligation de vérification de la certification du produit.
Internet n’est pas une zone de non-droit et les règles républicaines doivent y être respectées. Les comptes appelés « ficha » sévissent sur les réseaux sociaux, divulguant des images intimes de jeunes filles sans leur consentement, afin de les humilier. Cela conduit à des suicides et il est difficile pour les forces de police et de gendarmerie de lutter contre ce phénomène. Nous devrons, à l’avenir, légiférer pour les y aider.
De même, la proposition faite à l’article 3 d’une harmonisation des caractéristiques et des fonctionnalités des outils de contrôle parental permettra, j’en suis convaincue, de faciliter le recours aux outils en question, en simplifiant les procédures informatiques complexes et, de ce fait, souvent décourageantes.
Enfin, l’obligation pour les fabricants d’intégrer un dispositif de contrôle parental facilement accessible et l’obligation pour les distributeurs de vérifier la certification des fabricants – proposées à l’article 2 – permettront de s’assurer qu’aucun objet connecté n’échappe au contrôle parental, alors que ces objets, encore une fois, ne cessent de se multiplier. S’il est de notre devoir de parents de prévenir nos enfants des dangers du numérique, il est également du devoir du législateur et de l’État de les accompagner dans ces changements.
Le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés votera évidemment en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe LaREM.)
M. le président
La parole est à Mme Michèle Victory.
Mme Michèle Victory
Chacun et chacune de nous l’a rappelé : la consommation liée aux écrans a largement augmenté, et ce dès le plus jeune âge puisque l’enquête menée par la CNIL démontre que l’accès au téléphone portable se fait désormais en CM1, alors que ces appareils étaient habituellement confiés aux enfants à l’entrée au collège. Nous constatons tous dans nos environnements quotidiens que la consommation de temps d’écran et d’internet commence bien plus tôt, chez de très jeunes enfants – parfois encore en poussette.
Cette mutation des modes de consommation, si elle appelle à une certaine vigilance compte tenu des potentiels effets néfastes encourus, comme l’exposition à la pornographie, le cyberharcèlement et l’accès à des contenus choquants et violents ou aux fausses nouvelles, doit donc nous alerter tant elle peut entraîner de graves conséquences sur le développement affectif, cognitif et relationnel de nos enfants.
N’oublions pas que les médias sous toutes leurs formes sont aussi une source d’accès à la culture, au service public ou à l’éducation. Ils ne peuvent être systématiquement désignés comme responsables de tous les maux de notre société. Ils contribuent à une forme d’épanouissement pour les enfants. Comme tous les outils, c’est de leur utilisation qu’il faut débattre afin que nos enfants puissent grandir dans un environnement sain et protecteur.
La crise sanitaire a été un révélateur des usages des outils numériques, notamment à travers la continuité pédagogique et la plateforme « Ma classe à la maison ». S’ils ont bien fonctionné lorsque les conditions matérielles, technologiques et humaines étaient réunies, ils ont soulevé de nombreuses questions parmi les enseignants, les parents et les élèves.
Ces remarques générales renvoient à plusieurs constats : la nécessité de protéger les mineurs face aux éventuels dangers associés au numérique, que des faits divers récents sont venus rappeler ; la nécessité d’étendre la formation au numérique aux adultes afin que ceux-ci, au lieu d’être de simples spectateurs des usages de leurs enfants, soient en mesure de les accompagner ; la nécessité d’étendre l’accès au numérique à toutes et tous, indépendamment des origines sociales ou de la localisation sur le territoire.
Votre proposition de loi, monsieur le rapporteur, répond en partie à l’enjeu de réduction des risques par un simple moyen technique. Elle entend aussi mettre au centre des problématiques de l’éducation la relation familiale, laquelle fait partie à l’évidence des importants leviers d’une politique qui émancipe et responsabilise. Vous proposez ainsi d’obliger les fabricants à préinstaller un système de contrôle parental et de rendre possible son activation, de manière gratuite, dès la mise en service de l’appareil tout en harmonisant les fonctionnalités du contrôle parental.
Nous saluons cette mesure, premier pas vers un renforcement de la sécurité des usages que font les jeunes des outils numériques.
J’ai bien noté que vous aviez choisi de ne pas imposer l’activation par défaut du contrôle parental, par souci matériel, préférant vous en tenir à une activation proposée lors de la première mise en service. Le fait que seuls 46 % des parents indiquent utiliser ce moyen pour suivre l’activité de leur enfant, par méconnaissance ou lassitude, souligne l’urgence de mieux encadrer les pratiques des mineurs. La discussion en commission a permis d’étendre cette modalité aux produits reconditionnés qui constituent, on le sait, une part de moins en moins négligeable des ventes dans notre pays, et nous nous félicitons de cet ajout.
S’agissant des fabricants et FAI, nous souhaiterions qu’ils participent à une meilleure information des usagers et qu’ils offrent des contenus de formation et d’accompagnement sur le long terme, car ces outils ne sont pas toujours maîtrisés. Certains le font déjà par le biais de tutoriels, mais cela reste bien insuffisant au regard des difficultés techniques que certains d’entre nous rencontrent.
Avec des députés d’autres groupes, nous avons tenu à nous prémunir contre de possibles dérives liées, par exemple, au recours aux techniques de reconnaissance faciale qui portent atteinte à nos libertés. Nous avons ainsi déposé un amendement en ce sens, similaire à celui de notre collègue Muriel Ressiguier. À chaque fois qu’il est question de contrôle, même lorsque celui-ci est légitime, nous devons être particulièrement attentifs à la portée de nos décisions. Il y a un équilibre à trouver.
Je n’ai qu’un regret, monsieur le rapporteur : cette proposition de loi ne prend pas en considération les inégalités grandissantes dans l’accès à ces outils numériques, notamment la charge inégale des collectivités territoriales dans les efforts pour doter les élèves en matériel et pour faire face, parfois, aux manques de l’État.
Cela dit, le groupe SOC salue votre engagement sur toutes ces questions et est favorable à cette proposition de loi.
M. Bruno Studer, rapporteur
Merci à vous !
Mme Michèle Victory
Nous souhaitons toutefois qu’une réponse plus complète à cet enjeu de société majeur soit apportée, et cela à un échelon global, hors de nos frontières, afin que tous les enfants du monde puissent être protégés et de ne plus être les cibles potentielles d’adultes prédateurs. (Mmes Muriel Ressiguier et Maud Petit applaudissent.)
M. le président
La parole est à Mme Alexandra Louis.
Mme Alexandra Louis
« Il y a eu des générations sacrifiées » : c’est avec ces mots qu’un responsable associatif alertait sur le retard pris en matière de protection des mineurs depuis la généralisation d’internet et des réseaux sociaux. Internet est un moyen formidable de s’ouvrir sur le monde, d’apprendre et même de participer à la libération de la parole, nous l’avons vu avec #MeToo, mais c’est également devenu le terrain de jeu de prédateurs et d’autres individus aux agissements néfastes pour les enfants.
Depuis quelques années, les témoignages se multiplient et donnent un aperçu très sombre de l’envers du décor : harcèlement, accès des mineurs à la pornographie, sextorsions, pédopornographie, appel à la haine, violences, prostitution des mineurs. Ces phénomènes encore difficiles à mesurer ont bouleversé bien trop de vies. Je crois que, de façon inconsciente, on s’est trop longtemps imaginé que les infractions commises dans un cadre virtuel étaient moins graves que celles perpétrées dans le monde dit réel. Or, aujourd’hui nous savons qu’un mineur agressé dans le cadre d’internet peut subir le même psychotraumatisme qu’un enfant agressé « dans la vraie vie ». Il faut être conscient qu’un enfant seul dans sa chambre avec un smartphone peut être tout autant en danger que s’il se promenait seul dans un parc le soir.
En outre, il existe un paradoxe : les enfants qui souvent utilisent mieux les outils numériques que leurs propres parents en méconnaissent les dangers, tout simplement parce qu’ils n’ont pas la maturité suffisante pour se protéger de tous les pièges que recèle internet.
Selon une étude de la CNIL publiée en 2020, plus de 80 % des 10-14 ans utilisent internet sans leurs parents. Parfois, ces connexions autonomes débutent dès l’âge de 7 ans, avec une exposition à des images inadaptées.
Face à cela, il nous a fallu agir dans plusieurs directions.
Dès 2017, la loi Schiappa a modifié la définition du harcèlement pour faciliter la sanction des raids numériques qui affectent particulièrement les mineurs. Cette disposition a été utile dans l’affaire Mila, qui était mineure quand son calvaire a commencé et qui vit encore aujourd’hui sous protection.
En 2020, nous avons transposé la directive « services de médias audiovisuels » (SMA) qui impose aux plateformes de partage de vidéos établies en France de mettre en place des mesures pour empêcher les mineurs d’accéder aux contenus pornographiques. Dans le même esprit, la loi visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste a renforcé la répression des infractions sexuelles commises en ligne, notamment en créant le délit de sextorsion.
Enfin, en 2021, nous avons lancé avec les opérateurs la plateforme jeprotegemonenfant.gouv.fr., un site d’information à destination des parents.
Notre action ne doit pas s’arrêter là. En 2004, la loi pour la confiance dans l’économie numérique contraignait les fournisseurs d’accès à internet à informer leurs clients de l’existence de moyens techniques permettant de restreindre l’accès à ces services. Ce dispositif n’est pas assez utilisé, j’en veux pour preuve que plus d’un parent sur deux affirme ne pas y avoir recours, alors que son utilité est avérée. Pourquoi ? Parce que le contrôle parental est jugé trop complexe et difficile d’accès. Simplifier son usage est donc primordial.
Cette proposition de loi s’inscrit dans la continuité des textes que j’ai évoqués en systématisant le recours au contrôle parental. Ainsi, les fabricants d’appareils connectés seront désormais contraints de préinstaller un dispositif de contrôle parental sur tous les terminaux qu’ils commercialisent, obligation que nos travaux en commission ont permis d’étendre aux vendeurs de produits reconditionnés, ce qui est une bonne chose. De la même manière, nous nous félicitons qu’un amendement venant garantir la gratuité des dispositifs de contrôle parental ait été adopté. En outre, le texte prévoit d’assurer un même standard de qualité de contrôle parental pour les différents fournisseurs, tout en tenant compte des disparités techniques entre les outils.
L’objectif est de simplifier l’installation des dispositifs de contrôle parental pour que leur utilisation ne soit plus décourageante.
Même s’ils ne sont pas imparables, ceux-ci ont fait leurs preuves. Reste que de nombreux adultes ignorent encore leur utilité, voire leur existence. Cette proposition de loi a le mérite de participer à une prise de conscience tant des adultes que les enfants. Elle constitue donc une avancée significative dans la protection des enfants et des adolescents, qui doit s’accompagner d’un renforcement de la prévention.
Dans mon rapport sur l’évaluation sur la loi Schiappa, je préconisais de rendre obligatoire la mise en place de séances de prévention en milieu scolaire dédiées à l’usage du numérique et des réseaux sociaux, ce qui correspond à une demande des acteurs de terrains – policiers, enseignants et responsables associatifs.
Je ne pouvais pas terminer sans évoquer le travail de la commission d’experts des 1 000 premiers jours de l’enfant, qui rappelle que, pour les moins de 3 ans, « l’utilisation régulière de l’écran comme moyen de calmer l’enfant pourrait l’empêcher de développer sa propre régulation émotionnelle » et qui conseille une utilisation très ponctuelle des écrans.
Convaincu de l’importance et du bien-fondé de cette proposition de loi, le groupe Agir ensemble votera donc en faveur de ce texte qu’il a cosigné. (Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens et sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.)
M. le président
La parole est à Mme Agnès Thill.
Mme Agnès Thill
Le secret extraordinaire des enfants, le voici : l’insouciance. Au fondement du développement de nos plus jeunes, elle est souvent un mystère pour nous, les adultes. Pourtant c’est à nous qu’incombe la responsabilité de mettre en place toutes les mesures possibles pour préserver cette innocence. Et je crois que, lorsque l’on parle de contrôle parental, c’est aussi la protection de cette âme d’enfant que nous devons avoir à l’esprit, car les images violentes ou pornographiques viennent briser l’enfance dans son développement naturel.
Ce texte, qui vise tout autant nos adolescents, doit constituer une garantie sérieuse pour protéger chaque enfant, dans son évolution progressive, contre les dangers que l’image, l’audiovisuel et les nouvelles technologies, malgré leur lot de progrès, sont susceptibles de mettre à sa portée. Chacun apprend au fil de la vie, petit à petit. Grandir, devenir un adulte est un processus lent que le contact avec des contenus inappropriés sur internet risque à tout moment de heurter.
Ce sujet est une préoccupation majeure pour notre groupe. Je saluerai mon collègue Michel Zumkeller qui, en 2003 déjà, avait déposé une proposition de loi visant à protéger les mineurs face aux publicités à caractère pornographique diffusées sur internet.
Je tiens donc à vous remercier, monsieur le rapporteur, de défendre un texte sur la protection des plus jeunes face à l’émergence de pratiques numériques qui parfois nous dépassent.
Il faut bien le reconnaître, les avancées technologiques entraînent des évolutions qui touchent en premier lieu nos enfants. Cela doit nous pousser à exercer une vigilance accrue, tout en évitant l’écueil qui consisterait à dédouaner les parents de leurs responsabilités par une intervention trop régulière du législateur. Aussi, de petites mais utiles retouches pour s’adapter sont nécessaires, et c’est à cela que nous procédons aujourd’hui.
Il est inutile de rappeler que la démocratisation des outils numériques donne aux enfants un accès quasi immédiat à toute la folie et la bêtise humaines. Or vous l’avez dit en commission, monsieur le rapporteur, les chiffres dont nous disposons sur l’âge de la première navigation autonome sont déjà très certainement obsolètes. Internet est aussi merveilleux que dangereux.
Il s’agit donc pour le législateur de donner aux parents les outils qui leur permettront de protéger leurs enfants de contenus pornographiques, violents ou haineux tout en leur offrant la possibilité de moduler le contrôle, notamment en fonction de l’âge. Ils doivent garder la main pour mener, au besoin, une action pédagogique auprès de leurs enfants.
Cette nécessaire action parentale trouve toutefois ses limites, car de nombreux parents maîtrisent moins bien que leurs enfants – voire pas du tout – les outils numériques ou abandonnent leurs responsabilités sur le chemin de l’éducation. Cette proposition de loi, je le sais, est vue comme un outil supplémentaire qui donnera la possibilité à chacun d’agir.
Le dispositif que nous allons voter aujourd’hui gagnerait à être complété par un accompagnement des parents en difficulté. Pourquoi, par exemple, ne pas les mettre en relation, grâce à la plateforme « Je protège mon enfant », avec des associations déjà actives sur le terrain afin qu’ils soient mieux informés des dangers cachés dans les méandres d’internet ?
Certains parents n’ont pas le réflexe de chercher dans les paramètres pour actionner le contrôle parental et le mettre sous leurs yeux dès l’initialisation d’un appareil contribuera à en faire un réflexe. À cet égard, il serait souhaitable que le dispositif mis en place sur les appareils connectés serve de modèle pour l’ensemble des activités sur lesquelles plane le risque d’exposer les enfants à un contenu inapproprié. Pensons à une installation dès l’inscription de l’utilisateur pour l’accès aux plateformes de téléchargement, de vidéos à la demande ou encore aux magasins d’application. De telles initiatives mériteraient d’être conduites au niveau européen en cette période de présidence française.
Le groupe UDI-I soutiendra cette proposition de loi et forme le vœu que le contrôle parental sera adopté par une majorité de parents. (Mme Maud Petit applaudit.)
M. le président
La parole est à M. le rapporteur.
M. Bruno Studer, rapporteur
Je remercie l’ensemble des groupes ayant exprimé leur soutien à cette proposition de loi qui procède, pour reprendre des termes que nous avons entendus en commission, à une petite mais utile modification de la loi.
M. le président
La discussion générale est close.
Discussion des articles
M. le président
J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.
Article 1er
M. le président
La parole est à M. Maxime Minot.
M. Maxime Minot
Internet recèle le meilleur et le pire : nous pouvons le mesurer chaque jour. Or son utilisation par les plus jeunes se généralise et débute de plus en plus tôt : les enfants se connectent de manière autonome dès 7 ans en moyenne, conséquence de l’apparition de nouveaux équipements, mais aussi, de manière moins directe, de la crise sanitaire de ces deux dernières années. À 12 ans, un enfant sur trois a déjà été exposé à un contenu pornographique ! Le même problème se pose au sujet des contenus haineux, violents, voire de l’action de réseaux criminels, terroristes ou pédophiles. Parmi les images les plus recherchées par les ados sur internet figuraient celles des décapitations commises en Irak par Daech !
Nous devons, sans attendre, combattre cette triste réalité. En tant que législateurs, il nous appartient d’apporter toutes les garanties juridiques nécessaires en vue de protéger les mineurs des dangers qu’ils peuvent croiser sur leur route virtuelle. La proposition de loi que nous examinons, inscrite dans une initiative législative plus large visant à lutter contre ce fléau, prévoit ainsi que tous les équipements et services permettant d’accéder à internet fassent l’objet d’obligations renforcées afin de rendre plus systématique et plus simple l’utilisation des dispositifs de contrôle parental. Elle impose également l’installation de logiciels de contrôle et l’harmonisation de leurs caractéristiques techniques ; ses dispositions incluent le financement de ces mesures et le contrôle de leur application. Bien sûr, aucun texte ne remplacera jamais la vigilance des parents, l’accompagnement éducatif ; bien sûr, ces mesures devront influencer les autres marchés, car il y a urgence ; bien sûr, enfin, notre groupe votera en faveur du texte, qui va indéniablement dans le bon sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Mme Maud Petit applaudit également.)
Mme Emmanuelle Anthoine
Bravo !
M. le président
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard.
Mme Emmanuelle Ménard
Chaque année, 136 milliards de vidéos pornographiques sont visionnées dans le monde. Le fléau de la pornographie détruit tout sur son passage ; depuis la santé mentale jusqu’à la santé sociale et sexuelle, tout y passe et en ressort vicié, cassé. Contrairement aux adultes, libres de leurs choix et de leurs actes, les mineurs ne sont pas de simples consommateurs, mais des victimes, qui commencent de plus en plus tôt à regarder du porno et à se forger ainsi une conception erronée de la sexualité. Un enfant de 12 ans sur trois a été exposé à du contenu pornographique ; à 15 ans, cette proportion atteint 62 %. De tels chiffres sont de nature à effrayer, voire affoler, lorsqu’on sait à quel point ces images peuvent blesser les enfants et dans le même temps susciter chez eux une véritable addiction. Cela devient d’autant plus préoccupant que nous vivons dans une société hyperconnectée où l’accès à internet est extrêmement facile.
Face à ce constat, nous ne pouvons que nous réjouir d’un texte qui incite à l’usage des dispositifs de contrôle parental de certains équipements et services vendus en France. Il est d’autant plus nécessaire que peu de parents exploitent la possibilité qui leur est offerte de paramétrer les téléphones ou autres objets connectés de leurs enfants : 44 % ont procédé à un paramétrage, 38 % installé un logiciel de contrôle, ce qui est vraiment trop peu. Ils doivent, comme les y encourage ce texte, se saisir du problème et le faire rapidement, car les enfants ont accès aux écrans de plus en plus tôt.
M. le président
La parole est à M. Gaël Le Bohec.
M. Gaël Le Bohec
Je suis ravi, chers collègues, de discuter avec vous de ce texte – qui n’est pas un petit texte, monsieur le rapporteur, précision dont je profite pour vous féliciter de vos travaux. Vous l’avez dit : il s’agit essentiellement de susciter la discussion au sein des familles. Beaucoup de chiffres ont été cités, mais nous devons avant tout mesurer l’écart entre ce que les parents pensent que les enfants font et ce que ces derniers font réellement. De l’excellente enquête menée par le réseau Morphée auprès de collégiens et de lycéens afin d’évaluer les effets des écrans sur leur sommeil, il ressort que 26 % des adolescents – soit plus d’un sur quatre – programment une alarme pour se réveiller dans la nuit et prendre connaissance de leurs notifications : l’un des principaux apports de cette proposition de loi réside dans le fait qu’elle permettra, je le répète, d’aborder de tels sujets dans le cercle familial.
M. le président
Chers collègues, vous m’avez sollicité afin que l’examen du texte ait lieu avec une certaine célérité, sans que cela nuise à la qualité du débat : nous allons maintenant voir s’il y a loin de l’expression d’une volonté à sa concrétisation ! (Sourires sur divers bancs.)
La parole est à Mme Virginie Duby-Muller, pour soutenir l’amendement no 7.
Mme Virginie Duby-Muller
L’article 1er de la proposition de loi a été modifié en commission par voie d’amendement afin d’en exclure les FAI, qui font l’objet de dispositions spécifiques à l’article 3. L’amendement vise donc à apporter une précision rédactionnelle établissant que les équipements terminaux concernés sont uniquement ceux qui donnent directement accès à des services et contenus susceptibles de porter atteinte à l’intégrité morale ou physique des mineurs.
M. Pierre Cordier
Très bien !
M. Maxime Minot
Excellent !
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Studer, rapporteur
Je conçois votre objectif : il n’est effectivement pas question des FAI avant l’article 3. Cependant, la modification que vous souhaitez ne réglerait pas la question, car aucun appareil n’accède à internet directement, c’est-à-dire sans l’intermédiaire d’une box, d’un relais 4G ou autre. L’amendement est satisfait par la rédaction adoptée en commission. Je demande donc son retrait ; à défaut, avis défavorable.
(L’amendement no 7, ayant reçu un avis défavorable du Gouvernement, est retiré.)
M. le président
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 1 et 11.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 1.
Mme Emmanuelle Ménard
Il devrait être possible de munir les équipements terminaux de dispositifs visant en même temps, ce qui devrait vous plaire (M. Maxime Minot sourit),…
M. Bruno Studer, rapporteur
On ne me l’avait jamais faite !
Mme Emmanuelle Ménard
…à restreindre et à réguler l’accès des mineurs. Cet amendement vise donc à ce que les deux options soient cumulatives.
M. le président
La parole est à Mme Muriel Ressiguier, pour soutenir l’amendement no 11.
Mme Muriel Ressiguier
Nous avions déjà présenté en commission un amendement similaire : il s’agit de faire équiper les appareils d’un dispositif permettant à la fois de restreindre et de contrôler l’accès des mineurs aux services et contenus fournis, au lieu de devoir choisir entre les deux modalités, qui peuvent être complémentaires. En effet, la restriction correspond par exemple au filtrage des contenus ou des applications, le contrôle à l’accès à l’historique de navigation ou au fait que les téléchargements, les paiements, soient soumis à autorisation.
M. le président
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?
M. Bruno Studer, rapporteur
Merci, madame Ressiguier, madame Ménard, de vous rendre agréables même par le choix de vos expressions ! Cependant, la rédaction que j’avais proposée confère une certaine souplesse au décret prévu par l’article : les fonctionnalités du contrôle parental sont susceptibles de varier en fonction de la nature de l’équipement en cause. Avis défavorable, bien que je comprenne votre intention.
(Les amendements identiques nos 1 et 11, repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)
M. le président
La parole est à M. Gaël Le Bohec, pour soutenir l’amendement no 16.
M. Gaël Le Bohec
Il vise à clarifier le texte en substituant « dès » à « lors de » dans la phrase disposant que l’activation du dispositif de contrôle parental est proposée « lors de la première mise en service de l’équipement ». En effet, cette mise en service correspond au premier allumage du téléphone ou du terminal mais non, par exemple, à l’installation d’une application. Je le répète, il s’agit d’être extrêmement clair : le contrôle parental doit pouvoir être de nouveau proposé ultérieurement.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Studer, rapporteur
Je vous remercie de cet amendement, monsieur Le Bohec, mais je vous le dis en toute courtoisie : le texte est déjà suffisamment clair. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable. Néanmoins, merci encore de cette occasion d’expliciter la rédaction de l’article grâce au débat parlementaire.
(L’amendement no 16, ayant reçu un avis défavorable du Gouvernement, est retiré.)
M. Philippe Gosselin
L’examen du texte va être rapide !
M. le président
La parole est à M. Gaël Le Bohec, pour soutenir l’amendement no 15.
M. Gaël Le Bohec
L’installation d’une application ou d’un logiciel comporte toujours le risque que des mineurs se retrouvent exposés à des contenus inappropriés. C’est pourquoi je souhaitais aborder ce sujet dans l’hémicycle : le contrôle parental, activable lors de la mise en service de l’appareil, doit également pouvoir être réactivé, pendant toute la durée de sa vie, lors de telles installations.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Studer, rapporteur
Ma réponse ne vous étonnera pas : cette proposition est disproportionnée par rapport au cadre juridique dans lequel nous devons nous inscrire. La proposition de loi porte atteinte à plusieurs principes constitutionnels ou conventionnels, dont la liberté du commerce et de l’industrie et les libertés de circulation au sein du marché intérieur ; ces atteintes doivent demeurer proportionnées à notre objectif, c’est-à-dire la protection des mineurs dans leurs activités numériques. Je comprends votre requête et ne peux dire que j’y suis défavorable : c’est pourquoi, cher collègue, je vous demande de retirer votre amendement.
(L’amendement no 15, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est encore une fois à M. Gaël Le Bohec, pour soutenir l’amendement no 14.
M. Gaël Le Bohec
Il s’agit d’un amendement de repli : la réactivation du contrôle parental serait proposée une fois par an, à défaut de pouvoir l’être lors de chaque évolution. Bien entendu, je suis tout disposé à le voir sous-amender si le rapporteur ou le secrétaire d’État préfère une autre périodicité.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Studer, rapporteur
Si cette proposition de réactivation intervient alors que l’appareil se trouve entre les mains du mineur, celui-ci, logiquement, la refusera. Au-delà des difficultés juridiques que j’ai évoquées, le dispositif risque donc tout bonnement d’être inefficace. Avec tout le respect que je vous dois, monsieur Le Bohec, je vous demanderai une nouvelle fois de retirer l’amendement ; à défaut, avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État
Même avis. Nous nous rejoignons concernant la nécessité d’instaurer un dialogue entre parents et enfants, mais il existe d’autres moyens d’y parvenir : d’ailleurs, le Gouvernement y contribue. L’examen d’autres amendements me fournira l’occasion d’y revenir. En attendant, ma position est la même que celle du rapporteur.
(L’amendement no 14 est retiré.)
M. le président
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 2.
Mme Emmanuelle Ménard
Il vise à préciser que le dispositif de contrôle parental, s’il n’est pas activé immédiatement, pourra l’être par la suite : une seconde chance, en quelque sorte.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Studer, rapporteur
Plus qu’une seconde chance, c’est une chance qui restera toujours aisément saisissable : toute autre interprétation du texte serait abusive et donnerait lieu à des sanctions. Je crois sincèrement que votre amendement est satisfait, madame Ménard, et plutôt que d’émettre un avis défavorable, je vous demanderai donc de le retirer.
(L’amendement no 2, ayant reçu un avis défavorable du Gouvernement, est retiré.)
M. le président
La parole est à Mme Albane Gaillot, pour soutenir l’amendement no 18.
Mme Albane Gaillot
N’ayant pas eu l’occasion de m’exprimer au cours de la discussion générale, je souhaitais saluer l’avancée que représente ce texte : nous avons besoin de renforcer les outils mis à la disposition des parents et des mineurs. Peut-être me direz-vous que mon amendement est satisfait, ou au contraire qu’il serait inapplicable : dans la même perspective que ceux de Gaël Le Bohec, il vise à ce que les parents soient mieux informés au sujet des dispositifs de contrôle parental, notamment lors de l’achat des équipements. Les distributeurs auraient donc l’obligation d’afficher ces informations sur l’emballage de leurs produits ou au sein de leurs établissements.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Studer, rapporteur
Cet amendement n’est pas encore satisfait, mais il le sera après qu’auront été adoptés d’autres amendements à venir. N’étant rien moins que défavorable à cet objectif que nous partageons tous, je demande son retrait.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État
Même avis.
M. le président
La parole est à Mme Albane Gaillot.
Mme Albane Gaillot
Puisque vous n’êtes pas défavorables à l’amendement, je le retire.
(L’amendement no 18 est retiré.)
M. Pierre Cordier
Quel cinéma !
M. le président
La parole est à M. Gaël Le Bohec, pour soutenir l’amendement no 17.
M. Gaël Le Bohec
Je le retire également.
(L’amendement no 17 est retiré.)
M. le président
Sur l’amendement no 9, je suis saisi par le groupe La France insoumise d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Je suis saisi de trois amendements, nos 24, 19 et 26, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 19 et 26 sont identiques.
La parole est à Mme Muriel Ressiguier, pour soutenir l’amendement no 24.
Mme Muriel Ressiguier
Par cet amendement, nous proposons que les fabricants délivrent aux utilisateurs, notamment mineurs, une information sur les risques liés aux usages numériques et les moyens de prévention. Sans bien sûr se substituer à l’éducation, qui doit rester la prérogative des parents et ne surtout pas devenir celle des fabricants ou des FAI, encore moins des plateformes, il faut répondre à un manque de formation et d’information, en leur donnant la possibilité de faire un choix éclairé.
M. le président
La parole est à Mme Cathy Racon-Bouzon, pour soutenir l’amendement no 19.
Mme Cathy Racon-Bouzon
Tous les acteurs de la protection de l’enfance dans l’espace numérique soulignent que le contrôle parental est un outil technique très efficace qui doit s’inscrire dans une démarche d’encadrement et d’éducation aux usages numériques. Cet outil ne se substitue pas à la vigilance, à l’écoute et au dialogue avec les enfants.
Cet amendement vise à inclure, dans le décret d’application mentionné à l’article 1er, les modalités de l’information qui devra être délivrée aux familles sur les dangers d’internet tout au long du parcours utilisateur. Il s’agit de replacer l’activation du contrôle parental dans son contexte et de présenter les fonctionnalités en perspective des risques d’une navigation non sécurisée. Il s’agit tout simplement d’accompagner les adultes dans une démarche de prévention, en les guidant vers les ressources existantes pour leur permettre d’entamer un dialogue au sein de la famille.
M. le président
La parole est à Mme Muriel Ressiguier, pour soutenir l’amendement no 26.
Mme Muriel Ressiguier
Nous proposons par cet amendement de repli une formulation un peu moins ambitieuse, mais qui constitue néanmoins une avancée : les fabricants contribueront ainsi à la diffusion de l’information disponible en matière de risques liés à l’utilisation de services de communication en ligne par les personnes mineures et de moyens de les prévenir.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Studer, rapporteur
Chose promise, chose due, madame Gaillot : ces amendements répondent à l’inquiétude que vous exprimiez il y a quelques minutes.
Vous vous doutez, madame Ressiguier, que je vais émettre des doutes quant à la conventionnalité de votre premier amendement. Je propose donc que vous le retiriez au profit des amendements nos 19 et 26, auxquels j’émettrai cette fois-ci un avis favorable.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État
Pour les mêmes raisons, je propose moi aussi que vous retiriez l’amendement no 24 au profit des amendements nos 19 et 26, une telle obligation relevant plutôt du réglementaire que de la loi.
D’ores et déjà, le Gouvernement a mis en place, avec l’ensemble des acteurs concernés, des dispositifs visant à accompagner les parents face à ces problématiques. On a beaucoup cité sur tous ces bancs – et je vous en remercie, car il faut en faire la promotion – le site jeprotegemonenfant.gouv.fr …
M. Maxime Minot
Tout à fait !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État
… qui agrège des informations très pratiques, opérationnelles et concrètes sur le contrôle parental en fonction de l’appareil utilisé et du système d’exploitation, ainsi que des ressources, qui sont autant d’occasions pour les parents d’engager avec leurs enfants ce dialogue nécessaire au sein du foyer.
En outre, j’ai annoncé le 5 octobre dernier, lors de la conférence des familles, le lancement d’un campus de la parentalité numérique. Vous le savez, vos territoires comptent plusieurs acteurs qui mènent déjà de nombreuses d’actions d’accompagnement à ce qu’on appelle la parentalité numérique. Ainsi les caisses d’allocations familiales (CAF) et les unions départementales des associations familiales (UDAF) organisent souvent des ateliers des parents sur ces problématiques face auxquelles ils sont démunis. Nous sommes en train de travailler avec ces deux acteurs pour rendre ce type d’accompagnement encore un peu plus cohérent, consistant et lisible pour tous les parents.
Je me permets enfin de vous rappeler l’existence du 3018, numéro d’appel destiné notamment aux victimes de cyberharcèlement, mais qui peut être également une ressource utile pour les parents qui s’interrogent sur les usages du numérique par leurs enfants. Il permet à divers professionnels de vous accompagner et de vous donner des conseils sur l’usage que vos enfants font du numérique.
M. le président
La parole est à Mme Muriel Ressiguier.
Mme Muriel Ressiguier
C’est une première pour moi, mais je vais retirer l’amendement no 24 en considération de l’avancée que vous me proposez. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.)
(L’amendement no 24 est retiré.)
(Les amendements identiques nos 19 et 26 sont adoptés à l’unanimité ; en conséquence, l’amendement no 3 tombe.)
(Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
M. le président
La parole est à Mme Muriel Ressiguier, pour soutenir l’amendement no 9.
Mme Muriel Ressiguier
Je suis émue, tant il est rare de pouvoir dialoguer et de parvenir à faire entendre ses arguments !
M. Philippe Berta
C’était trop beau !
Mme Muriel Ressiguier
Même si ce n’est qu’un petit truc, on le prend.
Je vous propose d’interdire l’utilisation de la reconnaissance faciale des mineurs comme outil de contrôle parental. J’avais fait cette proposition en commission et vous m’aviez proposé que nous y retravaillions. Cet amendement – Mme Victory en a déposé un autre allant dans le même sens – est le fruit de ce travail.
La CNIL a publié le 9 juin 2021 un ensemble de huit recommandations visant à établir un équilibre qui permette de construire un environnement numérique adapté aux mineurs, qui réponde à la fois à la nécessité de les protéger et à leur désir d’autonomie. Cet amendement prévoit que la CNIL sera consultée avant l’élaboration du décret sur des sujets comme la reconnaissance faciale et d’autres ayant trait à la protection des données personnelles des mineurs, notamment en matière de ciblage publicitaire.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Studer, rapporteur
Je n’ai pas fini de vous surprendre, monsieur le président, car je vais donner un avis favorable ! (Exclamations et applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, LR et Dem.) Ça devient suspect !
Je vous remercie d’abord d’avoir soumis cette proposition à la commission. C’est vraiment une très bonne idée que de solliciter l’avis de la CNIL sur le décret que nous avons renforcé en commission, puisqu’il s’agit désormais d’un décret en Conseil d’État.
Il est opportun en effet, sur des sujets qui suscitent certaines inquiétudes, de faire appel à cette autorité indépendante, respectée depuis de nombreuses décennies. Comme certains d’entre vous l’ont souligné dans la discussion générale, chers collègues, il ne faut pas que cet outil soit trop invasif, même si la loi ne peut pas réglementer l’usage que les parents en feront : c’est à eux d’apprendre à vivre avec ces objets. C’est tout l’objet de cette proposition de loi.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Cédric O, secrétaire d’État
Ne voulant pas faire obstacle à la romance naissante entre le rapporteur et le groupe La France insoumise (Sourires sur plusieurs bancs) et parce que je veux vous montrer, madame la députée, que nous ne sommes probablement pas aussi fermés ni obtus que vous le pensez – probablement le résultat de cinq ans d’incompréhension –, je vais également donner un avis favorable sur cet amendement. (Exclamations et applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.)
M. le président
La parole est à M. Philippe Gosselin.
M. Philippe Gosselin
Représentant l’Assemblée au sein de la CNIL, je ne peux que me réjouir que le travail mené depuis 2020 par la commission, et qui a abouti à la publication en juin 2021 des préconisations évoquées par notre collègue, suscite cette belle unanimité. Cette disposition a en outre l’avantage, le Conseil d’État n’ayant pas été consulté puisqu’il s’agit d’une proposition de loi, d’associer une autorité indépendante à un texte qui, cela dit sans vouloir anticiper certains votes, fera l’unanimité.
Le contrôle parental, ce n’est pas la censure. Il s’agit de donner aux parents les outils les plus à même d’assurer la protection des mineurs. Cependant, cette protection ne doit pas non plus leur enlever toute forme d’autonomie, d’autant que mettre les jeunes sous cloche ne serait pas les préparer non plus à affronter la vie. De ce point de vue, ce premier pas est à saluer et je ne doute pas que la CNIL apportera elle aussi quelques éclairages utiles. Je vous remercie donc pour votre esprit d’ouverture et me réjouis de l’unanimité qui s’annonce.
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 9.
M. Pierre Cordier
Prépare ton mouchoir, Muriel !
M. Maxime Minot
Tu vas finir par prendre ta carte à LaREM !
M. le président
Nous allons maintenant procéder au scrutin, étant rappelé que cet amendement a reçu un avis favorable de la commission et du Gouvernement.
M. Raphaël Schellenberger
Et de M. Gosselin !
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 71
Nombre de suffrages exprimés 71
Majorité absolue 36
Pour l’adoption 71
Contre 0
(L’amendement no 9 est adopté.)
(Applaudissements sur l’ensemble des bancs.)
M. le président
J’observe que votre amendement a été adopté à l’unanimité, madame la députée.
La parole est à Mme Florence Provendier, pour soutenir l’amendement no 20.
Mme Florence Provendier
Cet amendement, que je défends au nom du groupe La République en marche, fait suite à une discussion que nous avons eue en commission. Il vise à ce que le décret en Conseil d’État précise les moyens mis en œuvre par le fabricant pour faciliter l’utilisation du dispositif. En effet, il est indispensable de permettre aux adultes, souvent bien moins à l’aise que les enfants dans l’usage des outils informatiques, et c’est peu de le dire, d’avoir accès à tout moment et en dehors du parcours utilisateur aux informations complémentaires nécessaires à l’installation de ce dispositif, mais aussi à la compréhension de son intérêt.
Cette réécriture présente l’avantage de ne pas remettre en cause l’accord donné par la Commission européenne, ce qui retarderait l’adoption de ce texte, et d’assurer le caractère aisément accessible du contrôle parental pour protéger sans plus attendre nos enfants des pièges d’internet.
Je salue l’examen de ce texte qui, je l’espère, sera adopté à l’unanimité et promulgué dans les meilleurs délais.
M. le président
La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir le sous-amendement no 27.
M. Dino Cinieri
Il s’agit d’un sous-amendement rédactionnel.
Les parents, qui sont très majoritairement conscients des dangers d’internet et des risques d’addiction de leurs enfants aux écrans, sont favorables au dispositif de contrôle parental, mais seuls 46 % d’entre eux disent avoir installé des solutions de suivi de l’activité de leurs enfants, notamment parce que les outils de contrôle parental sont difficiles à installer pour ceux qui ne sont pas familiers des nouvelles technologies. De nombreux parents maîtrisent en effet les outils numériques moins bien que leurs enfants, voire pas du tout. Il convient donc de veiller à ce que l’installation des dispositifs de contrôle soit le plus simple possible.
M. Raphaël Schellenberger
C’est du bon sens !
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Studer, rapporteur
Ne m’en veuillez pas, madame Ressiguier, si je donne un avis favorable à d’autres amendements que les vôtres (Sourires sur plusieurs bancs),…
Un député du groupe LR
À nous aussi alors !
M. Bruno Studer, rapporteur
…mais je donnerai un avis favorable également à cet amendement. Je salue, madame Provendier, votre engagement pour la protection de l’enfance, qui n’est un mystère pour personne ici. Vous nous proposez là une précision utile.
Vous ne m’en voudrez pas non plus, cher collègue Cinieri, de juger le terme « faciliter » plus approprié que celui de « simplifier » pour qualifier une utilisation. C’est pourquoi je vous demanderai de retirer votre amendement.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État
Même avis sur le sous-amendement pour les mêmes raisons, et avis favorable sur l’amendement de Mme Provendier. Même si celui-ci nous semble satisfait sur le fond, il apporte une précision de bon aloi.
M. le président
La parole est à M. Dino Cinieri.
M. Dino Cinieri
En considération du fait que vous étiez sur le point de donner un avis favorable, je veux bien retirer mon amendement.
(Le sous-amendement no 27 est retiré.)
(L’amendement no 20 est adopté.)
M. le président
La parole est à Mme Muriel Ressiguier, pour soutenir l’amendement no 23.
Mme Muriel Ressiguier
Je suis moins sûre de votre approbation cette fois, puisque nous ne sommes pas tombés d’accord sur le sujet, mais j’essaie quand même… Par cet amendement, nous souhaitons que les appareils soient dotés d’un dispositif permettant aux parents d’en contrôler la durée d’utilisation – cela a déjà été proposé plusieurs fois. Nous connaissons les désastres que provoquent les heures et les heures passées par les enfants devant les écrans.
M. Raphaël Schellenberger
Surtout quand ce sont des heures devant YouTube !
Mme Muriel Ressiguier
Des fournisseurs d’accès proposent déjà de télécharger des applications de contrôle du temps d’écran. Ce n’est peut-être pas révolutionnaire, mais c’est important.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Studer, rapporteur
Je suis défavorable à votre amendement, bien que j’en partage la finalité – la limitation du temps d’écran est d’ailleurs souvent la première porte d’entrée dans le contrôle parental. Il est fort probable que dans le monde entier, tous les parents se posent les mêmes questions : quel temps d’écran est acceptable, et à quel âge ?
Pour autant, il me semble que le temps d’écran, sur des appareils connectés ou non, doit relever de la responsabilité des parents. Juridiquement, le contrôle parental vise à mettre des obstacles à la consultation de certains contenus et services, pour protéger l’intégrité physique et psychique des enfants, plutôt qu’à limiter le temps d’écran en soi. Du reste, comment déterminerions-nous les durées d’écran à ne pas dépasser ? D’un point de vue juridique, il me paraît plus sage de maintenir la rédaction actuelle, même si je comprends votre préoccupation, qui est largement partagée.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Cédric O, secrétaire d’État
Même avis.
M. le président
La parole est à Mme Muriel Ressiguier.
Mme Muriel Ressiguier
Je maintiens mon amendement. J’entends vos arguments juridiques, monsieur le rapporteur, mais nous sommes aussi là pour batailler – vous dans votre rôle, moi dans le mien – afin de faire avancer le sujet, notamment dans la perspective d’un éventuel blocage de la Commission européenne. Nul doute que la question réapparaîtra dans les mois ou les années à venir.
(L’amendement no 23 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à Mme Blandine Brocard, pour soutenir l’amendement no 5.
Mme Blandine Brocard
La rédaction actuelle distingue deux cas pour le matériel d’occasion. D’une part, les terminaux mis sur le marché avant l’entrée en vigueur de la présente loi seront soumis à une obligation d’information relative aux dispositifs de contrôle parental existants. D’autre part, les vendeurs de terminaux récents devront s’assurer que ces derniers sont certifiés par le fabricant.
Cependant, il existe de nombreux terminaux anciens compatibles avec une mise à jour du système d’exploitation incluant le contrôle parental. Aussi, je propose que les vendeurs de matériel d’occasion s’informent de la compatibilité du matériel qu’ils commercialisent. Le décret en Conseil d’État pourra préciser la manière dont ils devront en informer leurs clients. Il est primordial qu’au moment de l’achat, les parents et les jeunes soient informés de la compatibilité du produit avec le dispositif de contrôle parental. Les reconditionneurs pourront effectuer eux-mêmes les mises à jour, quitte à en faire un argument de vente.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Studer, rapporteur
Vous proposez ni plus ni moins qu’une application rétroactive de la loi pour les reconditionneurs, c’est-à-dire une obligation plus importante encore que celle que nous faisons peser sur les fabricants. Il me semble très incertain de s’engager sur ce chemin, notamment au regard du cadre conventionnel dans lequel nous évoluons. Je vous demande donc de retirer votre amendement. Votre intention est louable, mais notez que lorsque l’appareil est compatible, il sera nécessairement mis à jour avec la version du système d’exploitation qui comporte le dispositif de contrôle parental. Sachant que les constructeurs mettront plusieurs mois à fournir cet outil, il est très probable que lorsque la loi entrera en vigueur, de moins en moins d’appareils échapperont au filtre que nous instaurons.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Cédric O, secrétaire d’État
Même avis.
(L’amendement no 5 est retiré.)
(L’article 1er, amendé, est adopté à l’unanimité.)
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État
Bravo !
Article 2
(L’article 2 est adopté.)
Article 3
M. le président
Sur amendement no 10 rectifié, je suis saisi par le groupe La France insoumise d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Sur l’ensemble de la proposition de loi, je suis saisi par le groupe La République en marche d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Muriel Ressiguier, pour soutenir l’amendement no 8.
Mme Muriel Ressiguier
Il s’agit d’offrir la possibilité à la fois de restreindre et de contrôler l’accès des personnes mineures à certains services et contenus, plutôt que de laisser le choix entre les deux modalités. Cet amendement est similaire à celui que j’ai défendu précédemment, à la différence près qu’il concerne les FAI.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Studer, rapporteur
Ma réponse est similaire à celle que je vous ai faite précédemment. J’ajoute que la rédaction que vous proposez supprimerait l’obligation pour les FAI de proposer un tel dispositif à leurs utilisateurs : cela irait à l’encontre de l’objectif que vous visez. Je demande donc le retrait de l’amendement.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État
Même avis.
(L’amendement no 8 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à Mme Blandine Brocard, pour soutenir l’amendement no 4.
Mme Blandine Brocard
Nous souhaitons que le dispositif de contrôle parental soit systématiquement proposé à l’utilisateur lors de l’installation de sa box, de la même manière et avec les mêmes mots que nous le prévoyons pour les fabricants de terminaux. En effet, les fournisseurs d’accès ont l’obligation d’informer leurs clients de l’existence de solutions de contrôle parental. Depuis l’année dernière, la loi confortant le respect des principes de la République leur impose également de proposer au moins une solution de cette nature. Grâce à l’article 3 de la proposition de loi, nous ajoutons une obligation de gratuité pour au moins une de ces solutions.
Toutefois, l’information relative aux solutions et à l’activation du service gratuit peut rester perdue au fin fond des conditions d’utilisation et des menus d’options, même si certains bons élèves proposent déjà ces solutions lors de l’installation. Dès lors que la proposition de loi vise essentiellement à donner le réflexe du contrôle parental, je propose, comme nous l’avons acté pour les fabricants de terminaux, que l’activation de la solution soit systématiquement proposée lors de l’installation de tout équipement de type box.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Studer, rapporteur
Cet amendement me donne l’occasion de préciser pourquoi cette possibilité ne doit pas entraîner de surcoût. Jusqu’à présent, le niveau de protection était plus ou moins élevé selon l’abonnement souscrit. La gratuité, couplée à une standardisation des fonctionnalités minimales – qui seront précisées par décret –, constituera une réponse pertinente.
Je connais votre engagement dans ce combat, madame Brocard, mais votre proposition ne me paraît pas opportune. En effet, contrairement à ce qui existait pour les anciennes versions des box, il n’y a plus de parcours utilisateur spécifique lors de la mise en service : une fois connectée, la box est immédiatement prête à l’emploi, sans paramétrage supplémentaire. Le dispositif que vous proposez ne fonctionnerait donc pas. Je comprends votre préoccupation, mais je ne peux abonder dans votre sens pour des raisons purement techniques. Je vous demande donc de retirer votre amendement.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Cédric O, secrétaire d’État
Même avis.
Mme Blandine Brocard
Je le retire, même si je ne suis pas vraiment convaincue !
(L’amendement no 4 est retiré.)
M. le président
La parole est à Mme Muriel Ressiguier, pour soutenir l’amendement no 25.
Mme Muriel Ressiguier
Nous proposons que le contrôle parental soit assorti d’un dispositif permettant de contrôler la durée d’utilisation du service. Vous connaissez déjà mes arguments : ils concernent, cette fois, les FAI.
(L’amendement no 25, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à Mme Muriel Ressiguier, pour soutenir l’amendement no 10 rectifié.
Mme Muriel Ressiguier
Nous souhaitons que le décret fixant les modalités d’application du dispositif de contrôle parental mis à disposition par les FAI soit soumis à l’avis de la CNIL avant d’être publié.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Studer, rapporteur
Favorable.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Cédric O, secrétaire d’État
Même avis.
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 10 rectifié.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 76
Nombre de suffrages exprimés 76
Majorité absolue 39
Pour l’adoption 76
Contre 0
(L’amendement no 10 rectifié est adopté à l’unanimité.)
(Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)
Mme Sylvie Tolmont
Oh là là !
(L’article 3, amendé, est adopté.)
Après l’article 3
M. le président
La parole est à Mme Blandine Brocard, pour soutenir l’amendement no 6 portant article additionnel après l’article 3.
Mme Blandine Brocard
Je ne compte plus les parents qui m’ont interpellée au sujet de la protection des jeunes vis-à-vis d’internet. Cette préoccupation est également partagée par de nombreux élus locaux. Grâce à la présente proposition de loi et à l’accompagnement de parents responsables – c’est important, nous l’avons dit –, les enfants seront mieux protégés à la maison et sur les terminaux contrôlés par leurs parents.
Or les jeunes utilisent principalement les réseaux wifi sur la voie publique – dans les gares, les aéroports, les centres commerciaux… –, et même sur des réseaux protégés par des mots de passe, puisqu’il existe des applications qui répertorient ces derniers. Dans toutes les cours de collège, on peut obtenir facilement, gratuitement ou pour quelques euros, d’anciens terminaux connectables aux réseaux wifi sans nécessiter un abonnement à un fournisseur d’accès. De fait, il est rare qu’un jeune puni et privé de son mobile reste déconnecté bien longtemps : il trouvera toujours un camarade fort sympathique pour lui en passer un.
Par le présent amendement, nous proposons que les réseaux wifi gratuits incluent obligatoirement un système activé de contrôle des contenus susceptibles de porter atteinte à l’intégrité morale ou physique des jeunes.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Studer, rapporteur
J’ai eu l’occasion d’approfondir ce sujet pendant les mois de préparation de la proposition de loi : il soulève un problème non négligeable de constitutionnalité. La solution que nous proposons paraît satisfaisante, puisque le contrôle parental figurera dans l’équipement même de l’enfant : celui-ci sera donc protégé, y compris à l’extérieur. Avec votre solution, en revanche, vous contraindriez l’ensemble de la population à justifier de son identité à chaque connexion sur un réseau public ; ce serait contraire à la protection de la confidentialité des données personnelles. Mon avis n’est pas franchement défavorable, car je comprends votre intention ; toutefois, je vous propose de retirer votre amendement.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Cédric O, secrétaire d’État
Défavorable.
(L’amendement no 6 n’est pas adopté.)
Article 4
M. le président
L’amendement no 28 du Gouvernement, visant à supprimer l’article 4 afin de lever le gage de la présente proposition de loi, est défendu.
(L’amendement no 28, accepté par la commission, est adopté ; en conséquence, l’article 4 est supprimé.)
(Applaudissements sur de nombreux bancs.)
Vote sur l’ensemble
M. le président
Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 82
Nombre de suffrages exprimés 82
Majorité absolue 42
Pour l’adoption 82
Contre 0
(La proposition de loi est adoptée à l’unanimité.)
M. le président
La parole est à M. le rapporteur.
M. Bruno Studer, rapporteur
Je vous remercie tous pour votre confiance ; mes remerciements vont également à MM. les secrétaires d’État pour le travail qu’ils ont fourni. Nous espérons que la proposition de loi poursuivra son chemin au Sénat.
J’adresse enfin toute ma gratitude à mon groupe parlementaire et à son président, Christophe Castaner, pour la confiance qu’ils m’ont témoignée à l’occasion de l’inscription de ce beau texte à l’ordre du jour de la semaine de l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
4. Ordre du jour de la prochaine séance
M. le président
Prochaine séance, demain, à quinze heures :
Proposition de loi relative à l’aménagement du Rhône.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures quinze.)
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra